Médecin interniste en équipe mobile de soins palliatifs à l’hôpital de Montauban depuis 2014, la Dr Florence Rigal a été élue à la présidence de Médecins du Monde (MDM) le 25 juin. Engagée depuis 1994 au sein de l’ONG, elle entend poursuivre la mobilisation de MDM toujours en faveur d’un accès effectif à des soins de qualité, pour toutes et tous.
LE QUOTIDIEN : Quelle est votre histoire avec MDM ?
Dr FLORENCE RIGAL : Mon parcours avec MDM commence en 1994, mais l’envie de faire de l’humanitaire a émergé dès l’adolescence. Comme beaucoup à cet âge, j’avais envie d’un monde plus juste, moins violent. C’est d’ailleurs cette volonté d’agir qui m’a poussée à m’orienter vers la médecine et le soin. Mais en tant qu’étudiante, le temps me manquait pour concrétiser cette envie.
En 1994, alors interne à Toulouse, j’ai voulu « passer à l’action » et j’ai pris contact avec des ONG, dont MDM, en offrant mon temps. Les circonstances étaient alors celles du génocide au Rwanda. J’étais disponible et je suis partie en mission pendant quatre mois pour des projets de réhabilitation de structures de santé dans un contexte qui restait très tendu.
À mon retour, j’ai repris mon cycle d’études. À la fin de mon parcours, je me suis rapprochée de la délégation de MDM à Toulouse. Je me suis intégrée aux missions locales en intervenant dans le Centre d’accueil de soins et d’orientation (Caso), dans les maraudes et la halte de nuit. Depuis, mon implication n’a jamais cessé, que ce soit sur la délégation, via des responsabilités au niveau régional, jusqu’à intégrer en 2015 le Conseil d’administration de l’association.
MDM est très active en France. Quel constat dressez-vous sur la situation des populations que vous accompagnez, dans un contexte de crise du système de santé ?
Notre préoccupation permanente, c’est l’accès au système de soins des populations vulnérables. Or, on observe un manque de médecins, de soignants et un manque de permanence des soins. Par nos interventions, on cherche à pallier ces défaillances, mais c’est de plus en plus difficile. La situation se tend. Certains finissaient par se tourner vers les urgences, mais là aussi, les portes se ferment.
Ce qu’on porte depuis plus de 30 ans, c’est l’accès effectif aux soins, par une protection maladie universelle et un système de santé public de qualité, ouvert à tous. On ne peut que regretter que nombreux soient ceux qui restent à la marge. MDM identifie et accompagne ces populations régulièrement exclues, soit parce qu’elles sont stigmatisées (comme les usagers de drogues), soit parce qu’elles subissent la précarité et n’arrivent pas à accéder aux soins, soit encore parce qu’elles sont migrantes, en exil. C’est un enjeu de santé publique. Se préoccuper des plus vulnérables a du sens pour la société et pour la santé publique.
La question de la précarité, de la vulnérabilité est ainsi très prégnante, d’autant que le système de santé est en difficulté. Depuis les années 1990, on entend parler des nouveaux pauvres, de ceux qui arrivent en fin de droit. Le problème n’est pas nouveau, mais ces questions d’inégalités sociales ne sont toujours pas réglées et elles s’amplifient. Des gens jusqu’ici épargnés sont concernés.
La mise en tension du système de santé impacte tout le monde. C’est un message important : la dégradation des services publics affecte aussi des gens qui ne sont pas précaires. Alors qu’on va au-devant d’une crise économique, avec un risque de fragmentation des sociétés, on a un rôle à jouer et il concerne tout le monde.
Quelles sont vos ambitions à la tête de MDM ?
L’enjeu pour MDM est de rester un acteur solide de la solidarité, en capacité de porter des programmes et des plaidoyers et en capacité de s’adapter à la crise environnementale et climatique, tout comme on le fait sur les questions sécuritaires. La ligne est toujours en faveur d’un système public de santé avec un accès à des soins de qualité pour tous.
Pour les programmes domestiques (en France), l’objectif n’est pas de se placer en substitution. Ce n’est pas notre vocation. On a déjà pu démontrer, avec nos interventions, la pertinence de certaines solutions, comme les programmes d’échange de seringues, et ainsi combler des manques. Ce sont des démonstrations que nous n’avons pas vocation à maintenir.
Je souhaite également poursuivre la réflexion de fond engagée sur l’activité de MDM, sur nos chartes de financement, sur la rédaction d’une charte éthique. C’est une démarche, amorcée il y a plusieurs années, qui est déjà très vivante au sein de l’association. Il s’agit de réfléchir sur ce qu’on fait et comment, dans le respect des personnes, de leurs droits fondamentaux et de leur dignité.
L’enjeu est de faire correspondre nos pratiques, nos modalités d’action et nos valeurs. Il nous faut savoir comment répondre aux situations qui nous mettent en tension, définir nos limites. Refuser les demandes de contrôle sur les usagers ou les populations qu’on accompagne en est une par exemple. Ne pas chercher de financement auprès de parties prenantes d’un conflit en est une autre.
Quelles sont vos priorités à l’international ?
L’ambition est de poursuivre nos activités en étant réactifs face aux urgences et aux crises et en maintenant en parallèle des programmes de long terme sur la santé sexuelle et reproductive, la réduction des risques ou encore la santé environnementale. L’association est présente dans une trentaine de pays et s’appuie sur des partenariats avec les sociétés civiles, s’engage dans des coalitions autour de causes communes. Ces alliances réclament un engagement permanent.
L’ONG dispose d’un réseau international, avec des délégations en Allemagne et en Espagne par exemple. Ce sont ces équipes qui interviennent actuellement en Ukraine. MDM France met en place des missions en périphérie de la zone de conflits, comme en Pologne, où sont développées des interventions en santé mentale et de soutien psychosocial.
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