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Dossier

Ces menaces qui émergent chez le quinquagénaire

Cinquante ans, l’âge de tous les dangers pour l’homme

Publié le 23/05/2014
Cinquante ans, l’âge de tous les dangers pour l’homme


Problèmes sexuels, cardiovasculaires, alcoolisme, cancers, dépression, l’homme arrivé à la cinquantaine est à risques sur le plan sanitaire et psychologique. D’autant que son rôle dans la société est aujourd’hui fortement remis en question, ce qui contribue à le déstabiliser. Un andrologue, une spécialiste du comportement et un psychanalyste analysent les particularités de cet homme fragile.

Après cinquante ans, un certain nombre de pathologies se déclarent chez l’homme. À commencer par le cancer. En tête, celui du poumon qui atteint 27 000 hommes par an et constitue la première cause de mortalité. Le cancer de la prostate, qui touche 40% des hommes ayant dépassé le milieu de vie, provoque le décès de 10 000 Français par an. C’est le deuxième « tueur » de l’homme. Le cancer colo-rectal concerne particulièrement cette tranche d’âge puisque sa fréquence augmente à partir de 45 ans. Il tue environ 9 000 hommes par an en France. C’est la troisième cause de mortalité masculine. Arrive ensuite le cancer de la vessie (9 500 cas par an chez l’homme) qui concerne habituellement les hommes de plus de 50 ans. Les maladies cardio-vasculaires ne sont pas en reste.

 

Le quinquagénaire est particulièrement touché par l’infarctus

En effet, dès 50 ans, la probabilité d’infarctus chez l’homme est fortement augmentée. On compte environ 37 000 hommes hospitalisés par an pour infarctus en France, l’âge moyen étant de 65 ans. L’alcoolisme se voit aussi fréquemment chez les quinquagénaires : c’est entre 45 et 54 ans que le total de la consommation quotidienne et hebdomadaire d’alcool est le plus élevé. Quant à la dysfonction érectile, elle concerne plus d’un quart des hommes au dessus de 50 ans. Enfin, la dépression touche particulièrement cette tranche d’âge, comme le rappelle l’enquête Anadep 2005 selon laquelle les hommes de 50 ans sont la classe de population la plus touchée par les épisodes dépressifs. Dans les faits, souligne toutefois le Dr Sylvain Mimoun (andrologue, hôpital Cochin, Paris) devant un symptôme dépressif de novo, chez un homme de 50 ans, il convient de se poser la question : « Est-ce biologique ou psychologique ? ». Autrement dit s’agit-il d’une hypoandrogénie, qui sera diagnostiquée par un dosage de testostérone biodisponible et traitée par une supplémentation hormonale, ou d’un réel état dépressif ?

L’image corporelle a changé, le statut social aussi

L’homme de 50 ans est, en effet soumis, à plusieurs contraintes qui peuvent l’entraîner vers la dépression, pointe Elisabeth Tissier-Desbordes (professeur à l’Ecole Supérieure de Commerce de Paris et spécialiste du comportement). Et d’abord à cause du décalage entre l’image que le quinquagénaire a de lui et celle que la société lui renvoie. « Selon les normes sociales actuelles l’homme dans la cinquantaine doit être mince, en bonne santé, en bonne condition physique. L’image du bon vivant un peu bedonnant, un cigare à la main, un verre de vin dans l’autre appartient au passé. » Et si son image corporelle a changé, son statut a également été bouleversé au sein de la famille. L’homme est beaucoup plus « challengé » qu’autrefois par le métier de sa femme et par la nouvelle répartition des rôles.

Cette remise en question implique une négociation fréquente, un déséquilibre constant du couple, et, donc une fragilité. D’autant que l’autorité du père n’est plus naturelle : le dialogue avec les enfants est aujourd’hui valorisé. D’où un certain effort à fournir pour faire valoir son point de vue. « Cela dit, nuance Elisabeth Tissier-Desbordes, cette nouvelle vulnérabilité de l’homme peut aussi être, pour certains, un soulagement. Ne plus être obligé d’être un dieu dans sa famille peut avoir un coté apaisant. »

Dans l’entreprise, l’absence de stress n’est pas non plus au programme. Le travail est rare. Et la perspective de le perdre toujours présente. De plus, l’homme de cinquante ans y prend souvent « un coup de vieux » du fait de ses jeunes collègues de la génération « alpha ». Celle qui est née avec le numérique et en maîtrise les outils à la perfection.

Un âge charnière

Le fait de se situer à un âge charnière peut aussi angoisser, voire déprimer. « Aujourd’hui, un homme de 50 ans est arrivé à la moitié de sa vie en tout cas symboliquement, explique le psychanalyste Jean- Pierre Winter (Paris), alors qu’il y a une trentaine d’années, on disait cela des hommes de quarante ans. ». Ainsi, dans nos représentations inconscientes, « jusqu’à 50 ans, l’homme est sur une pente ascendante, et après, il stagne ou il redescend » comme le montre bien la phrase, un peu ridicule, du publicitaire Jaques Séguéla sur l’ardente obligation d’avoir une Rolex à cinquante ans sous peine d’avoir manqué sa vie.

C’est vrai aussi pour la libido, complète Jean-Pierre Winter. A cinquante ans, on se pose des questions : « Ai-je consacré suffisamment de temps à aimer, à désirer ? Ai-je fait le nombre d’enfants que je voulais ? » Et les quinquagénaires peuvent y répondre en tournant une page du livre de leur vie et en divorçant pour retrouver une nouvelle jeunesse. Ou en cédant sur leur désir, en se résignant, ce repli engendrant souvent un état dépressif. Il arrive alors que ce soit leurs femmes qui, ne les supportant plus dans cette attitude négative, demandent le divorce.

On constate parfois, ajoute Jean-Pierre Winter, dans certains milieux (ouvriers, paysans, employés), un déplacement de la libido sur une addiction. Un alcoolisme peut ainsi se déclarer à la cinquantaine. Des hommes peuvent se mettre à fréquenter les prostituées de manière un peu addictive « avec la culpabilité délicieuse de dépenser l’argent du ménage ».

La cinquantaine, c’est aussi l’âge où, selon Jean Pierre Winter, « on sort de l’ambivalence vis-à-vis de son conjoint pour entrer soit dans l’amour, soit dans la haine, comme dans les films Amour de Michael Haneke ou Le Chat de Pierre Granier-Deferre. » En effet, la culpabilité de haïr parfois ceux que l’on aime devient, avec le temps, difficile à supporter.

« Retrouver la voie droite »

C’est l’âge enfin, parfois, de la réorientation professionnelle. Jean-Pierre Winter cite « L’Enfer » de Dante : « Au milieu de ma vie, je me trouvais dans une forêt obscure, ayant perdu la voie droite ». Il arrive qu’un homme de 50 ans se demande s’il ne s’est pas fourvoyé dans le choix de sa profession et on voit, par exemple, des médecins embrasser une carrière politique qui les fascine depuis longtemps. « C’est qu’à la cinquantaine, pour reprendre l’expression de Dante, il y a encore un espoir de retrouver la voie droite. Après, ce sera trop tard », conclut Jean-Pierre Winter. D’où, parfois, un fort sentiment d’urgence qui saisit l’homme de 50 ans. Avec un potentiel d’angoisse non négligeable...