EN 2010, le nombre d’immigrés en France est estimé à 6,7 millions. « À ce titre, leur situation en matière de santé est devenue un enjeu social et politique en raison de la fragilisation économique et sociale que peuvent connaître certains immigrés et qui contribue à la dégradation de leur état de santé », soulignent les auteurs d’une des études du BEH sur les migrants. Les travaux développés à partir des années 2000 suggèrent un moins bon état de santé de la population immigrée alors que dans les années 1980 et 1990, il était meilleur que celui des non-immigrés. Cette différence en faveur des migrants a été longtemps interprétée comme le reflet, entre autres, de certaines habitudes de vie (alimentaires) plus favorables, souligne la chercheuse Myriam Khlat dans un éditorial. « Mais cet avantage s’estompe au fur et à mesure que la durée de résidence dans le pays d’accueil s’allonge, jusqu’à se retourner en désavantage par rapport à la population du pays d’accueil. Ce "paradoxe de l’assimilation" est attribué en grande partie à l’adoption progressive par les migrants d’habitudes de vie moins favorables à la santé », indique-t-elle.
Périnatalité et prévention.
Selon une enquête réalisée en 2008 (« Trajectoires et origines »), les immigrés de 18-60 ans se déclarent globalement en plus mauvaise santé que les personnes sans ascendance migratoire depuis au moins deux générations. Parmi les hommes, 18 % des immigrés et autant chez les natifs d’un DOM, déclarent un état de santé altéré, contre 15 % dans la population majoritaire. Parmi les femmes, ces taux et leurs écarts sont plus marqués : respectivement 25 %, 20 % et 16 %. Concernant la santé périnatale, l’ensemble des femmes étrangères, et particulièrement les femmes d’Afrique subsaharienne, représente une population à risque : femmes plus âgées, parité plus élevée, niveau d’études plus faible, ressources issues d’une activité professionnelle moins fréquente. Cependant, la consommation de tabac est moins fréquente que chez les femmes françaises. Les femmes d’Afrique du Nord présentent certains facteurs de risque périnatal mais pas d’excès de mortinatalité, de prématurité, ni d’hypotrophie. En revanche, les femmes d’Afrique subsaharienne ont un taux de césarienne élevé et des risques de mortinatalité, de prématurité, et d’hypotrophie plus élevés que ceux des femmes françaises. Le taux de mortalité maternelle des femmes étrangères est de 12,5 pour 100 000 naissances vivantes versus 7,9 pour les femmes françaises. Ces résultats soulignent « les besoins de prévention et de prise en charge pour certains groupes de femmes étrangères et tout particulièrement les femmes d’Afrique subsaharienne, assez nombreuses en France », commentent les chercheurs.
Conditions d’accueil dégradées.
Les pathologies psychiques représentent également l’un des enjeux majeurs de santé chez les migrants. Les données recueillies au sein des dispositifs de soins du Comité médical pour les exilés (Comede) ont permis de décrire les psycho traumatismes dans une population d’exilés marquée par des antécédents de violence, la précarité du statut administratif et des difficultés de communication pour les personnes non francophones. Entre 2004 et 2010, parmi les 17 836 sujets ayant consulté un médecin dans les centres de santé du Comede, plus de 60 % avaient subi des violences dans leur pays d’origine, et près d’un quart la torture. Le taux de prévalence des psychotraumatismes à la première consultation était de 112 pour mille. Il était le plus élevé chez les personnes âgées de 29 à 49 ans chez les femmes, et variait selon la nationalité. Ces résultats « montrent une forte prévalence des syndromes psychotraumatiques dans cette population, plus élevée que la prévalence des pathologies psychiques rapportée dans les études en population générale ». Les épidémiologistes évoquent la nécessité de développer la recherche, d’autant plus que les conditions d’accueil et de résidence des migrants en France « se dégradent depuis plusieurs années, qu’il s’agisse de l’accès à l’hébergement, aux soins ou au séjour ».
Pour Myriam Khlat, la question de la santé des migrants relève pleinement de la problématique des inégalités sociales de santé, « sans y être réductible ». « Ce courant de recherches doit se développer pour une meilleure connaissance des spécificités des populations migrantes dans leur diversité, en élaborant des approches générationnelles pour éclairer la situation des descendants d’immigré nés en France. Les avancées dans ce domaine pourront alimenter très utilement la réflexion sur les politiques publiques et les programmes en direction des migrants, à une époque où les enjeux de santé publique associés aux phénomènes migratoires font l’objet d’un intérêt croissant dans le monde », conclut-elle.
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