Le Congrès de l’encéphale a fêté ses 20 ans au palais des congrès de Paris du 19 au 21 janvier, réunissant plus de 4 000 psychiatres autour de différents sujets pratiques. Avec, notamment, une communication dédiée aux switchs entre antidépresseurs. Si la substitution d’une molécule inefficace par une autre est possible, elle doit respecter certaines règles.
Alors que la dépression touche environ 20 % de la population sur la vie entière, on estime que 60 % des patients ne répondent pas ou seulement partiellement à un premier traitement antidépresseur bien conduit. Dans la dépression, le switch entre deux molécules peut donc être nécessaire. Le Congrès de l’encéphale a été l’occasion de revenir sur les modalités de la substitution.
En cas de non-réponse à un premier antidépresseur, il convient d’abord de rechercher les autres causes possibles d’inefficacité (observance, interactions médicamenteuses, comorbidités, facteurs psychosociaux…). Ensuite, différentes stratégies sont possibles : augmentation des posologies, association avec un autre psychotrope ou changement d’un antidépresseur pour un autre (switch). Le switch est évident en cas de mauvaise tolérance ou d’interaction et il est recommandé en cas de manque de réponse au traitement initial.
Attendre au minimum 4 à 6 semaines
L’effet clinique d’un antidépresseur survient généralement dans les deux premières semaines mais, dans certains cas, la réponse peut être plus tardive. Il est recommandé d’attendre au minimum 4 à 6 semaines avant de juger de l’efficacité d’un traitement.
Pour changer de molécule, il faut prendre en compte les caractéristiques cliniques (terrain, symptômes, durée de l’épisode…) ainsi que les caractéristiques des molécules (demi-vie, mode d’action, interactions, effets secondaires, métabolisme enzymatique…).
Il est possible de choisir une seconde molécule de même classe ou de classe différente de la première molécule utilisée : ces deux options ont une efficacité comparable et sont recommandées par la HAS (2017).
Risque de syndrome de discontinuation
Tout l’enjeu est d’augmenter l’efficacité thérapeutique en diminuant les risques liés au switch (symptômes de discontinuation éventuels, rechute, interaction…).
Il existe différentes méthodes de substitution : le switch progressif avec diminution du premier antidépresseur, période de washout (2 à 5 demi-vies de la molécule arrêtée) puis instauration progressive du second ; le switch progressif sans washout ; le switch direct avec arrêt brutal du premier antidépresseur et instauration directe du deuxième et le switch croisé, avec diminution progressive du premier antidépresseur et instauration progressive du second. Chaque méthode présente des avantages et des inconvénients.
Le switch progressif avec ou sans washout diminue le risque d’interaction ; en revanche, il existe un risque de syndrome de discontinuation (nausées, vertiges, frissons, insomnie…) et de rechute lors du washout. En cas de switch direct ou croisé, le risque de syndrome de discontinuation est faible, mais dépendant du deuxième antidépresseur. Ces deux méthodes sont à privilégier chez les patients à haut risque de rechute car il n’y a pas de période sans antidépresseur ; en revanche, le risque d’interaction est à surveiller (à préférer lorsque le premier antidépresseur a une demi-vie courte).
« Le syndrome de discontinuation et non pas de sevrage (les antidépresseurs n’entraînant pas de dépendance) peut se produire, surtout avec des molécules aux demi-vies courtes (paroxétine, venlafaxine), précise le Dr Marie-Laure Clery-Melin (Garches).
Attention aux IMAO en cas de switch croisé
Un syndrome sérotoninergique peut aussi apparaître en cas de coprescription de deux molécules d’action sérotoninergique et, si l’une d’elles est un inhibiteur de monoamine oxydase (IMAO), il peut être sévère (urgence vitale). Le syndrome sérotoninergique se manifeste par une triade clinique : symptômes neuromusculaires (tremblements, myoclonies…), symptômes liés à une activation du système nerveux autonome (tachycardie, hypothermie…) et symptômes psychiques (insomnie, anxiété…). Et, dans les cas sévères, par l’apparition d’une coagulation intravasculaire disséminée, de rhabdomyolyse et de défaillance multiviscérale.
Il ne faut jamais associer de molécule à action sérotoninergique à un IMAO.