« JE HAIS les voyages et les explorateurs », écrit Claude Lévi-Strauss au début de son plus célèbre livre, « Tristes Tropiques » (1955). Né dans une famille de Juifs alsaciens, le 28 novembre 1908, décédé le 1er novembre, Lévi-Strauss est devenu ethnologue presque par hasard. Philosophe de formation (reçu troisième à l’agrégation), il accepte en 1935 un poste de professeur de sociologie à l’université de São Paulo et c’est en tant que membre de la mission universitaire au Brésil qu’il organise plusieurs expéditions dans le Mato Grosso et en Amazonie. Et s’il dit haïr les voyages, c’est, par opposition à l’esprit d’aventure, pour mieux se pencher sur la réalité humaine, les populations rencontrées.
De retour en France en 1939, il est mobilisé puis, l’année suivante, révoqué par Vichy en raison de ses origines juives. Il part aux États-Unis, enseigne à New York puis devient en 1946 conseiller culturel près l’ambassade de France. Il démissionne en 1948 pour se consacrer à son travail scientifique, qui va proposer une appréhension nouvelle des mécanismes socio-culturels en appliquant l’analyse structurale (notamment les travaux de Jakobson) aux sciences humaines.
En 1949, de retour en France, il publie sa thèse, « les Structures élémentaires de la parenté », et, la même année, devient sous-directeur du musée de l’Homme. Associant la rigueur scientifique à l’enquête sur le terrain, il contribue à donner à l’ethnologie une place de premier plan. Et avec « Anthropologie structurale », en 1958, il jette les bases de son travail théorique sur les peuples premiers et leurs mythes. Suivront notamment, dans une uvre riche, désormais publiée à la Pléiade, « la Pensée sauvage » (1962) et les « Mythologiques » (4 volumes de 1964 à 1971).
Réflexion morale.
Professeur au Collège de France, membre de l’Académie française (dont il était le doyen depuis le décès de Jean Bernard et le premier centenaire), Claude Lévi-Strauss avait reçu un hommage appuyé de Jacques Chirac lors de l’inauguration du musée du Quai Branly, dédié aux arts premiers. À l’occasion de son centenaire, en 2008, la ministre de la Recherche a annoncé la création d’un prix portant son nom, qui récompensera chaque année le meilleur chercheur en sciences humaines et sociales. C’est ainsi qu’a été couronné, en juin dernier, Dan Sperber, pour ses travaux aux croisées de l’anthropologie, de la philosophie, de la linguistique et de la psychologie.
Pour son successeur actuel au laboratoire d’anthropologie sociale au Collège de France, Philippe Descola, c’est « l’anthropologue dont l’uvre aura exercé la plus grande influence au XXesiècle ». Et d’ajouter : « L’uvre scientifique considérable de Lévi-Strauss ne doit pas faire oublier l’importance de sa réflexion morale : dénonçant sans relâche l’appauvrissement conjoint de la diversité des cultures et des espèces naturelles, il a toujours vu dans la linguistique et l’anthropologie un instrument critique des préjugés, notamment raciaux, en même temps qu’un moyen de mettre en uvre un humanisme "généralisé". »
Choc et inquiétude à la Croi après le retrait des États-Unis des programmes de santé mondiale
Des chiens aux urgences aident les enfants anxieux
Xénogreffe : un avenir se dessine en France
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé