Insécurité routière et santé déficiente

L’Ordre sort un carton rose

Publié le 10/12/2008
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Crédit photo : S TOUBON

LE QUOTIDIEN DU MÉDECIN - Quelles sont les intentions de l’Ordre en matière de sécurité routière ?

Dr ANDRÉ DESEUR - Rester participant au débat et le devenir un petit peu plus. Tout médecin a connaissance de patients dangereux pour la conduite automobile. En revanche, il ne dispose d’aucun pouvoir de contrainte, sur la personne âgée qui vient de faire un AVC, sur l’épileptique ou le diabétique mal équilibré, ou encore sur le jeune sous traitement de substitution. Personnellement, en tant que généraliste, il m’arrive de voir un conducteur de bus qui boit 4 litres de rouge le soir. Or, je suis impuissant. Il ne saurait être question de le dénoncer, voire, pour l’Ordre, de créer une nouvelle dérogation à la levée du secret professionnel. Cette mesure mettrait à mal le lien de confidentialité qui se noue lors du colloque singulier.

Concrètement, comment pensez-vous pouvoir agir sur les automobilistes potentiellement dangereux en raison de leur état de santé ?

Il se révèle inopérant de les mettre en garde. Aussi, l’idée en suspens à la section Santé publique du conseil national est de faire reposer l’obligation et la contrainte sur le conducteur. Nous le plaçons dans une posture proche de celle d’un professionnel de la route - chauffeur de taxi, d’ambulance, de bus ou de camion - soumis à un contrôle systématique de l’aptitude médicale à la conduite. Dans l’état de la réflexion ordinale en cours sur le sujet, ce serait à lui de faire une déclaration épistolaire à la prefecture, tous les cinq ans jusqu’à 50 ans, puis bisannuelle au-delà, attestant un état de santé compatible avec le volant. En cas de traitement d’une maladie chronique ne perturbant pas ses facultés, le courrier au préfet serait complété, à la demande du patient-automobiliste, par une appréciation du médecin traitant confirmant l’absence de contre-indication, à moins qu’il ne s’en remette à l’avis de la commission départementale d’aptitude à la conduite.

Pensez-vous que cela sera respecté, donc efficace ?

Il s’agit d’un verrou léger, qui prend en compte le droit des malades - le citoyen en incapacité de vivre normalement est renvoyé à ses responsabilités - tout en appelant à la sécurité routière.

N’avez-vous pas l’impression que les pouvoirs publics entendent ménager l’électeur-automobiliste ?

Si, bien sûr. Il existe des groupes de pressions. En ce qui me concerne, je n’hésite pas à faire figurer sur mes ordonnances médicamenteuses, pour certaines spécialités et dans ceratines situations, l’expression « Attention, en cas de conduite automobile, la vigilance peut être altérée ». Lorsque des psychiatres nous interpellent, je les convie à procéder de la même manière. Maintenant, quand nos propositions seront au point, au début de l’année prochaine, nous les soumettrons à la Direction de la sécurité routière et au Parlement, et nous veillerons à ce qu’elles ne restent pas lettres mortes.

L’évaluation médicale des conducteurs a donné lieu à des initiatives des pouvoirs publics eux-mêmes, restées sans suite. Ne craignez-vous pas un même sort ?

Nous gardons bon espoir, d’autant plus que des confrères nous interrogent régulièrement pour savoir que faire dans telle ou telle situation. C’est une question à la fois médicale et de sécurité publique.

Faites-vous vôtre l’appréciation de Claude Got, spécialiste en accidentologie, selon laquelle« l’automobile est inadaptée (quasiment) délibérement à l’homme, à ses comportements et aux exigences du code de la route »* ?

J’abonde dans ce sens. J’ai une petite automobile qui affiche au compteur 180 km/h, alors qu’une telle vitesse, utilisée comme critère de vente par les fabricant, n’est autorisée nulle part.Aberrant, comme la radio que je peux écouter, tandis que le portable est prohibé !

* L’Institut de recherche sur les transports et leurs sécurité notait, également, que« la conception (de la voiture), globalement, n’est pas pensée pour un acteur humain » (« le Quotidien » du 30 janvier 2003).

PHILIPPE ROY

Source : Le Quotidien du Médecin: 8478