Article réservé aux abonnés
Dossier

29e congrès du CNCF

Coup de jeune sur les valvulopathies

Publié le 10/11/2017
Coup de jeune sur les valvulopathies

TAVI
Edwards Lifesciences

Longtemps cantonné à la chirurgie et aux AVK, le traitement des valvulopathies se modernise, comme en témoignent les nombreuses communications qui leur étaient dédiées lors du congrès du Collège national des cardiologues français. Avec l’avènement des techniques percutanées, ces pathologies rentrent de plain-pied dans l’ère de la cardiologie interventionnelle, tout en lorgnant de plus en plus du côté des AOD.

La roue tourne toujours en cardiologie… Alors que pendant longtemps la maladie coronaire a tenu le haut du pavé dans les congrès, depuis peu les valvulopathies tendent à leur voler la vedette, boostées par le développement des techniques de remplacement valvulaire percutanées. Le récent congrès du Collège national des cardiologues français, (CNCF, Lille 19 au 21 octobre) n’a pas fait exception, avec plusieurs communications dédiées au TAVI (Transcatheter Aortic Valve Implantation) et toute une session sur les nouvelles recommandations européennes sur les valvulopathies.

De nouvelles recos dédiées

Publiées cet été par l’ESC, ces nouvelles guidelines officialisent la progression inexorable du TAVI dans le rétrécissement aortique calcifié (RAC) en élargissant ses indications à des patients plus jeunes et à moindre risque chirurgical.

Tenté pour la première fois en 2002 par le Pr Alain Cribier (Rouen), le TAVI consiste à poser une valve aortique biologique par voie vasculaire (fémorale aortique ou carotidienne), via un cathéter dans lequel le matériel est replié. La nouvelle valve est montée sur un stent qui vient s’écraser sur l’ancienne. Par rapport au remplacement chirurgical, l’intervention est allégée (anesthésie locale pour l’abord transfémoral ; guidage uniquement fluoroscopique sans échographie transœsophagienne ; pas de voie centrale ni de sonde urinaire) et permet un retour précoce (en 3 à 5 jours) des patients à domicile dans environ 2/3 des cas.

TAVI, des indications de plus en plus larges...

Des avantages qui expliquent le succès rencontré par cette méthode initialement proposée à seul titre compassionnel à des sujets sévères inopérables. En 2012 et 2014, la technique a été officiellement reconnue par les recos européennes, puis américaines, comme une alternative à la chirurgie pour le traitement des RAC symptomatiques chez des patients non opérables ou à haut risque chirurgical, suite notamment aux résultats de l’étude Partner 1. Cette étude mettait en évidence une augmentation du taux de survie de 20 % à 1 an, par rapport au traitement médical pour les patients inopérables et établissait la non-infériorité du TAVI par rapport à la prise en charge chirurgicale chez les patients à haut risque en termes de mortalité de toute cause et de réhospitalisation à un an.

Les résultats des études Partner 2A et Surtavi, publiées en 2016 et 2017, ont encore changé la donne en montrant la non-infériorité à deux ans (mortalité et AVC) du TAVI par rapport à la chirurgie chez les patients à risque intermédiaire. Dans Partner 2, le TAVI était même supérieur sur le critère de jugement principal à un an (décès, AVC ou insuffisance aortique moyenne) avec la valve Sapien 3.

Au vu de ces résultats, les guidelines américaines ont ouvert la porte il y a quelques mois à l’utilisation du TAVI chez des patients à moindre risque dits « à risque intermédiaire ». Les dernières recommandations européennes vont dans le même sens, en distinguant les patients à faible risque chirurgical (<4% selon le score Euroscore 2) chez qui le TAVI reste contre-indiqué et des patients « non à faible risque » (mais pas forcément à haut risque) chez qui il peut être envisagé. Les auteurs proposent toute une liste de critères qui doivent faire pencher la balance plutôt dans le sens de la chirurgie (sténose sévère mais asymptomatique, particularités anatomiques de la valvulopathie, IM ou coronaropathies associées nécessitant une intervention concomitante, etc.) ou au contraire dans le sens du TAVI (comorbidités sévères, fragilité, antécédent de chirurgie cardiaque, mobilité restreinte âge > 75 ans, etc.). « Ce qui est frappant dans ces recommandations, c’est l’âge de 75 ans à partir duquel le TAVI peut désormais être proposé. C’est jeune ! commente le Dr Marie-Christine Malergue (Paris). On est en train de baisser les critères d’accès au TAVI et on ne sait pas où tout ça va s’arrêter. »

Des essais randomisés sont déjà en cours chez des patients à faible risque chirurgical. « Mais pour le moment, le faible risque et les sténoses asymptomatiques sévères restent une indication chirurgicale car on ne connaît toujours pas le devenir à long terme des bioprothèses valvulaires type TAVI, insiste le Dr Sylvestre Maréchaux (Lille). Or, si l’on baisse l’âge et le niveau de risque des patients pouvant en bénéficier, cette question devient essentielle. »

… mais encore peu de recul

Pour les bioprothèses chirurgicales, la durée de vie est d’environ 15 ans. D’un point de vue théorique, la longévité des valves posées par TAVI pourrait être différente, certaines de leurs spécificités pouvant jouer en leur défaveur.

