QUELLES SONT les représentations sociales du « fou », du « malade mental » et du « dépressif » en population générale ? Voilà la question à laquelle s’est attachée à répondre une vaste enquête, coordonnée par le Dr Jean-Luc Roelandt et menée sous l’égide du Centre collaborateur OMS (Lille, France), de l’EPSM Lille Métropole et du ministère de la santé. « Cette enquête « santé mentale en population générale » a été conduite entre 1999 et 2003 auprès de 36 000 personnes en France », explique Aude Caria, chargée de mission au Centre collaborateur OMS et responsable méthodologique de l’étude. Le principal enseignement de cette enquête de large envergure, qui a été publiée cette année dans la revue l’Encéphale (1), ne manque pas d’interpeller : plus de 75 % des personnes interrogées associent les termes de fou et de malade mental à des comportements violents et dangereux.
La première partie de l’étude porte sur la représentation sociale du fou. Les comportements qui lui sont attribués sont le meurtre pour 45 % des enquêtés, le viol (39 %), l’inceste (37,6 %), la violence envers les autres (29 %). Pour 86 % des personnes interrogées, un fou n’est pas responsable de sa folie et pour 76 %, il n’est pas responsable de ses actes. Un tiers des enquêtés pensent que l’on peut guérir un fou, 67 % qu’il faut le soigner même sans son consentement et 70 % par un professionnel de la psychiatrie. Toutes les thérapies sont envisagées : médicaments (22 %), hospitalisation (19 %), psychothérapie (13 %) et soutien relationnel (11 %). Seuls 22 % des enquêtés déclarent connaître d’autres lieux que l’hôpital psychiatrique pour soigner un fou. Parmi eux, un quart cite des lieux de consultation, 18 % des lieux de vie et 16 % le domicile. Plus des trois-quarts conseilleraient à un proche fou d’être hospitalisé et un tiers le soignerait à la maison.
L’enquête aborde ensuite la représentation sociale du « malade mental ». « De même que le fou, il est perçu comme un être différent, un autre, mais contrairement au fou, on peut lui attribuer une maladie, une cause et un traitement médical. Le désordre est ici franchement organique (cérébral, physiologique, cerveau, tumeur, traumatisme, accident) », soulignent les auteurs. De nombreux comportements violents et dangereux sont associés à l’image du malade mental : commettre un viol (46 % vs 39 % pour le fou), un inceste (46 % vs 37,6 %), être violent envers soi-même (45 % vs 22 %), être violent envers les autres (43 % vs 29 %). Lui sont aussi attribués le délire (48 % vs 28 %), la déficience intellectuelle (48 %) et le discours bizarre (34 %). Pour 55 % des enquêtés, un malade mental ne peut guérir. Environ trois quarts des sujets interrogés estiment que le malade mental doit être soigné, même sans consentement, et qu’il n’est pas possible de le soigner sans médicament. Les soins les plus cités sont alors les médicaments (28 %), la psychothérapie (17 %), l’hospitalisation (17 %) et le soutien relationnel (13 %). Près de 71 % conseilleraient à un proche malade mental d’être hospitalisé ou de voir un psychiatre (70 %) ; : 38 % connaissent d’autres lieux que l’hôpital psychiatrique pour soigner un malade mental : parmi eux, les lieux de vie et d’hospitalisation représentent plus de la moitié des réponses.
Reste la représentation sociale du « dépressif ». Les comportements, majoritairement attribués au dépressif, sont : pleurer souvent (87 %), tenter de se suicider (80 %), être isolé ou en retrait (62 %). D’autres comportements lui sont moins souvent associés : être anxieux (37 %), boire régulièrement des boissons alcoolisées (24 %), être violent envers soi-même (24 %), et être négligé (23 %).
En conclusion, les auteurs soulignent que la confusion entre folie, malade mentale et délinquance/criminalité est prédominante dans la population. « On comprend aisément le débat actuel sur la nécessité d’encadrer médicalement les criminels sortant de prison. Dans cette conception, la psychiatrie devient le garant social de la non-récidive », ajoutent-ils. Selon Aude Caria, cette association entre la folie ou la maladie mentale et la dangerosité renvoie à une imagerie populaire très ancienne, et ces stéréotypes sont renforcés par la médiatisation, parfois excessive, de faits divers associant « crime » et « maladie mentale ».
Pourtant, dans la réalité, moins d’un homicide sur 20 est commis par une personne atteinte de maladies mentales graves.
D’après un entretien avec Aude Caria chargée de mission au Centre collaborateur OMS et responsable méthodologique de l’étude « Santé mentale en population générale ».
(1) L’Encéphale (2010), supplément 1 au n°3.
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