M. SARKOZY n’a jamais compté sur l’électorat de gauche pour emporter une élection. Les forts à bras qui, à Marseille, à Fos ou à Donges, annoncent au pouvoir des lendemains qui déchantent sont surprenants : même avant la réforme, auraient-ils voté pour la droite ? À noter que, désormais, dans les manifestations, on ne chante plus l’Internationale, mais la Marseillaise. Pourtant le Front national lui aussi la chante. En France, n’importe quel groupe s’approprie la vérité, comme si des affaires aussi complexes que la mondialisation, les délocalisations, l’espérance de vie, le développement des pays émergents qui, chaque jour, prélève sa livre d’emplois, pouvaient être résolues par l’exaltation patriotique. Mais le plus comique, si l’on peut dire, c’est qu’Éric Woerth nous dise : « Les gagnants, ce sont les Français », alors qu’ils perçoivent comme une calamité la retraite à 62 ans. Ce n’est pas tout de vouloir faire du bien au peuple de gré ou de force, il faut qu’il soit d’accord.
Oui, M. Sarkozy a gagné une manche, assuré qu’il est de franchir le cap du Conseil constitutionnel et de promulguer la loi un peu plus tard qu’il ne le prévoyait, puis de former un gouvernement dont il changera très probablement le Premier ministre à cause du chaos qu’il a déclenché. Oui, M. Sarkozy a bénéficié d’une certaine sagesse des syndicats, qui ont compensé leur analyse excessivement hostile des mesures d’âge par leur refus de détruire l’économie. La réforme est très imparfaite, mais ce qui compte, c’est qu’elle a enfin fait passer un message essentiel ; on ne luttera pas contre les déficits en travaillant moins mais en travaillant plus ; on ne combattra pas le chômage en donnant aux jeunes les emplois des plus de 55 ans ; on ne ne se défendra pas contre l’immense redistribution des richesses entre les pays du monde sans des efforts draconiens d’intelligence, de technicité, d’innovation.
SI LA GAUCHE REVIENT AU POUVOIR, ELLE DOIT CHANGER DE MESSAGE
Et, certes, le pouvoir est passé en force parce qu’il a fait de la brutalité un élément de sa stratégie politique, et en abandonnant du même coup sa fonction première, la protection de ses administrés et la compassion qu’ils méritent. Certes, il a achevé de détruire sa propre image aux yeux d’un électorat non seulement ulcéré, mais définitivement aliéné. Il y a maintenant en France quatre millions de chômeurs dont beaucoup attendent un emploi depuis très longtemps ; il y a une augmentation de la pauvreté et de la précarité ; il y a, avec la réduction des dépenses sociales, un changement structurel de l’État ; il y a, pour les Français, dix ans de difficultés à venir. Assurément, la crise apporte des forces plus déterminées à la gauche, lui ouvre peut-être un boulevard pour 2012. Mais si elle s’en tient à ce qu’elle dit aujourd’hui, elle décevra très vite ses électeurs et le jeu de l’alternance recommencera. Le pire serait que, d’un quinquennat à l’autre, le pays défasse ce qui a été fait et refasse ce qui a été défait. Avec tout ce que nous comptons d’intellectuels, de maîtres à penser, d’observateurs pertinents et de gens extraordinairement cultivés dans toutes les disciplines, on ne lit en réalité que des prises de position partisanes, des vérités assénées mais pas démontrées, depuis les sociologues de gauche jusqu’aux économistes férus de libéralisme.
Ce n’est pas de cette manière que nous sortirons le char de l’ornière profonde où il est enfoncé. C’est en admettant enfin que, pour atteindre le paradis du développement, les pays émergents ont fini par produire ce que nous produisions et ont inversé le flux des exportations. Il faut donc en tirer la leçon. Nous devons nous réindustrialiser en produisant ce que les autres ne font pas encore. Cela passe par la recherche, par la formation, par l’excellence des universités. Que les Français reconnaissent au moins que, en dépit de fortes résistances, ce gouvernement a fait une réforme réussie du système académique. Qu’ils reconnaissent au moins qu’ils ne peuvent pas à la fois acheter à bon marché des produits chinois et avoir à bon compte une assurance-maladie. Qu’ils reconnaissent que, dans cet univers de l’instantané, il est impossible de se replier sur ses traditions, pis, sur des habitudes confortables. Si la gauche l’emporte en 2012, vive la démocratie. Si elle flatte indéfiniment la prédilection des Français pour la retraite à 60 ans, les loisirs et le temps libre, elle achèvera ce pays.
Yannick Neuder lance un plan de lutte contre la désinformation en santé
Dès 60 ans, la perte de l’odorat est associée à une hausse de la mortalité
Troubles du neurodéveloppement : les outils diagnostiques à intégrer en pratique
Santé mentale des jeunes : du mieux pour le repérage mais de nouveaux facteurs de risque