Ils ont de nombreuses raisons d’avoir le cafard : charge de travail croissante, gel tarifaire, passage de leur internat à quatre ans ou encore spectre de mesures coercitives pèsent sur le moral des médecins de demain.
Et pourtant : plusieurs jeunes généralistes ont démontré, lors du dernier congrès de la médecine générale (CMGF, lire aussi page 31), qu’il existait des perspectives encourageantes pour leur spécialité. « La féminisation du corps médical pourrait être un levier de recomposition professionnelle », soutient d'abord le Dr Serge Covaci, chef de clinique à Strasbourg, qui a présenté les résultats de sa thèse sur le sujet. « La féminisation peut être un moment historique où les femmes s’affranchiront du contrat de genre, aidées par l’accession de femmes aux positions de pouvoir et de prestige professionnels », affirme le jeune généraliste, qui s’appuie sur le travail des sociologues Nathalie Lapeyre et Nicky Le Feuvre. En passe d’être majoritaires dans le corps médical, les femmes pourraient aussi modifier le rapport des médecins au temps. « La durée de consultation d’une femme médecin est d’environ 15 % plus importante que celle d’un homme », observe le Dr Covaci, ce qui pourrait traduire davantage d’écoute et d’empathie.
Forfait mensuel par typologie de patients
On le sait, la jeune génération se démarque clairement du modèle ancien du généraliste exerçant en solo 60 heures par semaine et défend de nouvelles organisations pluripro. Le Dr Nicolas de Chanaud est médecin généraliste à Paris au sein d’Ipso Santé, réseau de cabinets de soins primaires lancé en 2015 à Paris, Lyon, Versailles et Marseille, avec des médecins, infirmiers, sages-femmes mais aussi des assistants médicaux, des développeurs informatiques et des ingénieurs, pour améliorer l’organisation des soins. « Notre objectif est de répondre aux défis actuels et de proposer des soins de qualité pour tous, en secteur 1 », explique-t-il. Pour relever le défi, Ipso Santé s’est lancé il y a deux ans dans le programme « Médecin traitant renforcé » dans le cadre des expérimentations innovantes de l’article 51. « Nous essayons de sortir du financement du médecin traitant majoritairement à l’acte en finançant les prises en charge complexes avec un forfait mensuel par typologie de patients pour des missions de suivi, détaille Simon Champetier, coordinateur du programme. Un financement complémentaire permet d’actionner des soins actuellement non remboursés par l’assurance maladie. »
L’approche préventive systématisée, intégrée dans leur logiciel métier, permet aux médecins de savoir instantanément où ils en sont sur 26 items pour chacun de leurs patients, indique le Dr Nicolas de Chanaud. Les résultats sont prometteurs avec un meilleur suivi des indicateurs pour les patients intégrés au programme et une hausse de la file active des médecins à hauteur de 1 200 à 1 300 patients par an, pour 35 heures de consultations par semaine. S’il est un peu tôt pour tirer des conclusions définitives, cette organisation permettrait une rémunération supérieure de 15 à 20 % sur le même périmètre de patients avec une part de forfaits qui représente environ 75 % de la rémunération totale (contre seulement 15 % en moyenne pour la profession aujourd’hui).
Les visites toujours vivaces
Alors que la population vieillit, les jeunes généralistes ne conçoivent pas d’abandonner complètement les visites à domicile, même si la pratique a décliné. C’est ce que révèle du moins la thèse de la Dr Laura Sok, récemment soutenue à l’Université Paris-Cité sur les besoins de formation des internes à la visite à domicile en stage ambulatoire en soins primaires autonomie supervisée (Saspas), étude qualitative basée sur des entretiens avec 19 internes. « Ce travail montre l’importance d’intégrer l’organisation de la visite dans notre formation, avance la jeune généraliste. Nous allons devoir prendre en charge des patients de plus en plus complexes à leur domicile et il sera important de mieux maîtriser les outils de coordination de soins ».