Les 47 États membres du Conseil de l’Europe sont liés par la « Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants » : afin d’en vérifier la bonne application, le Comité de prévention de la torture (CPT), composé d’un membre par État, est habilité à visiter l’ensemble des lieux renfermant des personnes détenues contre leur gré, c’est-à-dire bien sûr des prisons, mais aussi des commissariats, des centres fermés et des hôpitaux psychiatriques.
Essentiellement composé de juristes, il accueille aussi quelques médecins et psychologues. Après avoir occupé pendant plus de 20 ans des fonctions comparables au niveau des prisons écossaises, le Dr Alan Mitchell est entré au CPT en 2017, au titre du Royaume-Uni : il est désormais le premier médecin à en assurer la présidence, jusqu’en mars 2023.
Un rapport transmis d’abord à l’État concerné
« Nous décidons nous-mêmes des lieux de détention que nous souhaitons visiter, de manière planifiée ou impromptue, et nous pouvons y rencontrer qui bon nous semble », explique le Dr Mitchell pour qui le fait d’être médecin est un atout pour ces missions. « Les détenus ont plus confiance en nous et se confient plus facilement », explique-t-il. En outre, les compétences médicales, à l’instar de celles requises pour détecter les violences familiales, sont précieuses pour repérer des blessures suspectes. « Certains détenus disent qu’ils sont tombés de leur lit mais l’observation de leurs lésions ne résiste pas à ces déclarations », avance-t-il, même si certains coups sont assénés de manière à rester « indécelables » par des personnes non formées.
Si le CPT se rend où bon lui semble, parfois à la suite d’informations que lui transmettent des ONG ou des associations, il n’en reste pas moins tenu à des règles strictes : pas question par exemple de dénoncer d’emblée des atteintes observées dans certains pays. « Après chaque visite, nous établissons un rapport que nous transmettons à l’État concerné, avec des observations auxquelles il doit répondre », poursuit le médecin. Le pays visité a le droit de publier ou non ce rapport, mais sa publication est un signe de bonne coopération. À défaut, et si des manquements graves ont été relevés, le CPT peut publier une déclaration publique à leur sujet.
La France épinglée pour l’accès aux soins médicaux
Le Conseil de l’Europe réunissant des pays aussi variés que la Suisse, la Russie, la Finlande ou la Turquie, il n’est pas surprenant que leurs conditions de détention y soient variables, mais le but de la Convention est avant tout de prévenir les actes indignes et dégradants qui, eux, peuvent survenir n’importe où. « On pense un peu vite aux anciens pays communistes, sans voir que de lourdes insuffisances peuvent être détectées ailleurs », relève Alan Mitchell.
La France est bien placée pour le savoir : en 1994 et 1996, elle a été épinglée par le CPT en raison notamment des problèmes d’accès aux soins médicaux dans certains lieux de détention : les prisons en Guyane et à la Réunion puis, en 2018, l’état des centres de rétention administrative pour étrangers ont aussi fait l’objet d’observations, amenant à la France à y répondre et à y remédier. De même, la Belgique a fait l’objet en 2017 d’une déclaration du Comité, qui lui reprochait un grave manque de personnel dans certaines prisons.
Impact préoccupant du Covid
Globalement, conclut le Dr Mitchell, la situation des détenus ne s’améliore vraiment que si celle des gardiens évolue positivement aussi, car les deux groupes sont liés. On peut parler d’une amélioration de la situation des personnes détenues depuis quelques décennies, mais les insuffisances budgétaires pèsent sur le monde carcéral.
Toutefois, s’inquiète-t-il, le Covid-19 remet en question les progrès réalisés ces dernières années. Au nom de l’isolement, les visites et les activités éducatives ou sportives ont souvent été supprimées, et dans de nombreux pays, les détenus restent en cellule bien plus longtemps qu’en temps normal. Certes, ce phénomène s’observe à l’échelle mondiale, mais il constitue l’une des grandes préoccupations actuelles du CPT, lequel s’est d’ailleurs déjà exprimé officiellement deux fois à ce sujet depuis le début de la pandémie.
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