Article réservé aux abonnés
Dossier

Législatives 2017

Ces confrères lancés dans la bataille électorale

Par Camille Roux - Publié le 09/06/2017
Ces confrères lancés dans la bataille électorale


GARO/PHANIE

Des généralistes qui se présentent aux législatives, ce n’est pas nouveau. Ils sont encore 54 candidats cette année. Mais beaucoup font campagne pour la première fois. Nous leur avons demandé pourquoi...

Pour la première fois, ils souhaitent laisser de côté leur cabinet pour occuper un siège à l'Assemblée. Eux, ce sont ces généralistes engagés en politique, qui, depuis quelques semaines, voire quelques mois déjà, sont entrés dans la campagne pour les législatives dont le premier tour a lieu ce dimanche. Que ce soit pour apporter leur expertise en tant que médecin et citoyen ou pour soutenir un chef de file qui leur est cher, cet engagement est loin d’être anodin lorsqu'on exerce déjà un métier où l'implication personnelle est entière. Jongler entre ses consultations et ses obligations politiques n’est pas, en effet, chose aisée. Pourtant, cette année, ils sont beaucoup à tenter leur chance pour la première fois. Au total, 55 généralistes sont candidats pour 114 médecins. Un chiffre similaire à 2012 puisqu’ils étaient alors 52 généralistes pour 134 médecins. Mais, contrairement à la précédente édition, où on ne comptait que quelques rares novices, ils sont plus nombreux à se lancer dans la course aux législatives de 2017.

Un élan de renouveau qui reflète peut-être le désir ambiant de renouvellement de la classe politique, confirmé par l’élection du nouveau président de la République. Ils sont, en effet, huit généralistes à s’être lancés auprès d’Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle et à souhaiter continuer leur chemin avec « En marche ».



Candidats de terrain

C'est le cas du Dr Julien Borowczyk, 38 ans, candidat dans la 6e circonscription de la Loire pour La République en Marche (LREM). Ce généraliste de Savigneux ne le cache pas, s'il s’est engagé, c’est « au feeling ». « J'ai commencé à suivre Emmanuel Macron et je me suis dit : "Voilà un mec qui me donne envie d’y aller"». Une décision qui n’a pas été évidente pour lui, qui a repris le cabinet familial de son père en 2013. « Si je prends la responsabilité de laisser ce cabinet et de m’investir à 100 % à l’Assemblée si je suis élu, c’est que j'ai vraiment la volonté de me lancer. Je me suis organisé en fonction, et j'ai trouvé quelqu’un pour me remplacer au cas où. » S’il est élu dans la Loire, l’ancien militant du Modem souhaite également faire partie de la commission des Affaires sociales à l’Assemblée, afin « d'étoffer le programme santé d’Emmanuel Macron avec des personnes qui connaissent le terrain ».




Déjà engagés…

Le déclic Macron, Philippe Chalumeau, généraliste à Chambray-lès-Tours depuis vingt ans et candidat dans la première circonscription d’Indre-et-Loire, l’a eu aussi. Au point de s’engager très tôt dans la campagne : « J’ai été immédiatement séduit par En marche, dès le premier jour. Mais, surtout, séduit par la méthode : faire le diagnostic du pays en allant à la rencontre des gens, pour un médecin, ça parle… » Celui qui était auparavant engagé au PS ne regrette pas son choix : « Je ne me reconnaissais plus auprès des partis politiques traditionnels », et avoue s’être engagé pour les législatives « naturellement ». Cet hyperactif, qui cumule les casquettes de généraliste, médecin régulateur et coordonnateur d’Ehpad, ne souhaite d'ailleurs pas totalement abandonner son activité de médecin s’il est élu : « J'ai envie de garder un pied dans la réalité », confie le médecin de 53 ans.


