Obama envoie plus de troupes en Afghanistan

La France refuse de renforcer son contingent

Publié le 02/12/2009
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Crédit photo : AFP

NICOLAS SARKOZY a été servi. Lui qui s’est tellement plaint d’un Obama totalement indifférent au rôle de la France et de son président, a reçu lundi dernier, assez tard dans la soirée, un coup de fil du chef de l’exécutif. Les contacts d’Obama n’étaient pas limités à la France. Très occupé par de sérieux problèmes intérieurs, militaires et diplomatiques, le président des États-Unis n’a guère multiplié les entretiens avec les leaders européens depuis son entrée en fonction. Le voici qui, aujourd’hui, se souvient d’eux, parce qu’il espère qu’ils vont augmenter leurs contingents en Afghanistan. Tous ne lui feront pas faux bond, mais la France, qui a dépêché sur place 3 500 hommes, ne souhaite pas y envoyer davantage de troupes. M. Sarkozy, qui se plaignait ouvertement de l’indifférence de M. Obama à son égard, risque de n’avoir pas amélioré ses relations avec lui après son refus.

Les critiques de Sarkozy.

L’amour déçu de M. Sarkozy, américanophile boudé par l’Amérique, laisse s’exprimer depuis quelque temps, et assez fort pour qu’on l’entende, son sens critique. Ce n’est que l’écume de l’histoire. Avec ou sans leurs alliés, les Américains peuvent-ils perdre l’Afghanistan ? Le camp du renoncement est vaste parce que les précédents historiques, du Vietnam à l’Irak, n’ont guère été concluants. S’il a fallu plusieurs mois à M. Obama pour décider d’envoyer sur place des renforts relativement importants et surtout indispensables, sauf à abandonner le pays aux taliban, c’est que son homme-lige sur place, le président Hamid Karzaï, n’est pas exactement un modèle de rigueur. Sa réélection s’est déroulée dans un climat chaotique, les fraudes ayant été multiples et le second tour exigé par M. Obama, n’a pas eu lieu à cause du désistement d’Abdullah Abdullah qui a voulu mettre un terme à la comédie électorale. M. Karzaï, lui, ne déteste pas d’avoir obtenu un mandat dans de telles conditions, sans doute parce qu’il voit dans les mœurs politiques afghanes quelque chose de structurellement vicié qu’il n’est pas possible de réformer.

Mais le « réaliste » M. Karzaï est à lui seul le point le plus fragile du barrage de bric et de broc qui a été construit contre la déferlante intégriste. Les alliés de l’Amérique sont tout autant qu’elle conscients de l’enjeu afghan. Ils détestent seulement les sacrifices inutiles. C’est parce que le peuple afghan mérite mieux que le fanatisme intégriste que s’y battent les armées de l’Occident ; c’est aussi, et surtout, parce que le Pakistan nucléarisé est menacé de subversion ; c’est enfin parce que l’implantation des taliban et autres Qaïda dans la région se traduirait par une guerre permanente du terrorisme islamiste contre l’Europe et l’Amérique.

POUR FAITE ENTENDRE SA VOIX, L’EUROPE DOIT ACHEVER SON INTÉGRATION

L’appel du Pacifique.

Justement, la gravité de l’enjeu mérite mieux que le traitement politique et militaire adopté par les nations de l’OTAN. Il n’est déjà pas satisfaisant qu’ait été réélu à Kaboul un homme assis sur les coussins de la corruption ; il n’est pas bon, effectivement, que M. Obama ait pratiquement ignoré l’Europe depuis le début de son mandat et se soit exclusivement consacré à la Russie, à l’Inde, et surtout à la Chine, répondant de la sorte à l’appel du Pacifique, plein de promesses, mais ignorant pendant plusieurs mois un pacte moral avec l’Europe plus solide encore que les liens atlantiques ; et si le ressentiment européen est plus prononcé qu’à Paris qu’à Berlin ou à Londres, le relâchement des relations avec l’Union européenne résulte d’une faute diplomatique américaine. Avec George W. Bush, les Européens n’avaient pas droit à la parole et n’ont même pas pu modifier les pires de ses décisions ; avec Obama, ils sont plus rassurés mais consultés à la dernière minute et seulement pour consentir des sacrifices.

Cela prouve que les Européens, éternels débiteurs de l’Amérique, n’ont jamais réussi vraiment, en soixante ans, à influencer son comportement, même quand arrive à la Maison Blanche un président très ouvert sur le monde extérieur. Entretemps, la fameuse croissance chinoise, l’empire que la Chine exerce sur l’Amérique par le biais d’une montagne de dollars durement acquise et la conviction d’Obama, qui vécut naguère à Hawaii, c’est-à-dire à mi-chemin de la Chine et des États-Unis, que l’avenir économique et politique de l’Amérique est dans l’immense bassin du Pacifique, indiquent à l’Europe avec une éblouissante clarté qu’elle doit désormais compter sur elle-même, qu’elle a des atouts et qu’elle redeviendra un pôle mondial respecté si elle achève son intégration.

RICHARD LISCIA

Source : lequotidiendumedecin.fr