Rien ne prédisposait Gisèle Cossard à devenir « mãe de santo », mère de saint. Cette Française de 90 ans a suivi son mari diplomate au Brésil, en 1959. Elle s’est intéressée aux rites de descendance africaine, puis a gravi une à une les marches du candomblé. C’est la seule étrangère au Brésil à porter le titre de mère de saint.
Gisèle Cossard, yeux bleus et sourire malicieux, décrit ainsi sa fonction et son art : « Les gens viennent me consulter pour des problèmes de santé, d’argent, de relation. J’interviens sur les influences spirituelles de la maladie. Le candomblé regroupe différents rites : danses, chants, offrandes aux Orixàs [divinités], traitement par les plantes... ». Dans le vaste jardin qui entoure sa maison, Gisèle Cossard pioche le nécessaire pour fabriquer onguents et boissons.
Le corps médical divisé face aux pratiques ancestrales
Fait-elle de la médecine ? « Non, j’emprunte un autre chemin, dit-elle. Mais j’agis sur la santé des gens ».
Une grande partie des médecins au Brésil est hermétique au candomblé et autres religions afro-brésiliennes qui en sont issues (macumba, umbanda...). Ce membre de l’Académie de médecine brésilienne, cartésien, n’y croit pas une seconde : « On a pris tout ce qu’il y avait de bon dans la médecine traditionnelle, c’est-à-dire les plantes. Le reste, c’est de la sorcellerie! ».
D’autres praticiens sont plus ouverts et créent des ponts. Aujourd’hui décédé, Álvaro Rubin de Pinho a été à la fois psychiatre, doyen de faculté de médecine à Bahia, et père de saint. Le Pr Jorge Alberto Costa e Silva, psychiatre et vice-président de l’Académie de médecine, a accompagné plusieurs patients à des séances de candomblé. Il a vu les gens habillés de blanc, les tambours, l’encens, le chef en transe sous le ciel étoilé. Et des guérisons « extraordinaires ». « Certains patients répondent beaucoup mieux aux rituels qu’à la psychothérapie, analyse-t-il. Je ne sais pas comment cela fonctionne mais je le respecte ».
Gisèle Cossard a établi son lieu de culte à 50 km de Rio. Elle voit défiler toutes sortes de gens, et notamment des professionnels de santé, qui viennent chercher ce qu’ils ne trouvent pas dans la médecine. « Souvent, mes patients se font suivre par la médecine et le candomblé... en parallèle. J’aide par exemple le corps à recevoir spirituellement une chirurgie ». Atteinte d’un cancer depuis l’an dernier, la nonagénaire mise elle aussi sur les deux tableaux : la chimiothérapie et les rituels. Son oncologue parle de rémission.
Le savoir des indigènes étudié par une fac de médecine
Marcelo Fiorini, ethnologue, est passionné par les médecines traditionnelles au Brésil. Il a vécu cinq ans chez un groupe indigène en Amazonie. Les approches indigène et religieuse lui paraissent proches : « Chez nous, le traitement du malade est individuel, alors que dans ces communautés, on considère que pour soigner la personne, il faut aussi soigner les relations sociales. La maladie n’est pas seulement dedans, elle est autour ». Comme le Pr Costa e Silva, il a assisté à des guérisons inexplicables. « Ce n’est pas de la magie, il y a une vraie technologie derrière ces savoirs ancestraux, avec du matériel naturel, incroyablement efficace et durable. Mais c’est vrai, la question de la démonstration reste posée ».
Les soins traditionnels, depuis quelques années, gagnent les villes. Des cliniques spécialisées ont ouvert à São Paulo. Un chaman célèbre a quitté sa forêt pour Brasília, où il a monté une ligne téléphonique d’urgence, une sorte de « SOS chaman ». L’école pauliste de médecine, très respectée, étudie les soins traditionnels dans le parc indigène du Xingu. « Les résistances se fissurent petit à petit, constate l’ethnologue. Il faut bien admettre que le bien-être ne passe seulement par la chimie, mais aussi par les relations humaines ».
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation