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Dossier

Élections législatives

Ces médecins qui porteront les sujets santé dans l'Hémicycle

Par Léo Juanole - Publié le 27/06/2022
Ces médecins qui porteront les sujets santé dans l'Hémicycle


GARO/ PHANIE

À l’issue du second tour des élections législatives, sept médecins généralistes siégeront sur les bancs rouges du Palais-Bourbon. Ils œuvreront donc pour la politique de santé des cinq prochaines années, dans un Hémicycle polarisé. Les soutiens du Président n’ont obtenu qu’une majorité relative, la Nupes est devenue la première force d’opposition et le Rassemblement national a réalisé un score historique.

Sept. C’est le nombre de médecins généralistes qui siégeront au Palais-Bourbon pendant la prochaine législature. Un chiffre en baisse par rapport aux douze des cinq années précédentes. Dans les rangs de la majorité présidentielle, les généralistes Michel Lauzzana (Lot-et-Garonne, 51,48 % des voix), Éric Alauzet (Doubs, 52,26 %) et Jean-Pierre Pont (Pas-de-Calais, 51,03 %) ont été réélus. La députée sortante du Modem Anne Genetet (Français de l’étranger Océanie-Asie et Europe orientale, 61,73 %) siégera avec eux. Du côté du Rassemblement national, la généraliste de formation Joëlle Mélin a été élue pour la première fois (Bouches-du-Rhône, 64,1 %), à l’instar de son confrère Thierry Frappé (Pas-de-Calais, 65,26 %). L’omnipraticien et député nationaliste corse Paul-André Colombani (Corse-du-Sud, 57,61 %) conserve, lui, son siège.

Il faudra pour ces omnipraticiens composer avec les autres professionnels de santé élus à l’Assemblée. Parmi les députés en vue de la majorité présidentielle sur les thématiques santé, le médecin urgentiste Thomas Mesnier (Horizons) comptabilise 1 129 interventions longues dans l’Hémicycle et 831 amendements. Il a été réélu dans la 1re circonscription de Charente de justesse, avec 50,03 % des voix. La rhumatologue hospitalière Stéphanie Rist (Renaissance), qui prône les délégations de tâches, a elle aussi gagné son duel dans la 1re circonscription du Loiret, emportant 57,8 % des suffrages. « Ce sont deux députés actifs et qui connaissent bien leurs sujets », confirme l’ancien député Jean-Pierre Door, qui cite le député sortant réélu Thibault Bazin (LR) comme étant une étoile montante également (Meurthe-et-Moselle, 62,18 %). Le médecin ORL Cyrille Isaac-Sibille (Modem), qui a participé à 19 rapports et proposé 611 amendements, rejoindra ses camarades, tout comme l’ex-ministre des Anciens Combattants Geneviève Darrieussecq, médecin de formation. À gauche, Guillaume Garot (Nupes), grand défenseur de la régulation à l’installation, a lui aussi été réélu (Mayenne, 63,22 %), tout comme Caroline Fiat (Nupes), aide-soignante (Meurthe-et-Moselle, 50,23 %). Le président de la Fédération hospitalière de France (FHF) et maire de Fontainebleau, Frédéric Valletoux (Horizons), a été élu pour la première fois député, emportant 57,42 % des voix dans la 2e circonscription de Seine-et-Marne. Première élection également pour le Pr Philippe Juvin (Les Républicains), chef des urgences de l’hôpital européen Georges-Pompidou, candidat dans la 3e circonscription des Hauts-de-Seine (38 % dans une triangulaire).

Trois grands blocs

Leur mission ne sera pas aisée : voter de nouvelles lois répondant aux attentes des Français dans un Hémicycle polarisé. En effet, pour la première fois dans l’histoire de la cinquième République, un président n’obtient pas de majorité absolue à l’Assemblée nationale après son élection. La majorité devra donc compter sur d’autres députés pour faire passer ses lois et atteindre les 289 voix, synonyme de majorité. Sur les 577 députés fraîchement élus, le groupe majorité présidentielle Ensemble (regroupant Renaissance, Modem et Horizons) en comptabilise 246 ; la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes, composée de la France Insoumise, du Parti communiste français, d’Europe Écologie Les Verts et du Parti socialiste) en obtient 142 ; le Rassemblement national (RN) 89 ; Les Républicains (LR), associés aux divers droite et à l’Union des démocrates et indépendants (UDI), 64. La moyenne d’âge de cette nouvelle Assemblée nationale est de 48,5 ans, soit équivalente à celle de 2017 (48,8 ans), marquée par un rajeunissement de cinq ans de l’âge moyen des députés par rapport à 2012. La nouvelle assemblée est encore loin de la parité, avec 37,26 % de femmes, soit 215 femmes pour 362 hommes (contre 224 en 2017 ou 155 en 2012).