[[asset:image:11841 {"mode":"small","align":"left","field_asset_image_copyright":["DR"],"field_asset_image_description":[]}]]

La politique est une autre manière de prendre soin des gens

Dr Philippe CHALUMEAU (LREM)
Chambray-lès-Tours (37)



Plus au sud, dans le Lot-et-Garonne, c’est un autre médecin, ex-membre du PS, qui se présente pour la première fois aux législatives : le Dr Michel Lauzanna. Il y a deux ans, il quitte le PS de François Hollande. « Ce parti ne me correspondait plus », analyse le généraliste et maire de Bon-Encontre, qui se qualifie de « social-démocrate ». Ce qui l’a séduit, chez Macron ? L’homme, mais aussi sa vision sans clivage de la politique : « Au sein de ma commune, j'ai agrandi de plus en plus mon équipe sans sectarisme gauche/droite. Il faut libérer les énergies ». Une fois à l’Assemblée, le généraliste de 60 ans aimerait, tout comme le Dr Chalumeau, poursuivre son activité. « Je tiens à garder une consultation et à rester conseiller municipal car j’y tiens. Je pense que ça se complète, la politique est juste une autre manière de prendre soin des gens. »

... ou totalement novices

Si le Dr Lauzanna est engagé depuis une dizaine d’années en politique – il est maire de sa commune depuis 2001 – d’autres ne se sont encartés que plus tard. L'émergence de nouveaux mouvements, comme celui de la France insoumise ou de l'UPR (Union populaire républicaine) de François Asselineau, a aussi tenté certains généralistes. Témoin, le Dr Michel Lecocq, 61 ans, généraliste à Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne), qui brigue un premier mandat électoral avec l'UPR. Comme lui, ils sont d'ailleurs cinq autres généralistes à se présenter sous la bannière des tenants du « Frexit ». Une première ! Ce n’est qu’après 32 ans de carrière médicale que le Dr Lecocq devient militant : « J'ai découvert en 2012 les positions et les analyses de François Asselineau. Constatant la dégradation progressive de la société civile, j'ai découvert ses analyses avec étonnement. Ce n'était pas du tout dans mon profil de m’engager ou de faire carrière en politique. Les choses se sont imposées d'elles-mêmes, par nécessité civique. » Le généraliste, qui souhaite avec un mandat de député « redonner de l'attractivité » à sa profession, n’est pas le seul à soutenir François Asselineau. Ils sont, en effet, six médecins dans la course aux législatives pour l’UPR.


[[asset:image:11842 {"mode":"small","align":"right","field_asset_image_copyright":["DR"],"field_asset_image_description":[]}]]

Ce n'était pas du tout dans mon profil de m’engager ou de faire carrière en politique. Les choses se sont imposées d'elles-mêmes, par nécessité civique

Dr Michel LECOCQ (UPR)
Saint-Maur-des-Fossés (94)

Sous l'étiquette « Nouvelle Donne », le parti fondé par l’ex-PS Pierre Larrouturou, on trouve aussi plusieurs généralistes. Paul Lachal, médecin à Batz-sur-Mer (Loire-Atlantique), est l’un d’entre eux. Il rejoint le parti, il y a trois ans, après les élections européennes : « Les idées m’ont plu. Jusqu’ici, je m’intéressais à la politique mais pas pour militer. » Il se retrouve pourtant aujourd'hui candidat aux législatives. « Ce qui m’a donné envie de m’engager, c’est mon envie de lutter contre les politiques d'austérité qui sont menées, notamment dans les hôpitaux », affirme le Dr Lachal qui travaille également à temps partiel au sein de l’hôpital local de Guérande. Contre l’austérité, mais pourtant positif dans sa vision du système français : « L’organisation du système de santé français reste tout de même relativement bonne et équilibrée pour l’accès aux soins. » Novice en politique, le généraliste, qui sera à la retraite dans un an, n’envisage pas encore un avenir sur le long terme en politique. Pourquoi pas au niveau local ? « Je n’y ai pas encore réfléchi, je verrai, en fonction des résultats… »

