Analyser le temps passé assis par le médecin
Il s’agissait de tester ce qui est désigné en anglais sous le terme « nudging », une intervention « coup de pouce » simple et facile à mettre en place. Dans le cas précis de Ruchita Lyer et al. (Dallas, États-Unis), l’objectif était de mettre à disposition des médecins une chaise dans la chambre des patients (soit à distance – et souvent rangée dans un placard, soit à moins d’un mètre du lit au chevet ou face au lit), d’analyser le temps passé assis et de mesurer le degré de satisfaction des patients.
51 praticiens en médecine interne ont participé à l’étude randomisée en double aveugle réalisant un total de 125 consultations au lit du patient (60 avec une chaise proche du lit, 65 témoins). Le critère de jugement principal était la décision de s’asseoir ou non à un moment de la consultation. Les patients habitants du Texas étaient âgés de 53 ans en moyenne, il s’agissait d’hommes en majorité (54 %) et près de 70 % étaient d’origine minoritaire (33 % d’hispaniques dont 18 % ne parlant qu’espagnol, 40 % d’Afro-Américains). Les pathologies les plus représentées étaient le diabète (51 %), l’insuffisance rénale chronique (37 %) et l’obésité (31 %).
Première information générale, 98 % des médecins toquaient à la porte de la chambre avant d’entrer et 69 % se présentaient systématiquement même s’ils connaissaient déjà le patient.
Au total, 38 des 60 consultations dans le bras expérimental ont été réalisées avec un temps « assis » contre cinq dans le bras comparateur (OR 20,7 IC 95 % : 7,2-59,5, p < 0,001). Autrement dit, il suffit de placer moins de deux fois une chaise en position proche du patient pour que le praticien s’y asseye. Du point de vue du patient (objectif secondaire de l’étude) être consulté par un médecin qui avait pris la peine de s’asseoir était associé à des scores de satisfaction et de communication bien plus importants, 5 % des patients ont même donné la note optimale au score de satisfaction de leur consultation. En revanche, le placement de la chaise n'était pas associé au temps passé dans la chambre (10,6 minutes pour le bras intervention contre 10,6 minutes dans le bras contrôle) ni à la perception du temps passé dans la chambre pour les médecins (9,4 minutes contre 9,8 minutes) ou les patients (13,1 minutes contre 13,5 minutes).
Une meilleure compréhension du patient
Le fait d’être assis n’a pas influé sur le fait de serrer la main aux patients (13 % contre 15 % pour les témoins, pour une étude réalisée en post-Covid) ni à la proposition d’inclure une personne de confiance à la consultation (25 %), mais il a été associé avec une explication un peu plus systématique du rôle du praticien dans les soins (52 contre 46 %). Les médecins « assis » ont aussi un peu plus souvent demandé au patient ce qu’il pensait de sa maladie et de son admission à l’hôpital (50 contre 45 %).
27 % des patients du bras intervention (assis) ont retenu le nom de leur médecin
Interrogés sur leur consultation 27 % des patients du bras intervention (assis) ont retenu le nom de leur médecin contre 22 % dans le bras témoin (non significatif). Par ailleurs, 83 % des malades dont le médecin s’était assis ont réussi à identifier leur motif d’admission à l’hôpital contre 76,2 % des contrôles (non significatif).
Pour les éditorialistes « cette intervention gratuite et facile peut influencer le comportement des médecins et améliorer l’expérience des patients ». Reste que les populations analysées étaient majoritairement issues de groupes ethniques minoritaires ce qui pourrait avoir influencé le résultat. C’est justement les attentes de ces groupes que les éditorialistes détaillent mettant par exemple en avant que les patients d’origine chinoise, du fait de l’histoire médicale de leur pays, souhaitent une position d’autorité du médecin ce qui est moins compatible avec la position assise que debout.
Lyer R, Park D, Kim J et al. Effect of chair placement on physicians’ behavior and patients’ satisfaction: randomized deception trial. BMJ 2023;383:e076309
Golden B, Gilmore-Bykovsyi A. “Nudging” clinicians to communicate more effectively with patients in hospital. BMJ 2023;383:p2678
Yan X; Li J. Better doctor-patient relationships start with the small things. BMJ 2023;383:p2935