Parmi les déçus se trouvent Delphine Bagarry, généraliste élue en 2017 sous l’étiquette La République en marche (LREM), qui a échoué à l’issue du deuxième tour sous la bannière Nupes (Alpes-de-Haute-Provence, 47,6 % des voix). Sa consœur Marie Tamarelle-Verhaeghe, députée de la majorité, a elle aussi perdu son mandat, tout comme Julien Borowczyk, Marc Delatte, Anne Le Gagne, Philippe Chalumeau et Tuterai Tumahai. La candidate des Français de l’étranger Florence Roger (Nupes) n’a pas réussi à gagner, elle non plus, sa circonscription. Ces élections devraient coûter le poste de ministre de la Santé à Brigitte Bourguignon, qui a perdu sa circonscription du Pas-de-Calais face à une candidate du RN.

Le Covid a laissé des traces

Traditionnellement, les députés médecins se retrouvent dans la commission des affaires sociales, à l’image de Jean-Pierre Door, vice-président lors de la précédente législature, ou Thomas Mesnier, qui en était le rapporteur général… mais ce n’est pas toujours le cas. En 2017, Michel Lauzzana et Éric Alauzet ont ainsi choisi de siéger dans la commission des finances, et Jean-Pierre Pont à la commission des lois – mais le député était également vice-président du groupe d’études sur la fin de vie. Anne Genetet siégeait à la commission des affaires étrangères. De son côté, Paul-André Colombani était membre de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, mais également membre des groupes d’études santé à l’école, santé et numérique, prévention santé et maladies rares notamment. Lors des cinq années précédentes, Christian Hutin, qui ne s’est pas représenté en 2022, a, lui, été membre de la commission des affaires étrangères, ainsi que président du groupe d’études sur l’amiante. Autant d’intérêts qu’il y a de médecins. Et lors de la crise sanitaire, une mission d’information sur la gestion et les conséquences de l’épidémie de Covid-19 était notamment composée des généralistes Julien Borowczyk (son président), Jean-Pierre Door, Anne Genetet, Jean-Pierre Pont, de la pharmacienne Agnès Firmin-Le Bodo et de la rhumatologue Stéphanie Rist. Ils ont rendu deux rapports, utilisés ensuite pour créer un débat autour de l’action de l’exécutif.

La gestion de crise du Covid et plus encore la politique vaccinale sont d’ailleurs encore un sujet pour les électeurs. « Lors de mes nombreux porte-à-porte, le sujet numéro un était la vaccination anti-Covid ! Les gens sont en colère contre ce qu’ils appellent l'“obligation vaccinale”, le passe sanitaire et la privation de liberté qu’il a engendrée. Ça laisse des traces : dorénavant, au-delà de ce que disent les scientifiques, nous allons devoir tenir compte de l’état d’esprit de la société », raconte le généraliste Éric Alauzet, élu dans la 2e circonscription du Doubs depuis 2012. Et pour lui, « le grand enjeu en santé de la prochaine législature, c’est le financement de la protection sociale et du cinquième risque, soit l’hébergement des personnes âgées en Ehpad ». Mais le député réélu sent bien que les citoyens sont impatients face à l’urgence de la problématique d’accès aux soins. « Les Français attendent qu’on règle leurs problèmes, comme la désertification médicale, l’engorgement des hôpitaux et les relations entre les libéraux et l’hôpital. Il y a des solutions, comme les CPTS pour mieux prendre en charge, mais cela dépendra des moyens financiers que nous aurons à notre disposition. » Faut-il plus de délégations de tâches ? Le praticien défend que « si les médecins surchargés peuvent être allégés et passer plus de temps avec leurs patients, c’est positif ! »

« Repenser la santé de façon globale »

Michel Lauzzana a lui aussi été réélu au sein de la majorité présidentielle. Généraliste, il exerce depuis 38 ans dans le même groupe médical en tant que remplaçant. Membre de la commission des finances lors de son précédent mandat, le Dr Lauzzana s’intéresse aux comptes publics et notamment au budget de la Sécurité sociale. Il était aussi coprésident du groupe d’études cancer et, dit-il avec malice, « j’espère le rester ». En sillonnant son département du Lot-et-Garonne, il dit s’être confronté à la même réalité que son confrère. « Dans ma circonscription, nous avons porté les problèmes de santé, notamment les déserts médicaux. Nous avons fait déjà beaucoup mais il reste des choses à changer, notamment pour les remplacements : il faudrait ne pas mettre de plancher pour les cotisations des retraités, par exemple. Je défends également les délégations de tâches. Il y a un tel besoin qu’il faut trouver des solutions rapides. »

Quid, donc, du rôle des députés qui siégeront à l’Assemblée : faut-il une nouvelle grande loi santé ? « La santé est à repenser de manière globale. Nous arrivons au bout du système antérieur. Je tiens au lien entre l’hôpital et la ville, que je ne juge pas assez prégnant. Je suis pour revaloriser les actes afin de retrouver une attractivité à l’activité libérale pour les jeunes, qui vont de plus en plus vers la médecine salariée. Personne ne l’a anticipé… Il faut les aider, leur permettre de se libérer de l’administratif, notamment. »

De son côté, Éric Alauzet soutient l’organisation d’une « grande concertation », appelée de ses vœux par le président de la République. Avant d’ajouter : « Nous avons besoin de renouveler le diagnostic. Tout le monde a des idées mais il y a beaucoup d’indicateurs à prendre en compte. En santé, il n’y a pas de bon traitement sans bon diagnostic ! »