NICOLAS SARKOZY a désormais en main le rapport d’Élisabeth Hubert sur la médecine de proximité (« le Quotidien » des 22 et 25 novembre). Nul doute que le chef de l’État saura saisir cette opportunité pour envoyer un nouveau message positif à la profession.
Le président Sarkozy et la médecine de ville… Une déjà longue histoire en forme de grand virage où la fermeté originelle sur les sujets sensibles (les dépassements, la liberté d’installation) a été progressivement remplacée par des propos et des gestes de (ré)conciliation avec le corps médical. Comment en est-on arrivé là ?
Lorsqu’il prend ses marques en 2007 à l’Élysée, l’avocat de la rupture ne s’adresse pas immédiatement aux médecins libéraux. Et pour cause. Nicolas Sarkozy n’a pas l’intention de remettre en cause les principes de la réforme de 2004 et de la convention de 2005 sur le médecin traitant. La profession en reste donc à ses promesses de campagne : alignement « au plus vite » du C et du CS, incitations au regroupement et simplification administrative. En réalité, Nicolas Sarkozy n’a pas l’intention de signer un chèque en blanc aux médecins. Ce sera donnant donnant. Roselyne Bachelot, ministre de la Santé, est chargée par l’Élysée d’un « deal » politique avec les médecins. En échange du C à 23 euros (qui ne va plus de soi…), l’exécutif exige des gages immédiats sur deux sujets : la régulation des dépassements (c’est l’affaire du secteur optionnel) et la lutte contre les déserts médicaux. Cette double exigence aboutit au blocage des négociations conventionnelles et à l’organisation des états généraux de l’organisation de la santé, l’objectif étant ici de rassurer les plus jeunes.
Dans le Jura, ferme tu seras.
En septembre 2008, visitant une maison de santé à Bletterans (Jura), Nicolas Sarkozy durcit le ton dans un discours fondateur qui sonne comme un rappel à l’ordre des libéraux. Le secteur II ? Une « forme de régulation adaptée » pourrait être envisagée, déclare-t-il pour la première fois. Les partenaires conventionnels sont sommés de parvenir à un accord « avant la fin de l’année » sur le secteur optionnel (encadrant les dépassements des spécialités de plateaux techniques). La démographie ? Nicolas Sarkozy célèbre la convention… des infirmiers qui, eux, ont accepté une régulation de l’installation. « Nous avons trop longtemps laissé les professions de santé autogérer leur démographie. Il est temps d’agir. S’ils ont du mal à le faire, nous le ferons ! », s’agace le président de la République. Quant à la PDS, « les médecins ont des obligations, la garde en fait partie ».
Les partenaires conventionnels sont mis au pied du mur. L’horizon du C à 23 euros est bouché – d’autant que les médecins n’ont pas atteint la totalité de leurs objectifs de maîtrise médicalisée, rappelle Bercy. À la fin de l’année 2008, faute d’accord sur la démographie et les dépassements, l’Élysée s’impatiente à nouveau. Plusieurs syndicats de spécialistes confient qu’ils redoutent un encadrement législatif du secteur II.
Des gages à la Mutualité française.
En 2009, le ton reste autoritaire. La « commande » élyséenne sur les dépassements régulés et la démographie tient toujours. En juin, au congrès de la Mutualité française, Nicolas Sarkozy donne des gages à son auditoire. Il demande au gouvernement de « se préparer » à reprendre la main sur les dépassements des chirurgiens, des anesthésistes et des obstétriciens. Un dossier qu’il « est de temps de traiter dans les toutes prochaines semaines ». En clair, ce sera le secteur optionnel ou la loi. Le chef de l’État exige une réponse à la PDS « en tout point du territoire », dès lors qu’il s’agit d’une mission de service public. Côté démographie, la loi HPST (votée en juillet) retient deux mesures très planificatrices jugées humiliantes par les libéraux : l’obligation de déclarer ses congés et le contrat de santé solidarité sous peine de taxe. Ce sera la dernière salve de mesures contraignantes.
À l’hiver 2009, le ton change. Éclairé par des sondages catastrophiques sur le vote médical, le conseiller social de Nicolas Sarkozy, Raymond Soubie, mesure le risque de fracture entre la droite et le corps médical. Tous les signaux de la médecine libérale sont au rouge : journées de fermeture des cabinets, guérilla tarifaire, crise de confiance liée à l’organisation de la vaccination contre la grippe A(H1N1) excluant au départ les généralistes, échiquier syndical de plus en plus hostile avec le changement de président et de cap à MG-France tandis que la CSMF pilonne la politique du gouvernement…
En 2010, Sarkozy régale.
Au début de 2010, l’Élysée reprend en main les affaires de la médecine libérale et lance la reconquista. Après la loi HPST, essentiellement hospitalière, il est urgent de parler à la médecine ambulatoire, fait-on savoir au Château. Mi-janvier, à deux mois des régionales 2010 (dont le résultat sera calamiteux pour la majorité), le chef de l’État confie au patron de l’Ordre la mission de « refonder » la médecine libérale. Au menu : formation, lutte contre la paperasse, coopérations… À peine achevé et versé au débat, ce rapport laisse place à… une « grande concertation », plus ambitieuse,sur la médecine de proximité, nouveau terme en vogue à l’Élysée. Cette fois Élisabeth Hubert est aux manettes.
En déplacement dans un cabinet de groupe, mi-avril, Nicolas Sarkozy annonce lui-même les bonnes nouvelles dont le C=CS=23 euros, une équation parlante pour les médecins généralistes. Aux Assises de la ruralité, le chef de l’État promet 250 nouvelles maisons de santé pour 2013. Parallèlement, le président convie à déjeuner des médecins libéraux de terrain à trois reprises au moins afin de « prendre le pouls » de la profession. De son côté, Roselyne Bachelot choisit sa plus belle plume pour écrire aux généralistes et leur annoncer la mise en place d’un chèque DPC (développement professionnel continu). Ce n’est pas tout. Au congrès national de médecine générale, en juin, la ministre de la Santé confirme, à la demande de l’Élysée, la mise entre parenthèses des deux dispositions les plus décriées de sa loi HPST, à savoir la déclaration des absences et le contrat santé solidarité obligatoire. Un sénateur UMP, Jean-Pierre Fourcade, est chargé de déposer une proposition de loi en ce sens.
Cette séquence « positive » n’est pas terminée. Devant les maires cette semaine, le chef de l’État a certes évoqué la désertification médicale. Mais il a annoncé une révision du statut des médecins et envisagé des aides pour les jeunes internes qui s’installeraient dans les régions sous-équipées.
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