« MÉDECINE esthétique : Attention aux techniques de lyse adipocytaire », déclare dans un communiqué la Haute Autorité de santé. L’avis qu’elle vient de publier doit être suivi par un décret visant à mieux encadrer ces actes voire à en interdire certains.
Le développement de ces méthodes, censées être « moins invasives et moins onéreuses que la chirurgie esthétique », a été favorisé par la « forte demande de solutions pour affiner la silhouette », estime la HAS .Ses conclusions sont sévères. Qu’elles soient invasives, associées à une effraction cutanée, avec introduction d’un agent chimique et/ou thermique dans le tissu adipeux, ou qu’elles soient non invasives, utilisant des agents physiques externes (radiofréquence, laser, infrarouges, ultrasons focalisés), ces techniques « présentent un danger grave ou une suspicion de danger grave pour la santé des personnes qui y auraient recours ».
La Haute Autorité précise aussi que « la question de la sécurité est la seule à devoir être considérée », ces techniques n’étant pas utilisées « à des fins thérapeutiques (pour guérir ou traiter une maladie) ». Il n’y a donc « pas de perte de chance en termes » de santé pour les patients qui ne pourront y recourir.
L’évaluation a été conduite à la demande de la direction générale de la Santé, alertée par la survenue de complications, signalées notamment par certains chirurgiens. On se souvient qu’à la suite d’une série d’infections cutanées à mycobactéries atypiques chez des patients traités par mésothérapie, le Pr Laurent Lantieri avait mis en garde contre une « médecine esthétique absolument pas validée scientifiquement » (« le Quotidien » du 23/04/207).
Pour cet avis, la HAS s’est appuyée sur une analyse des données disponibles, notamment françaises, qu’elle a complétée par l’audition de représentants de 4 organisations professionnelles (Société française de chirurgie réparatrice et reconstructrice, Société française de dermatologie, Société française de médecine esthétique, Société française de médecine morphologique et anti-âge) et d’une association de patients (Le Lien). Parmi les données analysées, certaines ont été transmises par la DGS, notamment les cas signalés par les chirurgiens et les expertises transmises par des victimes.
Usage détourné.
Outre la mésothérapie, susceptible de provoquer des infections graves, la HAS a aussi évalué les injections hypo-osmolaires associées aux ultrasons. Les données françaises recensent des complications graves pour 23 patients, dont 10 nécroses signalées par les chirurgiens, mais aussi des hématomes, des cellulites, des thromboses, des lésions nodulaires sous-cutanées et des ulcérations. « Le recours à une intervention chirurgicale : drainage, exérèse, réparation a été rapporté pour 10 patients soit 43,4 % des cas décrits », souligne l’avis. Ces injections hypo-osmolaires sont aussi à l’origine de cicatrices invalidantes et inesthétiques (34,7 % des cas), de séquelles douloureuses (17,3 %) et d’hypoesthésie (4,3 %).
Concernant les injections de produits à visée lipolytique, telles que la phosphatidylcholine (lécithine de soja), commercialisée dans certains pays européens sous le nom de Lipostabil (Sanofi-Aventis) pour le traitement médical d’embolies pulmonaires graisseuses, et les autres mélanges à base de cette substance, la HAS rappelle que ces produits « n’ont pas d’AMM pour une action lipolytique à visée esthétique ». Leur usage « a été détourné ». En outre, « différentes formules, mélanges et doses sont utilisés. Aucun protocole n’est validé », poursuit la HAS. Différentes complications ont été observées à la suite de ces injections, notamment des infections mycobactériennes sévères (abcès, lésions nodulaires érythémateuses et douloureuses), alors qu’un cas d’inflammation orbitaire aiguë avec trouble de la vision a été rapporté suite à une injection sous-palpébrale. Sa prise en charge a nécessité le retrait chirurgical de la zone graisseuse.
Les infections cutanées sévères sont aussi une des complications de la mésothérapie utilisant des mélanges autres que la lécithine de soja.
Au cours de l’épisode de 2006-2007 rapporté précédemment, 16 cas ont été signalés parmi les 105 patients traités par mésothérapie pour leur cellulite. Les procédures de désinfection inadéquates du pistolet étaient en cause. La carboxythérapie qui consiste à injecter un gaz carbonique médical stérile en sous-cutanée expose au même risque. « Le dioxyde de carbone n’a pas d’AMM pour cet usage », précise là encore la HAS.
Devenir de la graisse dégradée.
Les complications observées après utilisation du laser transcutané pour détruire les cellules graisseuses peuvent être graves même si elles sont peu fréquentes : nécroses, paresthésies et brûlures. Lors de son audition, la Société française de chirurgie plastique et esthétique a rappelé que le laser avait un agrément aux États-Unis (FDA) « uniquement lorsqu’il associe une aspiration de la graisse détruite ». Son usage « à visée lipolytique sans aspiration est par contre dangereux, car il pose le problème du devenir de la graisse dégradée », estime-t-elle. Quant à la Société française de médecine esthétique, elle regrette « l’absence de comparaison en termes de dangerosité entre les techniques de lyse adipocytaire et les techniques chirurgicales » et souligne que les complications liées aux injections hypo-osmolaires rapportées par les médecins esthétiques sont rares et le plus souvent liées aux injections. Elle s’associe à l’interdiction de la phosphatidylcholine et ses dérivées. Enfin, elle précise que « la technique de mésothérapie n’est pratiquement plus utilisée en France, du moins par les adhérents des organisations professionnelles, en raison de la disparition progressive de la pharmacopée ».
Quant aux techniques non invasives (ultrasons focalisés, radiofréquence, laser, etc.), aucun effet indésirable grave n’a été relevé mais elles « doivent répondre à des exigences concernant le matériel (homologation), la formation des professionnels et les conditions de réalisation de l’acte afin de garantir la sécurité des patients », précise la HAS. Selon son évaluation, ces techniques présentent « une suspicion de danger grave ». Le décret devrait en tenir compte.
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