Ce mardi 21 juillet, Olivier Véran a donné le clap de fin du Ségur de la santé après sept semaines de réflexions, plus de cent réunions et un rapport qui lui a été remis par Nicole Notat. Au-delà des accords salariaux signés la semaine dernière à Matignon, le ministre a retenu 33 propositions de transformation du système de santé et donne le cap de son action pour les 600 jours qui lui restent au gouvernement. Si ses annonces ont dans l'ensemble satisfait le secteur hospitalier, pour les libéraux le compte n'y est pas.
L'hôpital entre enthousiasme et « grande déception »
Les mesures proposées « sont de nature à faire enfin bouger les lignes », a salué Frédéric Valletoux, le président de la Fédération hospitalière de France (FHF). Le responsable s'enthousiasme notamment de la révision annoncée de l'ONDAM, de la « débureaucratisation » des institutions de la gouvernance et de la confiance accordée aux acteurs de terrain. Le maire de Fontainebleau se dit toutefois « vigilant » quant à l'application effective de ces mesures, notamment la réouverture de 4 000 « lits à la demande » pour lesquels il rappelle que du personnel supplémentaire sera nécessaire.
Son homologue de la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP) Lamine Gharbi a pour sa part applaudit « une nouvelle dynamique pour le monde de la santé ». Il se félicite spécialement de la somme d'1,4 milliard d'euros d'investissement fléchée vers le numérique et à même selon lui de « considérablement alléger le quotidien des soignants et fluidifier le parcours de santé ».
La Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne privés non lucratifs (FEHAP) partage aussi ce constat positif. Seul bémol pour sa présidente Marie-Sophie Desaulle, « les professionnels du soin et de l’accompagnement des secteurs du handicap et du domicile sont, une fois de plus, les grands oubliés de ces mesures ».
Mobilisé bien avant la crise épidémique et partie prenante du Ségur de la santé, le collectif inter-hôpitaux (CIH) juge les 33 propositions « intéressantes », mais appelle le ministre à préciser leur mise en œuvre. Il se dit lui aussi « vigilant » et demande à être associé au comité de suivi bientôt mis en place. À l’inverse, les soignants du collectif inter-urgences (CIU) jugent sévèrement les conclusions du Ségur et dénoncent un « recyclage des vieilles mesures ». « La plupart des items était déjà dans les tuyaux à la suite de Ma Santé 2022 ou du pacte de refondation des urgences », écrit le collectif dans un communiqué. Ses membres prévoient une assemblée générale à la rentrée pour envisager les suites à donner à leur mobilisation qui dure depuis mars 2019.
« La montagne accouche d'une souris », estime quant à elle la Fédération de la santé et de l'action sociale CGT. « Les salariés de l'hôpital vont travailler plus, il n'y a aucune visibilité sur le recrutement des personnels et la réouverture de 4 000 lits annoncée ne compense pas les fermetures depuis le début du quinquennat, se désole Mireille Stivala, secrétaire générale du syndicat, c'est une grande déception. »
Pour les praticiens hospitaliers, les annonces d'Olivier Véran vont dans le bon sens. « C'est un pas qu'il faut reconnaître mais il faut continuer le chemin », prévient Jacques Trévidic, président de l'intersyndicale Action praticiens hôpital (APH). Le pharmacien hospitalier de Caudan (Morbihan) regrette toutefois l'absence de mesure sur le décompte du temps de travail et des propositions concrètes pour réduire la part de tarification à l'activité (T2A) dans le financement des établissements.
Son homologue de l'Intersyndicat national des praticiens hospitaliers (INPH), la Dr Rachel Bocher, ne cache pas sa joie. « Ça fait longtemps qu'on n'a pas eu un ministre aussi volontaire, ça fait du bien », se réjouit la psychiatre nantaise qui attend désormais des précisions quant au calendrier et au financement précis des différentes mesures annoncées.
Les libéraux veulent du concret
Chez les libéraux, le bilan est plus contrasté. Les centrales syndicales (CSMF, MG France et SML) ont salué l'ouverture des négociations conventionnelles sur la télémédecine, l'extension de la ROSP à d'autres spécialités et l'exercice coordonné ainsi que la mise en route des expérimentations du service d'accès aux soins (SAS), mais restent sur leur faim.
Elles regrettent surtout l'absence d'une enveloppe financière dédiée aux soins de ville. La CSMF ne mâche pas ses mots. « Clap de fin pour le Ségur de l'hôpital, réagit la centrale. (...) Rien de concret, contrairement à l’hôpital public, si ce n’est l’ouverture de négociations conventionnelles devant aboutir d’ici fin 2020 ! Là où il a fallu quelques jours pour dégager plusieurs milliards d’euros pour soutenir les personnels hospitaliers, la médecine de ville est renvoyée à la fin de l’année, sans aucune orientation sur les moyens. »
Même constat chez MG France qui attend un geste important lors des futures négociations conventionnelles. « Les médecins généralistes ne comprendraient pas que le secteur ambulatoire ne bénéficie pas d’un investissement du même ordre, signal d'une volonté de transformation profonde du système de santé », note son président, le Dr Jacques Battistoni, dans un communiqué.
Au syndicat des médecins libéraux (SML), une clarification du financement est également demandée : « les chiffres sont des repères nécessaires pour accompagner les gestes et attester de la réalité de la volonté politique ». Il demande déjà des garanties à l'État, pour que la rémunération des libéraux dans le cadre des expérimentations du SAS ne passe pas par l'hôpital.
Dans un communiqué, l'UFML tacle sévèrement les mesures retenues par Olivier Véran qui « entérinent une médecine libérale affaiblie et dépouillée de nombre de ses actes par les plateformes commerciales de téléconsultation et les IPA généralistes » et mettent les libéraux sous « tutelle des groupements hospitaliers de territoire qui disposeront de l'enveloppe pour les rétribuer ».