Les remèdes draconiens ne sont pas les meilleurs

Faut-il changer de République ?

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Publié le 08/09/2016
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Faut-il changer de République ?

Faut-il changer de République ?
Crédit photo : AFP

Nombreux sont les candidats qui souhaitent le passage à la VIè République et pourtant, ils n'appartiennent pas tous au même bord : Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen, Arnaud Montebourg, François Bayrou et d'autres. Bien entendu, les vertus de la prochaine République comparée à l'actuelle dépendront des institutions que l'on voudra y mettre. Mais il serait préférable de se poser la question : la Vè République est-elle responsable de la dépression dans laquelle le pays a sombré depuis quelques années ? N'a-t-elle pas résisté au soulèvement de mai 1968 qui, s'il n'avait été limité par elle à une révolte salutaire qui a changé les mœurs, serait devenu une révolution aux conséquences imprévisibles ?

L'erreur historique que commettent certains de nos politiciens et quelques politologues est de déceler une crise morale, sociale et psychologique là où il pourrait n'y avoir qu'une réaction des catégories populaires les plus atteintes par la crise économique : le chômage, surtout chez les jeunes, surtout quand il dure plus de quelques mois, est ressenti comme un mal d'autant plus insupportable que tous n'en sont pas victimes. La menace que notre invraisemblable dette publique fait peser sur le filet social détruit les perspectives du présent et de l'avenir. Le déclassement est une réalité vécue dès aujourd'hui par la classe dite moyenne, tandis que s'aggravent les inégalités, en dépit d'une pression fiscale qui indigne ceux qui, pourtant, ne sont pas dans le besoin.

C'est l'économie, idiot !

Tous ces phénomènes sont produits par l'insuffisance de la croissance. Il n'est pas interdit d'imaginer la société française telle qu'elle aurait été façonnée depuis trente ans par une croissance de 4 % par an. Le taux de chômage serait à son niveau plancher, proche ou égal du plein emploi ; la dette serait inférieure, peut-être de moitié, à celle qu'elle est aujourd'hui ; les Français auraient confiance dans l'avenir. Dans ces conditions, il est peu probable qu'ils exigeraient un changement de la Constitution ou un renouvellement de la classe politique par des réformes institutionnelles. Il est certain en revanche qu'ils ne verraient aucun inconvénient à ce que le pouvoir en place renforce ses succès commerciaux et industriels par des réformes qui feraient sauter les derniers verrous de l'économie française. En tout cas, rassurés sur leur sort et celui de leurs enfants, nos concitoyens ne seraient sûrement pas au bord de la crise de nerfs.

C'est pourquoi on peut craindre que la classe politique, celle qui justement n'a pas su depuis quinze ans procéder aux réformes qui auraient relancé la croissance et la dynamique du plein emploi, n'invente des remèdes inadaptés au mal et ne mette en œuvre des changements inutiles ou susceptibles de compliquer un peu plus l'exercice du pouvoir. Par exemple, dans le projet de VIè République, il y a aussi celui du scrutin proportionnel, soutenu par des partis, comme le Front national, le Parti de gauche ou le MoDem qui, très logiquement, réclament une représentation au Parlement qui corresponde à leurs scores électoraux. Mais si le mode de scrutin appliqué aujourd'hui est majoritaire et à deux tours, c'est pour donner la capacité de gouverner à ceux qui arrivent en tête, de manière -et c'est tout le sens de la Vè, organisée pour échapper aux vices de la IVè-, à faciliter la mise en œuvre du programme souhaité par la majorité au lieu de sombrer, à l'Assemblée, dans des querelles interminables d'où ne sortirait jamais le moindre consensus.

François Bayrou le sait fort bien qui réclame la proportionnelle dans l'intérêt du MoDem sans paraître gêné par la perspective d'une irruption de quelques dizaines de députés du Front national à l'Assemblée. Certes, un parti qui recueille près de 30 % des suffrages mérite d'être largement représenté au Parlement. Mais c'est quand même le scrutin majoritaire qui, jusqu'à présent, nous a le mieux protégés contre le populisme et les mésaventures auxquelles il nous convie.

 

 

 

Richard Liscia

Source : Le Quotidien du médecin: 9515