LA LUTTE contre le réchauffement climatique implique un minimum de courage et de civisme. On ne va pas réduire les émissions de CO 2 par un coup de baguette magique. Les Français ne peuvent pas non plus tenter de gagner du temps en demandant aux autres de se plier à la discipline écologique : le plus tôt nous adopterons un comportement responsable, le mieux ce sera. Comme une taxe nouvelle est une pilule difficile à avaler, le gouvernement s’est entouré de précautions (et des meilleures compétences) en nommant deux anciens Premiers ministres, et pas des moindres, Alain Juppé et Michel Rocard, père de la CSG. Si ces deux-là nous disent qu’on ne peut pas y couper, nous aurons tendance à les croire.
Un contexte de répression.
Il n’en demeure pas moins que la taxe carbone comporte sans doute plus d’inconvénients que d’avantages. Elle va diminuer le pouvoir d’achat quand le gouvernement veut maintenir un niveau satisfaisant de consommation ; elle est en parfaite contradiction avec tous les autres efforts de lutte contre le réchauffement climatique qui, tous, bénéficient d’une aide fiscale (à commencer par les travaux d’isolation et par le bonus écologique des automobiles) ; il s’agit d’une taxe destinée, dès sa naissance à disparaître puisque, en principe, elle ne rapportera plus rien dès que les Français, pour ne plus la payer, auront obéi à toutes injonctions écologiques ; inversement, il n’est pas sûr que nos concitoyens puissent, en l’absence d’alternatives industrielles valables, cesser un jour de la payer. On les aura donc pénalisés durablement et sans résultat. S’il n’y a pas de voiture électrique sur le marché, si je n’ai pas les moyens de m’offrir un toit photovoltaïque, si j’habite un immeuble dépendant d’une chaudière au fuel, si j’ai besoin de ma voiture pour travailler, j’inscrirai la taxe carbone dans mon budget et je me priverai d’autre chose.
Mais le plus grave, c’est que la taxe arrive dans un contexte général de répression. Alors que la délinquance augmente, on invente de nouveaux délits. L’État fait tout pour culpabiliser le citoyen. Il ne doit pas boire, il doit manger légèrement, il ne doit pas fumer, il ne doit pas rouler en voiture, il doit courir ou faire du vélo, il n’a plus le droit de fumer au volant, pas parce que c’est une loi, mais parce que c’est devenu le bon plaisir de la maréchaussée. La taxe carbone cristallise le sentiment croissant du citoyen qu’il est de trop sur la terre. Consommer, se chauffer, voyager, s’offrir quelques plaisirs, quelle idée ! Les excellents MM. Juppé et Rocard nous expliquent que vivre, ça se paie. Que nous ne sommes jamais innocents car nous participons, volontairement ou non, à la destruction de l’environnement.
Le crime de voyager.
C’est absolument vrai, mais nous sommes tellement impuissants devant le fait subi, jamais voulu, d’être nés, que l’injustice en devient criante. Il suffit de prendre un exemple : le voyage au long cours, notamment en aéronef. C’était, il y a encore quelque vingt ans, le nec plus ultra des vacances, de la liberté, du départ rédempteur. C’est devenu un crime. Nous trouons la couche d’ozone, nous rendons impossible la vie des riverains des aéroports, chacun d’entre nous est un terroriste potentiel traité comme tel par les services de sécurité, pas toujours composés de gens polis, et surtout, nous sommes devenus pour les compagnies aériennes non pas les clients qui les ont dûment payées, mais le bétail qu’elles convoient et dont elles se hâtent de se débarrasser. Le romantisme du voyage aérien a été remplacé par une fatigue accablante, un sentiment de dégoût, une aversion même pour la durée du parcours.
La taxe carbone participe du même comportement : qu’il s’agisse de l’État ou des grandes entreprises, les administrés ou les clients sont infiniment plus méprisés que ne le laissent croire les déclarations télévisées ou la publicité des sociétés. La sécurité exige que nous fassions la queue pendant des heures aux portails électroniques, comme si la taxe de sécurité n’était parfois supérieure au prix du billet d’avion ; la taxe carbone, c’est pareil, il faut la payer et fermez-là, parce que trois Premiers ministres ne peuvent pas se tromper.
La taxe aurait été plus efficace si elle s’inscrivait dans un contexte industriel où le consommateur a le choix, où n’existent par exemple que des voitures hybrides ou électriques. Mais quand les dépenses sont contraintes, comme le trajet automobile ou la chaudière au fuel, la taxe n’est plus un instrument au service de l’environnement, c’est une sanction. Ce qui signifie qu’il y a délit.
› RICHARD LISCIA
Nicolas Sarkozy, Michel Rocard, Alain Juppé : la taxe carbone, nous n’y couperons pas
LA TAXE CARBONE EST ADOPTÉE DANS UN CONTEXTE GÉNÉRAL DE CULPABILISATION DU CITOYEN
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