NOS SOCIÉTÉS TECHNOLOGIQUES suscitent de nouveaux risques qui attisent des inquiétudes croissantes dans l’opinion et suscitent des polémiques retentissantes. La technoscience est en butte au soupçon généralisé. Pour le Pr Maurice Tubiana, la peur a envahi tout, la propagande catastrophiste règne sur les médias. Le grand coupable de ce « déni scientifique », selon l’ex patron de l’Institut Gustave-Roussy (Villejuif), c’est le « précautionnisme », qui serait devenu la nouvelle religion des masses. Pour lui, comme l’Église qui au Moyen-Âge pourfendait le commerce de l’argent, le principe de précaution mobilise ses adeptes sur tous les fronts, à chaque fois que se dessine une possibilité de progrès.
Le gaz de schiste est-il stigmatisé ? Il s’agit de calomnies lancées dans le cadre d’une rivalité économique pour se débarrasser de la concurrence. Le Gaucho et le Régent sont interdits au motif qu’ils mettraient en péril les abeilles ? Ce sont des mesures purement électoraliste et de fantasmagorie écologiste. Le Gaucho et le Régent sont interdits au motif qu’ils mettraient en péril les abeilles ? Ce sont des mesures purement électoraliste et de fantasmagorie écologiste. Les OGM font peur ? On préfère prendre le risque de famines mondiales de plus en plus graves, alors qu’« on peut affirmer que dans l’alimentation humaine, les OGM n’ont aucun effet défavorable et que, même, ils sont fort utiles (...) Ce n’est pas parce qu’un génome est obtenu par transfert génétique qu’il est plus menaçant ou moins menaçant qu’un autre. » Toutes les bêtes d’un troupeau doivent-elles être abattues quand une seule est d’atteinte d’ESB ? C’est une mesure aussi injustifiée scientifiquement qu’onéreuse économiquement et socialement. L’interdiction de toutes les farines animales ? Elle constitue une aberration, alors que la viande, riche en acides aminés, permet de fabriquer des produits inoffensifs. L’arrêt de la vaccination contre l’hépatite B en milieu scolaire ? 500 enfants, de ce fait, vont contracter chaque année la maladie, qui auraient pu être protégés. La réduction des niveaux d’exposition aux champs électromagnétiques liés aux antennes relais ? C’est une pure posture politique qui ne repose sur aucune justification scientifique. L’émoi autour de la centrale de Fukushima ? En fait, les conséquences les plus graves de la catastrophe ont été accidentelles : un mort par chute d’une grue, deux noyés, une mort subite et vingt-cinq blessés, « alors que le risque cancérogène dans la région devrait être nul ».
Peurs imaginaires.
Achevant ce survol des « peurs imaginaires ou fortement surestimés », avec, selon lui, la sacralisation des risques qu’elles secrètent, le Pr Tubiana prend l’exemple de la campagne contre la pandémie grippale de 2009. La France s’y est montrée championne du monde du principe de précaution, rappelle-t-il. Quelque 94 millions de doses de vaccins ont été commandées, alors que la presse évoquait les 20 millions de victimes de la grippe espagnole, en 1917, sans prendre en compte la bénignité de l’épidémie de 2009 dans l’hémisphère sud. Bilan : au moins 50 millions d’euros dépensés en pure perte.
Pour David Le Breton, une telle présentation est erronée : on ne saurait imputer l’erreur commise par un gouvernement au principe précaution, car celui-ci ne s’applique qu’en situation d’incertitude. En réalité, l’excès de précaution en la matière ne relevait du principe éponyme, car les risques de la grippe A étaient connus, mais d’une mesure préventive, qui avait été « nettement surévaluée ». Maurice Tubiana évoque encore le nuage de cendres du volcan islandais Eyjafjoll, qui a survolé l’Atlantique et l’Europe en 2010 : « les gouvernements, accuse-t-il, se sont contentés de clouer les avions au sol, dans une attitude de démission, ce qui devait coûter deux milliards d’euros. » David Le Breton proteste à nouveau : le danger des cendres sur les moteurs d’avion était connu, les mesures prises ne relevaient donc pas de l’application du principe de précaution, mais, là encore, d’une politique de prévention inappropriée. Certes, il reconnaît l’existence d’effets pervers. Dès qu’il s’érige en principe absolue, comme le dénonce Maurice Tubiana, ce principe perd toute pertinence. Au contraire d’une loi mécanique universelle, il exige à chaque fois une appréciation précise des circonstances, en prise avec l’intérêt général, socialement argumentée, selon un moindre risque politique, avec une équation bénéfice-coût favorable la plus raisonnable et scientifique possible. Le cancérologue et sociologue se rejoignent pour souhaiter que le principe de précaution soit appliqué à lui-même.
*« Arrêtons d’avoir peur ! » de Maurice Tubiana, Michel Lafon, 260 p., 8,50 euros. **« Sociologie du risque », de David Le Breton, Que sais-je ? PUF, 128 p., 9 euros.
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