« PAYER PEUT nuire à votre santé ». Par ce titre (quelque peu provocateur), les 3 chercheurs de l’IRDES, Paul Dourgnon, Florence Jusot et Romain Fantin, annoncent le programme : montrer scientifiquement l’impact néfaste du renoncement aux soins sur l’état de santé, phénomène pressenti, mais sous-étudié. « Les propriétés de l’indicateur de renoncement aux soins sont aujourd’hui peu connues. En particulier on ne sait pas ce que la déclaration d’un renoncement révèle sur l’accès aux soins final des personnes ni sur ses conséquences sur l’état de santé », écrivent-ils dans leur introduction.
Pour la première fois, cette étude (disponible au format PDF) avance des chiffres tangibles pour rendre compte des conséquences du renoncement aux soins. Près de 42,3 % des personnes qui ont déclaré un renoncement en 2002 et en 2004 (dans le cadre des enquêtes santé et protection sociale - ESPS - de l’IRDES -) constatent 4 ans plus tard la dégradation de leur état de santé, contre 37,8 % des personnes n’ayant rien signalé. « Ce résultat met, à notre sens, bien en évidence un lien de causalité : renoncer à des soins entraîne un risque plus important de dégradation de l’état de santé », commentent les auteurs. Plusieurs facteurs nuancent ce résultat. La dégradation de la santé est d’autant plus importante que la personne est âgée et, à l’origine, en mauvaise santé. A contrario, une position élevée dans l’échelle sociale prémunit davantage d’une dégénérescence organique.
L’effet de la précarité.
Les raisons évoquées pour analyser le renoncement aux soins sont traditionnellement plurielles : manque d’informations sur le système de santé, désertification médicale, refus de soins ... Mais il ressort de cette étude de l’IRDES que les barrières financières constituent le véritable frein à l’accès à la santé et font du renoncement un problème de santé publique, qui touche l’ensemble de la population.
Selon l’IRDES, 15,9 % des personnes interrogées déclarent avoir renoncé à un soin pour raisons financières au cours de ces 12 derniers mois. Sans surprise, le trio soins dentaires (9,9 % des personnes reportent leurs soins), optiques (4,3 %) et visites chez le généraliste ou le spécialiste (3,5 %) arrive en tête des secteurs les plus touchés.
Les chercheurs ont passé au peigne fin les déterminants socio-économiques permettant de dresser le portrait de ces Français qui sacrifient leur santé à leur portefeuille. Il s’agit plutôt de femmes (elles représentent 18,53 % des personnes interrogées, contre 12,36 % d’hommes) entre 40 et 60 ans. Avec la vieillesse, le renoncement devient moindre (il ne concerne que 6,24 % des plus de 80 ans) mais s’avère souvent définitif. Si le niveau d’étude laisse apparaître des différences non significatives, le degré de précarité (défini sur des critères comme le lieu d’hébergement, les difficultés à payer les charges, l’inactivité professionnelle, l’isolement durable, les vacances, le soutien social ...) joue en revanche un rôle majeur. Les Français qui ne subissent aucun marqueur de précarité sont 4,75 % à déclarer un renoncement ... contre plus de 46 % pour les très démunis. « L’effet de la précarité sur le renoncement montre un gradient particulièrement spectaculaire », analysent les chercheurs, soulignant que « la distribution de la précarité » concerne la majorité des Français, non un groupe ciblé. La porosité entre précarité et renoncement est telle que le second pourrait être considéré comme un indicateur de la précarité en santé.
De la vertu de la CMU-C.
Carton rouge au système de soins français ? Presque, si ce n’était le système des couvertures complémentaires, qui insufflent un soupçon de justice dans ces inégalités sociales de santé. Les personnes protégées par une complémentaire renoncent moins que les autres. Près de 50 % des Français qui ne peuvent pas avoir de couverture tournent le dos aux soins. Une proportion que la possession d’une complémentaire ne serait-ce que de mauvaise qualité réduit de moitié. A fortiori, les assurés jugeant la qualité de leur contrat très bon ne sont que 5,44 % à renoncer aux soins, contre 25 % pour ceux qui considèrent leur complémentaire mauvaise.
La couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) semble aller dans le bon sens puisque grâce à elle, seulement 22,11 % des détenteurs de la CMU renoncent aux soins - soit moins que les personnes couvertes par une mauvaise complémentaire, et surtout, moins que les 40 % qu’ils seraient sans CMU-C. La complémentaire réduit en effet considérablement le taux de CMUistes qui renonceraient aux soins sans elle : ils sont 4,4 % à décliner des consultations de praticiens alors qu’ils devraient être 13 % ; 14 % à ne pas voir de dentiste contre 29 % et 6 % à délaisser l’optique contre de 10 %.
Toutefois l’efficacité de la CMU-C ne saurait être optimale sans une réforme des dépassements d’honoraires et des franchises, suggèrent les chercheurs.
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