Parcours atypiques

Pour certains généralistes, devenir député est un défi de taille. Mais certains n’en sont pas à un challenge près... Le Dr Pierre Defontaines, ex-généraliste libéral, aujourd’hui en poste à l'hôpital psychiatrique Sainte-Marie de Rodez, a un parcours des plus originaux. Il se présente sous l’étiquette « France insoumise » dans la première circonscription de l’Aveyron. Pour preuve, le praticien de 62 ans a commencé ses études de généraliste… à 35 ans  ! Après une carrière à l’usine, puis dans le milieu agricole, il décide, il y a bientôt 30 ans, de quitter l'imprimerie dans laquelle il œuvrait depuis 10 ans pour faire... médecine ! À 44 ans, le voilà qui s’installe ensuite en cabinet privé à Ussel (Corrèze) avec ses deux enfants avant de venir exercer en Aveyron. « C'était vraiment une volonté de m’installer à la campagne, confie-t-il. Je pense d’ailleurs que la revitalisation des territoires ruraux est une priorité. » Celui qui a rejoint le mouvement de Jean-Luc Mélenchon dès sa création ne se voyait pas pour autant embarqué dans la campagne des législatives il y a quelques mois encore. « J’ai milité dans ma jeunesse mais je m’y intéressais moins depuis une vingtaine d'années ; j'avais l’impression qu’il n'y avait pas de perspectives. La naissance de la France Insoumise m’a fait penser que ça pouvait se débloquer, et les choses se sont accélérées jusqu'à ma candidature. Il fallait quelqu’un de nouveau. »


[[asset:image:11843 {"mode":"small","align":"left","field_asset_image_copyright":["DR"],"field_asset_image_description":[]}]]

La naissance de la France Insoumise m’a fait penser que ça pouvait se débloquer

Dr Pierre DEFONTAINES (France Insoumise)
Rodez (12)





Un autre parcours atypique, celui de Véronique Rogez, candidate de Debout la France dans l’Oise. Cette ancienne médecin du travail, devenue généraliste à la suite d’un blocage administratif, a été contrainte, il y a une dizaine d’années, de changer d’activité. Vingt ans après la fin de ses études, on lui apprend en effet… qu’il lui manquait un quart de point pour être médecin du travail ! Après des mois de négociations avec l'Ordre des médecins pour pouvoir continuer son activité, elle s’installe finalement à Noyon en tant que généraliste et homéopathe. Alors qu’elle est conseillère municipale de l’opposition dans sa commune sans étiquette, la généraliste fait finalement la rencontre du délégué du parti de Nicolas Dupont-Aignan dans les Hauts-de-France. « Le parti s’est intéressé à mon cas, et cela m’a touchée. Il s’avère que je me suis aussi retrouvée dans les idées. Puis, tout s'est enchaîné. » La généraliste de 59 ans faisait déjà partie de la liste DLF aux Régionales de 2015, avant d’être investie pour les législatives. Comme le Dr Rogez, ils sont nombreux à avoir fait campagne pour la première fois cette année et, une chose est sûre, ces généralistes-là y ont mis toute leur énergie. Reste à savoir si ces nouvelles têtes réussiront à convaincre leurs électeurs… Réponse dimanche 18 juin.

Où sont passés les sortants ?

Sept députés médecins généralistes avaient été élus en 2012. Parmi eux, cinq se représentent cette année. Ainsi, le député EELV éric Alauzet brigue un deuxième mandat dans la 2e circonscription du Doubs. Christian Hutin, député Divers gauche de la 13e circonscription du Nord est aussi de nouveau dans la course, et pour la troisième fois. Sauveur Gandolfi-Scheit, député LR de la 1re circonscription de Haute-Corse, compte bien lui aussi rester à l’Assemblée. Le Dr Pierre Morange, député LR de la 6e circonscription des Yvelines depuis 2002, brigue lui aussi un quatrième mandat. Enfin, Fernand Siré, député LR de la 2e circonscription des Pyrénées-Orientales se représente, face notamment à Louis Alliot, un des responsables nationaux du FN. Exit cependant pour Jean-Paul Bacquet (PS), qui ne rempile pas après son 4e mandat de député dans le Puy-de-Dôme. Pas de nouvelle élection non plus pour Jean-Marie Le Guen, élu député socialiste de la 9e circonscription de Paris et successivement secrétaire d’État chargé des Relations avec le Parlement et secrétaire d’État chargé du Développement de la francophonie sous l’ère Hollande.


Dossier réalisé par Camille Roux