Cette lettre est à l’intention des assurés sociaux, des professions libérales, du conseil de l’Ordre des médecins, de leurs syndicats, des députés et des membres du gouvernement de la France.
En politique les mesures qui sont prises par les gouvernements sont de quatre sortes :
- les premières sont indispensables,
- les secondes sont nécessaires,
- les troisièmes sont utiles,
- les quatrièmes ne sont ni indispensables, ni nécessaires, ni utiles.
Le tiers payant généralisé appartient à cette quatrième catégorie.
Ceci est pour le moins curieux mais il arrive, en politique, que des mesures qui ne sont ni indispensables, ni nécessaires, ni utiles soient envisagées par les politiciens… et parfois appliquées !
Commentaires, suivis d’interrogations…
A. Commentaires :
1. Le tiers payant généralisé n’est pas une mesure indispensable
Jamais un patient n’a dit à son médecin généraliste : « Votre consultation est chère. Nous, patients, sommes profondément choqués par cette situation. Le prix de votre acte est manifestement exagéré, ceci est scandaleux, il faut impérativement que cette injustice cesse. »
On n’a jamais vu une quelconque manifestation d’assurés sociaux en colère réclamant à l’État de faire cesser cette injustice ! Bref, personne en France ne s’est plaint de rémunérer, en 2015, son praticien à hauteur de 23 euros !
Les plus démunis bénéficient de la CMU, les ressortissants étrangers ont tous accès aux soins… Tout un chacun peut avancer 23 euros remboursés avec la télétransmission dans un délai de trois jours.
2. Le tiers payant généralisé n’est pas une mesure nécessaire
Il faut bien sûr entendre ici « nécessaire à une certaine catégorie de personnes ».
Or, aucune catégorie de personnes ne souffre d’avoir à avancer les 23 euros d’une consultation de médecin généraliste, puisque cette somme, à peine partie du compte bancaire de l’assuré, y revient trois jours plus tard !
Et toutefois si tel ou tel patient connaissait une difficulté passagère, chaque médecin généraliste propose sans problème à son patient de différer le règlement – le patient fait un chèque au dos duquel le praticien inscrit : « à encaisser dans une, deux, trois semaines ».
3. Le tiers payant généralisé n’est pas une mesure utile
Que faut-il entendre par utile ? Avec un peu d’humour on pourrait dire : « peut-être utile à personne mais au moins préférable à son contraire ». Si l’on prend une nouvelle mesure, n’est-il pas au minimum souhaitable que celle-ci revête à terme plus d’avantages à être appliquée que d’inconvénients à ne pas l’être.
Au chapitre des avantages, la gratuité finira toujours par être acceptée. Si demain on vous annonce que les carburants sont gratuits, que chaque semaine des bénévoles viendront tondre votre pelouse, que si vous êtes fumeurs, vos cigarettes seront désormais données dans les bureaux de tabac, que le montant annuel de vos impôts va être divisé par 2, vous n’irez pas vous plaindre !
Mais peut-on compter, en étant intellectuellement honnête, cette acceptation béate de la gratuité au chapitre des avantages d’une telle mesure !
La gratuité n’est en vérité justifiée que dans les situations d’extrême précarité encore que l’on peut se demander si le faible coût ne lui est pas, malgré tout, toujours préférable.
Payer responsabilise.
Au chapitre des inconvénients, on trouvera :
- la surconsommation
On peut reprendre l’exemple de la gratuité du tabac… Un buraliste vend aujourd’hui 50 paquets par jour à ses clients fumeurs, combien devra-t-il en donner demain si le tabac est gratuit ! Il est incontestable que la gratuité entraîne inévitablement la surconsommation.
Le praticien qui, en période hivernale, pouvait, après avoir consulté 3 enfants, ne facturer qu’une seule consultation, par sympathie pour la mère, sa patiente, agira-t-il de la même manière lorsque tous les actes seront gratuits ; on peut en douter ! La même maman pour les mêmes raisons n’hésitera certainement pas à demander à son médecin : « Docteur pouvez-vous aussi regarder les oreilles de ma petite fille et ausculter les poumons de mon dernier parce que je préfère être rassurée » – dans les deux cas, d’un acte on passera gentiment à trois.
La gratuité inévitablement entraîne une surconsommation.
Il est donc assuré que le nombre des consultations augmentera, rendant ainsi la mesure peu économique. La ministre a prévu de combler ce surcroît de dépenses, dont elle ne peut pas ne pas être consciente, en biaisant : la profession sera démantelée au profit de personnels paramédicaux, moins rémunérés pour leurs prestations (initialement pharmaciens, mais aussi sages-femmes, infirmières cliniciennes…).
- la dévalorisation de l’acte médical
Devenue gratuite, la traditionnelle consultation chez le médecin va d’une manière certaine perdre de sa valeur symbolique. Le patient qui ne va plus rémunérer son médecin le consultera certainement pour des motifs parfois différents. Difficile alors, pour les secrétaires, de faire le tri entre la consultation nécessaire et la consultation superflue !
- la qualité de la relation médecin-patient
Troisième versant négatif : le praticien continuera-t-il à observer la même attention à son patient qui, par la force des choses, viendra lui rendre visite sans plus jamais le gratifier pour sa prestation.