Ainsi, « les stents sur lesquels sont fixées les valves sont plus rigides que ceux des bioprothèses chirurgicales et jouent donc un moindre rôle d’amortisseur, d’où un stress mécanique plus important sur les valvules », illustre le Dr Martine Gilard (Brest). Autre exemple, pour pouvoir être implantées par cathéter, les valves de TAVI sont comprimées, ce qui peut être délétère, notamment vis-à-vis du principe actif apposé sur les valvules pour les protéger de la calcification.

Malgré ces réserves théoriques, les données à cinq ans actuellement disponibles (registres nationaux et suivi à distance de l’étude Partner 1) sont plutôt rassurantes, avec à ce stade une durabilité au moins équivalente à celle des bioprothèses chirurgicales. 

Autre bémol : pour des raisons anatomiques (passage du faisceau de His et de sa branche gauche en superficie dans le septum membraneux sur lequel la valve peut venir s’appuyer), les troubles de la conduction post-TAVI sont relativement fréquents. Avec essentiellement des blocs de branche gauche et des BAV complets, qui vont nécessiter l’implantation d’un pacemaker dans 4 à 35 % des cas, selon le type de valves et l’expérience de l’opérateur. Actuellement, « le pacemaker est la complication la plus fréquente du TAVI et son incidence semble augmenter », souligne le Dr Charles Guenancia (Dijon). Avec à la clef une moins bonne récupération de la fonction VG, des morts subites plus fréquentes et un impact sur la mortalité qui reste à préciser.

En dehors de ces deux écueils, « la plupart des problèmes observés initialement avec les valves de première génération (fuite paravalvulaire, risque de rupture de l’anneau, AVC, etc.) ont été progressivement résolus », indique le Dr Thierry Lefèvre (Massy).

La mitrale, nouveau défi de la cardio interventionnelleAvec du retard, la valve mitrale se met aussi à l’interventionnel, avec le développement prudent de techniques de réparation mitrale percutanée (Mitraclip). Cette intervention consiste à poser un clip qui réunit les feuillets de la valve mitrale afin de corriger le défaut de fermeture. Encore en cours d’évaluation, elle est réservée dans les recommandations européennes aux malades inopérables ou à faible risque opératoire, présentant une IM sévère symptomatique.
 

Les AOD mettent le pied dans la porte

Côté anticoagulation, les choses bougent également dans les valvulopathies. Alors que pendant longtemps, les AOD ont été exclus du champ des pathologies valvulaires, les nouvelles recommandations leur ouvrent la porte, mais dans certaines situations uniquement.

Pour les valves mécaniques, qui nécessitent un traitement anticoagulant à vie, les AVK restent la règle et les AOD demeurent contre-indiqués « suite aux résultats catastrophiques de l’étude Re-Align avec le dabigatran », rappelle le Dr David Attias (Saint-Denis).

En revanche, pour les bioprothèses qui nécessitent une anticoagulation au long cours du fait d’une FA associée (environ 26 % des cas), les nouvelles guidelines autorisent désormais le recours aux AOD à partir du 3e mois post-op (en relais des AVK) en cas de RA, d’IM ou d’IA. Ils restent par contre contre-indiqués en cas de FA avec sténose mitrale, cette situation correspondant désormais, avec la FA sur prothèse mécanique, à la nouvelle définition de la FA valvulaire.

En post-TAVI, « les grandes études devraient probablement donner une grande place aux AOD », estime le Dr Thomas Hovasse (Massy). Actuellement, une bithérapie antiagrégante de 6 mois (ou monothérapie en risque hémorragique important) est préconisée, mais les choses pourraient être amenées à bouger. En effet, plusieurs auteurs suggèrent que les thromboses post-TAVI pourraient être davantage liées l’activation de la thrombine après la pose de la prothèse qu’à une interaction plaquette-stent « ce qui justifierait plutôt une anticoagulation qu’un traitement par antiagrégants ».

Deux études majeures comparant l’association AOD + petites doses d’aspirine et bithérapie antiagrégante en post-TAVI sont en cours avec le rivaroxaban (étude Galiléo) et l’apixaban (Atlantis). « On devrait avoir des réponses dès 2018 », espère le Dr.