DE NOTRE CORRESPONDANTE
QUE SE PASSE-T-IL dans le cerveau d’une personne victime d’ostracisme ? C’est la question à laquelle le Dr Luciano Carriero a tenté de répondre dans le cadre de travaux pilotés par le Centre de neurosciences cognitive à Lyon, avec le soutien des fondations Apicil contre la douleur et Neurodis.
Des travaux antérieurs, conduits au début de l’année 2000, avaient déjà permis de montrer qu’une même région du cortex, préfrontale droite, était activée en cas de douleur physique ou morale, « mais ces investigations ne renseignaient pas sur ce qu’il se passe lorsqu’une personne, ayant souffert d’exclusion, reconnaît par la suite, l’auteur de cet ostracisme », a indiqué Luciano Carriero lors d’une présentation des résultats à Lyon. L’équipe a donc examiné l’activité cérébrale de six patients épileptiques, et pharmacorésistants, dont le cerveau était implanté d’électrodes pour les besoins du bilan préchirurgical. En effet, Lyon dispose d’un des centres français les plus actifs en matière de chirurgie de l’épilepsie. L’examen s’est déroulé en laboratoire, dans le cadre d’une situation de rejet social créée de toutes pièces. Il s’agissait, en l’occurrence, d’un jeu de balle en réseau où soudain l’un des joueurs devait intentionnellement exclure le patient de l’échange.
Dépression, psychose.
Le Dr Carriero a ainsi pu observer que l’exclusion ressentie, mais également la simple perception du visage de celui qui excluait, activaient fortement des régions du cerveau impliquées dans la régulation de la douleur physique. Surtout, « le cortex visuel qui enregistre normalement les caractéristiques purement perceptives des visages et des objets, s’activait en 100 millièmes de seconde, donc très rapidement, à la vue du visage du joueur qui excluait le patient » a-t-elle expliqué, donc en dehors de tout phénomène cognitif.
Alors qu’il n’existe que peu de recherches sur l’exclusion sociale, « cette étude, qui montre que le cortex visuel comprend la signification sociale d’un visage, et peut coder la valeur sociale d’une situation, a une importance phylogénétique », a fait observer le Pr François Mauguière, directeur de la fondation Neurodis. Plus directement, ces travaux pourraient en inspirer d’autres susceptibles de dire comment cette « aptitude » du cortex visuel est modulée dans certaines pathologies, qui se caractérisent par une réponse exagérée, comme dans la dépression, ou, au contraire, quasiment absente, comme dans certaine psychoses.
Ce programme de recherche financé à hauteur de 46 000 euros par chacune des deux fondations, et qui témoigne, comme l’a souligné le Pr Mauguière, d’une certaine volonté de développer « une médecine globale du cerveau », devrait se poursuivre ces deux prochaines années.
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