Les femmes sans-abri ayant une affection psychiatrique grave représentent une population particulièrement vulnérable face à la violence de la rue, dont il faut s'occuper en priorité, souligne une nouvelle étude du programme « Un chez soi d'abord » dans 4 grandes villes françaises (Lille, Marseille, Paris, Toulouse).
Dans « Neuropsychiatric Disease and Treatment », l'équipe d'Aurélie Tinland montre que des femmes ayant un trouble bipolaire (BP) ou une schizophrénie (SZ) sont plus souvent victimes de violences physiques et sexuelles et présentent davantage de stress post traumatique que leurs homologues masculins sans abri. Les symptômes de dépression sont plus sévères et le risque de suicide plus élevé.
Programme « Un chez soi d'abord »
Ce travail publié s'inscrit dans le cadre du programme « Un chez soi d'abord », dont l'objectif est de proposer un logement aux sans domicile fixe (SDF) avant toute prise en charge psychiatrique. Ce programme a montré précédemment que 9 SDF ayant une maladie mentale sur 10 ne recevaient pas le traitement adapté.
Parmi les 703 participants SDF inclus ayant une schizophrénie ou une maladie bipolaire, il y avait 123 femmes (17,5 %). Un chiffre probablement sous-estimé, écrivent les auteurs, car les femmes en charge d'enfants en bas âge étaient exclues de l'étude. L'âge moyen était le même chez les hommes et les femmes (38,6 et 39,3 ans), de même que le revenu moyen par mois (632 euros versus 609 euros).
Davantage de violences et de tout genre
Si les hommes à la rue avaient majoritairement une schizophrénie (72 %), c'était beaucoup moins marqué chez les femmes (56,1 %). Ces femmes vivant à la rue présentent un risque très élevé d'addiction à l'alcool (39 %), aussi fort que leurs pairs masculins ayant une maladie mentale, ce qui est deux fois plus élevé que la population des SDF dans leur ensemble (21 %) et encore plus que la population générale (8,5 %). La majoration du risque d'addiction à d'autres substances (41 %), qui n'était pas différent selon le sexe dans la population d'étude, est encore plus marqué par rapport à la population générale.
Lutter contre la victimisation en amont
Si les femmes présentaient un niveau d'éducation plus élevé et avaient un passé de vie à la rue moins long (6,9 ans contre 8,0 ans), elles étaient davantage victimes de violences verbales, physiques et sexuelles que les hommes. Les femmes présentaient davantage d'antécédents de fractures et d'entorses au cours des 6 derniers mois.
Pour les auteurs, ces résultats suggèrent plusieurs choses. Pour la prise en charge psychiatrique, l'entretien des femmes devrait « systématiquement évaluer la dépression, l'idéation suicidaire, le stress post-traumatique et la victimisation », est-il écrit. De plus, les programmes de dépistage aux addictions devraient attirer l'attention sur les femmes bipolaires vivant dans la rue.
Les auteurs insistent sur la nécessité de mettre en place des programmes spécifiques de prévention de la violence envers les femmes vivant à la rue et en amont. Comme l'étude le rappelle, l'omniprésence de la violence a été précédemment mise en évidence tout au long de la vie des femmes SDF, dès l'enfance (y compris abus sexuels), avec leur conjoint et dans la rue. Préconisant des interventions spécifiques, les auteurs lancent un appel aux autorités « les problèmes de santé des femmes SDF ne se résoudront jamais sans l'aide du gouvernement », rappelle le Dr Guillaume Fond, psychiatre à l'AP-HM, l'un des auteurs de l'étude.
Mise à jour le 25 septembre 2018
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