AUX ÉTATS-UNIS, l’homicide représente une cause majeure de décès parmi les Noirs américains de 15 à 24 ans. Le fait de vivre dans un habitat où la grande violence est monnaie courante peut affecter les acquisitions cognitives des enfants exposés à de tels environnements au travers de leur impact psychologique ou du stress. Ce type de stress paraît en particulier affecter les tâches mettant en jeu la mémoire déclarative, responsable de la mémorisation des informations sous forme verbale.
Entre 1994 et 2002, 6 041 homicides ont été commis à Chicago. Durant la même période, une évaluation cognitive a été conduite, sur plusieurs mois, parmi les enfants de cette ville (le Project on Human Development in Chicago Neighborhoods, PHDCN). Patrick Sharkey a imaginé de réanalyser ces données en utilisant ce qu’il appelle une « variation exogène » qui prend en compte la relation entre le moment auquel étaient commis les crimes et le moment auquel étaient évalués les enfants, au sein des mêmes quartiers. Grâce à cette méthode, il a pu examiner la relation causale entre les homicides et leur impact sur le développement cognitif des enfants vivant dans les quartiers concernés.
L’analyse porte sur un échantillon des enfants Afro-Américains de 5 à 17 ans de l’enquête PHDCN évalués quatre jours après l’homicide (54 évaluations), sept jours après (92 évaluations), et plus tard (10, 14 et 28 jours après). Les données de l’évaluation cognitive proviennent de deux séries de tests : le sous-test vocabulaire de l’échelle d’intelligence Wechsler pour enfants - version révisée (WISC-R) - et le sous-test lecture du test Wide Range Achievement (WRAT3). Trois types de regroupements étaient considérés : par immeuble, par zone de recensement et par quartier.
L’exposition des enfants à un crime commis dans l’immeuble moins d’une semaine avant se traduit par une réduction des performances au WISC-R de 1,52 points, ce qui correspond à un écart d’un peu plus de 0,5 DS (p < 0,01) par rapport à la moyenne. Les résultats ne sont pas significatifs lorsque le crime a été commis plus d’une semaine avant l’évaluation. L’impact est similaire au niveau de la zone de recensement ou du quartier. La même analyse, conduite en considérant l’autre test (WRAT3), objective une réduction encore plus nette des performances, 4 jours après un homicide commis dans l’immeuble (écart de 0,65 DS), mais les résultats sont peu significatifs en raison du manque de précision de l’évaluation (p < 0,10). Il n’y a pas d’effets significatifs sur la cognition lorsqu’on considère la zone de recensement ou le quartier.
Relation temporelle.
Comte tenu du nombre relativement faible d’enfants avec des données utilisables dans l’enquête PHDCN, l’auteur a réalisé une étude de réplication à partir des données de l’étude Three City Study of Welfare, Children and Families (échantillon concernant Chicago). Les informations tirées de cette cohorte indépendante (180 enfants Noirs Américains) confirment l’existence d’effets négatifs importants sur les performances cognitives des enfants vivant à proximité du lieu de l’homicide quand ils ont été évalués (ici par un autre test : le Woodcock-Johnson, version révisée) quatre jours après le forfait. Un impact similaire est observé, mais de manière non significative, lors de l’examen des performances à des tests de problèmes appliqués.
L’étude de réplication confirme donc l’existence d’une relation temporelle entre le moment où sont commis les homicides et le moment où sont évalués les enfants vivant à proximité (immeuble) du lieu du forfait, les effets négatifs sur les performances cognitives s’atténuant après un certain délai. Il faut toutefois noter que ces résultats concernent une ville (Chicago) où la criminalité est particulièrement forte, mais il est également important de noter que l’impact sur la cognition des enfants est présent même lorsque ces enfants n’ont pas été des témoins directs des homicides.
P Sharkey. The acute effect of local homicides on children’s cognitive performance. Proc Natl Acad Sci USA (2010) Publié en ligne.
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation