DE NOTRE CORRESPONDANT
LA FRANCE compte cinq millions de personnes présentant une déficience auditive (8 % de la population). Au quotidien, ces publics sont confrontés à des problèmes d’accès à l’information, en particulier sur les questions de santé. Conséquences pour certains patients : un recours moins fréquent au dépistage et des prises en charge plus tardives.
Cette réalité, le Dr Isabelle Ridoux, le médecin à l’origine de l’unité d’accueil et de soins des patients sourds et malentendants du CHU de Rennes, y est confrontée en permanence.
Ce matin-là, c’est une femme d’origine chinoise qui entre dans la salle de médecine générale aménagée dans les locaux situés sur le site de Pontchaillou. La consultation se déroule correctement : le médecin et la patiente parviennent à se comprendre. Mais, les débuts de la prise en charge ont été plus compliqués. « Il a fallu créer la langue des signes adaptée à l’origine étrangère de la personne et à ses capacités », explique le Dr Ridoux. Un exemple extrême si l’on peut dire mais qui illustre le fait que, selon la responsable de l’unité, « quel que soit son profil, on prend en compte la langue du patient ».
Porte d’entrée dans le soin.
Car, loin des idées préconçues que l’on peut avoir quand on est extérieur au monde des personnes sourdes et malentendantes, cet univers n’est pas homogène. Loin de là. « La grande majorité de ce public est sourd profond ou sévère, avec ou sans langue de signes, précise le médecin, utilisatrice elle-même de la langue des signes. Après, nous intervenons également auprès de personnes sourdes qui sont devenues malvoyantes, ou qui sont d’emblée malvoyantes ou aveugles, auprès d’enfants entendants ayant des parents sourds (dans ce cas, nous sommes là pour nous assurer que les parents comprennent bien), ou encore auprès de personnes malentendantes, qui présentent plutôt une grande détresse psychologique. Je suis alors comme un médecin ressource avec qui le patient a besoin de revoir sa situation générale, refaire le point sur l’aide technique ou humaine nécessaire. »
Pour l’équipe de l’unité, qui comprend, outre le médecin, une secrétaire médicale, une interprète, et trois professionnels sourds : une aide-soignante, une psychologue et une conseillère en économie sociale et familiale, l’enjeu médical qui se cache derrière ces différentes manifestations de problèmes de communication est crucial. Un recours moindre vers le corps médical, faute d’un niveau d’information suffisant, ou des réticences à s’adresser aux professionnels alors même que la personne a un problème aigu, peuvent être sources d’erreurs de diagnostic, de redondance dans les examens (simplement parce que le patient ne parvient pas à dire qu’il a déjà eu tel examen) et d’errance médicale.
En dix ans de fonctionnement, l’équipe du Dr Isabelle Ridoux voit son travail d’essaimage aboutir. Elle est devenue un interlocuteur privilégié du public concerné et des professionnels de santé. « Rien qu’à l’hôpital, je suis sollicitée de plus en plus, se réjouit le Dr Isabelle Ridoux. Par exemple, ma consoeur neurologue me demande d’intervenir pour doubler la consultation quand elle reçoit une personne sourde ou malentendante. Cela signifie que, n’étant pas neurologue, je ne mène pas toute seule l’interrogatoire mais j’y participe pour aider à évaluer le ressenti du patient. Si l’on s’en tenait uniquement à faire intervenir une interprète, on pourrait se tromper. » Le médecin est également sollicitée par ses confrères de psychiatrie, en urologie, et, à l’extérieur du CHU, par la médecine scolaire et la médecine du travail. Des conventions avec le CHU de Brest et le CH de Saint-Brieuc existent et permettent l’organisation de consultations avancées.
Un DU « Référents en surdicécité ».
La consultation du Dr Ridoux est une véritable porte d’entrée dans le soin. En plus de la consultation de psychologie et la présence d’une conseillère en économie sociale et familiale, Morgane Robert, aide-soignante, effectue des interventions directes auprès des patients durant une consultation ou une hospitalisation dans un service du CHU et un gros travail d’adaptation de l’information. Des fiches de posologie ont été imaginées pour certains médicaments. Des fiches sur le diabète ou l’équilibre alimentaire ont également été réalisées.
C’est toujours le même objectif qui est poursuivi ainsi : impliquer les personnes dans leur santé. Un travail de communication doublement essentiel. Dans ce but, le premier diplôme universitaire « Référents en surdicécité » a été mis en place avec la faculté de médecine de Rennes depuis septembre 2012. Cette formation, unique en France, entend améliorer en particulier la prise en charge des personnes sourdes et aveugles.
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