Cinq ans après l'attentat de Charlie Hebdo, Chloé Verlhac, veuve du dessinateur Tignous, publie « Si tu meurs, je te tue »*, où elle raconte son 7 janvier et sa reconstruction. Si elle rend hommage à la psychiatre qui la suit, « grâce à qui (elle est) debout et femme », l'auteure est cinglante à l'égard de la cellule d'urgence médico-psychologique (CUMP). Elle dénonce la « lâcheté » de ses acteurs qui se dérobent lorsque arrivant sur les lieux du drame, elle leur demande si Tignous est mort, puis une certaine incompétence dans l'écoute.
Dans le post-immédiat, « j'espérais qu'on aurait un vrai accompagnement. Mais on n'a pas eu affaire à des gens aussi compétents qu'il aurait fallu. Cinq ans après, on le sait, tout le monde a été dépassé », témoigne-t-elle sur « France Inter ».
Des CUMP réorganisées
Les psychiatres des CUMP ont les premiers reconnu des défaillances dans le dispositif créé en 1995. Deux semaines après les attentats de Charlie Hebdo, de Montrouge, et de l'Hyper Cacher, le Pr Didier Cremniter, à l'époque référent national des CUMP et directeur de la cellule d'Île-de-France, regrettait de n'avoir pas fait appel à d'autres CUMP en renfort (alors que l'épuisement des professionnels parisiens était manifeste) et déplorait des problèmes de coordination avec les urgences psychiatriques.
Dès novembre 2015, les CUMP, qui ont déjà amorcé une réflexion sur leurs pratiques, accueillent différemment les victimes des attentats du Bataclan, des terrasses parisiennes et du Stade de France. « On les a immédiatement conduites dans divers lieux de soins – tandis que pour Charlie, nous pensions la prise en charge immédiate sur place. Contrairement aux victimes de janvier, nous avons séparé les personnes traumatisées, les endeuillés, les otages, etc. », explique au « Quotidien », le Pr Thierry Baubet, responsable de la CUMP 93 et pédopsychiatre (AP-HP). L'attentat du 14 juillet 2016 à Nice a ensuite mis en évidence l'importance de la présence de pédopsychiatres dans les CUMP.
Depuis, « ce travail d'apprentissage », selon les mots du pédopsychiatre, n'a pas cessé. Il s'est traduit concrètement par la publication de textes officiels révisant le maillage et l'organisation des CUMP et homogénéisant le certificat médical initial, le dossier médical des victimes et le référentiel national de formation à l'urgence médico-psychologique. La gouvernance nationale des CUMP a changé, la Dr Nathalie Prieto (hospices civils de Lyon) succédant au Pr Cremniter en juillet 2017.
Une meilleure articulation de l'urgence avec l'aval
« Aujourd'hui, l'articulation entre l'urgence médico-psychologique et la suite est plus facile », souligne aussi le Pr Baubet, saluant la création des dix centres régionaux psychotraumatisme (CRP) proposant des consultations spécialisées. « Dans chacune de ces structures, il y a une collaboration entre les CUMP et les services de soins, aussi bien pour la clinique que la recherche. Cela doit permettre d'orienter les victimes vers des parcours de soins après la réponse CUMP », détaille-t-il. Et d'éviter qu'elles ne restent sans soins une fois la prise en charge d'urgence terminée.
Autre évolution des CUMP : « Elles collaborent beaucoup plus avec les autres acteurs, en particulier les 132 associations d'aide et de soutien de France Victimes, et les associations de victimes elles-mêmes », observe le Pr Baubet.
Vers des recos de bonnes pratiques
La création du Centre national de ressources et de résilience (CN2R) à l'été 2018 devrait encore améliorer la prise en charge du psychotraumatisme en France. Il a pour mission l'animation du réseau de proximité (dont les CUMP), le développement de la recherche et l'amélioration de la clinique. En 2020-2021, le CN2R doit travailler en partenariat avec la Haute Autorité de santé (HAS) à l'élaboration de recommandations de bonnes pratiques sur la prise en charge du traumatisme dans la phase immédiate et constituée, chez l'enfant et l'adulte.
La formation des soignants est un autre défi du CN2R. « Après les attentats, l'intérêt des médecins pour le psychotrauma a été indéniable et s'est manifesté par de nombreuses demandes de formation. Mais il faut valider la qualité de ces formations, afin que la culture du trauma imprègne tous nos confrères », considère le Pr Baubet, devenu référent scientifique du CN2R, aux côtés du Pr Guillaume Vaiva (CHU de Lille).
* « Si tu meurs, je te tue », Chloé Verlhac, Emmanuel Lemieux, 2/01/2020, édition Plon, 224 pages, 18 euros.
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