N’aura-t-il pas le sentiment d’exercer désormais une tâche de « médecin de dispensaire ». Sera-t-il autant à l’écoute de son patient ? Il est fort probable que quelque chose disparaîtra dans cette relation privilégiée « patient-médecin » qu’une gratification – certes modeste mais existante – ponctuait.
Elle en perdra davantage encore lorsque l’on s’apercevra qu’une partie des tâches auparavant allouées aux médecins – vaccinations, suivi des patients chroniques – seront dorénavant faites par les pharmaciens (aujourd’hui, mesure abandonnée), les sages-femmes, ou des « infirmières cliniciennes », et, qui sait peut-être demain, pour de déplorables intérêts comptables, par d’autres professionnels de santé encore.
- et bien sûr les tracasseries occasionnées aux praticiens
Ceux-ci devront surveiller, au quotidien, les remboursements des caisses d’assurance-maladie et… probablement aussi celles des complémentaires.
On imagine pour le praticien, qui voit 40 patients chaque jour, les heures qu’il devra passer pour s’acquitter de cette tâche s’il veut savoir si des erreurs ou omissions ne se sont pas produites.
Un mépris étonnant de la part de dignitaires de la République !
Et, de facto, une inadmissible perte de temps garantie…, des heures inutiles qui s’ajouteront aux journées déjà longues du médecin généraliste ; un temps aussi ôté de celui qu’il eût été préférable qu’il consacrât à ses patients !
B. Interrogations :
Le tiers payant généralisé appartenant donc à la quatrième catégorie, il est maintenant légitime de se poser la question suivante : alors que tant de requêtes justifiées, – souvent indispensables, parfois nécessaires ou simplement utiles – dans tant de domaines (réductions d’impôts, diminutions des charges de tous types… et quantité d’autres, même dans le domaine de la médecine, remboursement des lunettes, soins et travaux dentaires… etc.), sont faites qui ne sont pas accordées, comment peut-on en arriver à prendre politiquement une mesure qui n’est demandée par personne et qui de surcroît est une mesure coûteuse ?
Le sujet mérite d’être exploré.
Réflexions…
Trois explications sont possibles :
- Le pouvoir politique agit par altruisme
L’altruisme désigne un amour désintéressé pour autrui, une générosité qui n’attend rien en retour… Le projet de Marisol Touraine aurait-il pour fondement cet amour désintéressé pour son prochain ?
En politique, hélas, il s’avère que pratiquer l’altruisme n’est souvent que « feindre de le faire ». C’est une tactique qui fait partie du jeu électoral. On l’utilise comme un levier pour flagorner l’opinion publique ou lui faire plaisir.
L’altruisme, né d’une prise de conscience justifiée d’un réel mal être d’une partie ou de la totalité d’un groupe social, serait indiscutablement la marque d’une action en tout point louable.
Mais, dans la situation présente, on y croit peu compte tenu du caractère non indispensable, non nécessaire et non utile de la mesure !
- le pouvoir politique agit par idéologie…
Lors ce qu’un politicien s’affiche de gauche, il est de bon ton qu’il montre de lui l’image d’une personne généreuse (le fameux « monopole du cœur »).
Un candidat à la présidence en campagne annonce avec noblesse ; « avec moi, si je suis élu, les soins seront gratuits pour tous ».
Personne n’y avait pensé ! puisque aucun assuré n’en ressentait le besoin !
Ce large ratissage vise à montrer une magnanimité à toute épreuve. Quel homme !
N’aurait-il pas été plus pertinent, plus généreux et surtout plus courageux de lancer : « si je suis élu, je ferai en sorte que cette pratique injuste soit révisée, qui permet aux plus aisés de se faire soigner dans les cliniques appartenant au secteur 2 et parties d’hôpitaux publics appartenant au secteur 1 (tarification des actes médicaux fixée par le praticien et non par la CPAM), tandis que les plus modestes devront se satisfaire de l’hôpital public ». No comment…
- le pouvoir politique agit par « Intérêt personnel »
La proposition peut paraître surprenante. Elle est pourtant très intéressante ! Explication.
Ce n’est pas véritablement son projet, mais chargée de le mettre en place, la ministre y voit tout de suite l’extraordinaire rampe de lancement que représente cette idée-concept.
Marisol Touraine, depuis qu’elle a divulgué son plan de santé, parle avec une insistance étonnante du TPG comme du socle de sa réforme, un leitmotiv dans son discours !
Ne faut-il pas entendre derrière ce « socle », plutôt la base de la fusée qui devrait la mettre sur l’orbite de la postérité : « en 2015, la ministre de la Santé obtient la gratuité des soins pour tous ». On parlera d’elle pendant des lustres… Son nom est désormais lié à la mesure.
Le rêve caché de certains ministres, qui ont de la suite dans les idées (mais pas toujours de géniales idées pour la suite…), prend pied dans la réalité… sous la forme d’un acharnement sans faille à vouloir que leur nom reste dans les livres d’histoire !
La vérité est souvent éparpillée dans plusieurs endroits… et pas toujours simple à déceler, étant souvent dissimulée par les uns ou par les autres.
Libre donc à chacun de se faire une opinion !
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