La 4e année d’internat en médecine générale est actée depuis fin 2022. La loi n° 2022-1616 du 23 décembre a mis sur les rails cette majoration du nombre d’années d’études pour le futur médecin généraliste. Depuis 2022 peu de dispositions concrètes ont été prises pour donner un canevas à cette année supplémentaire que les nouveaux internes en médecine générale ont accepté lors de leur choix en fin de 6e année, cela sans connaître totalement le contenu.
Après la période « d’allégresse » exprimée ouvertement par certaines élites suite à la promulgation de cette loi, une prise de conscience a mobilisé de nombreux acteurs de la vie politique, mais aussi du landerneau médical. Il a fallu plusieurs années, mais surtout l’approche de la date butoir avant que les internes concernés par cette réforme ne soient avalés par cette nouvelle sauce, pour que des réactions diverses puissent s’exprimer.
D’ailleurs le Quotidien du médecin, dans différents articles de son site internet et de sa publication hebdomadaire, a su prendre en compte les propos de différents acteurs qui s’impliquent dans cette réforme.
Le front du refus
Tout d’abord l’ancien doyen de Lille a exprimé son désaccord vis-à-vis de cette 4e année qu’il juge tout à fait inutile. En parallèle un député a très récemment émis l’idée de raccourcir les études médicales, cela pour que des praticiens soient sur le terrain plutôt que d’user le fond de leur culotte sur les bancs des amphithéâtres. De nombreux édiles ne comprennent pas également le but de cette réforme qui va allonger les études médicales, et de ce fait retarder d’autant plus les installations de médecins libéraux.
Très régulièrement nous voyons que de nombreuses cités parfois très peuplées manquent cruellement de médecins, et les médias mettent en évidence inexorablement le sort vécu parfois de manière très difficile de patients qui n’ont plus de médecin traitant (certains tentent de se faire accepter par certains confrères en pure perte car ces collègues refusent tout nouveau patient). Cette semaine notre journal local a pointé du doigt le fait que 10 % de la population des Pyrénées Orientales n’avait pas de médecin traitant. Tout aussi difficile à concevoir, toujours dans ce même quotidien, c’est le fait qu’un maire d’une bourgade de plus de 4 000 habitants mette en avant son désarroi du fait de l’absence de praticien dans sa cité.
Il est certain que la mayonnaise ne cesse de monter concernant le manque criant de professionnels de santé, et il est difficile dans ce cas de rester insensible en tant que médecin à cette situation. Par voie de conséquence des réactions épidermiques concernant l’application de cette réforme de l’internat en médecine générale sont à prévoir. Certains partis politiques vont monter au créneau pour dénoncer cette situation qu’ils jugent inadaptée du fait d’une pénurie criante de soignants.
Un questionnement très pragmatique de la part des universitaires enseignants, et des étudiants
Ce qui est très surprenant est la prise de position des responsables universitaires. Ces derniers très volontaires dans la mise en place de cette réforme au départ du fait d’une valorisation de leur fonction, se demandent actuellement de quelle manière les étudiants pourront être pris en charge par les maîtres de stage universitaire (MSU). Ils ont très bien compris que les places de stage offertes aux étudiants de 4e année ne seront pas uniquement des places en milieu libéral du fait d’un manque de zones de stages offertes à ces jeunes.
Les pouvoirs publics ont trouvé la possibilité de pallier le manque d’effectif en milieu hospitalier
Les pouvoirs publics se frottent les mains, et ont trouvé avec cette nouvelle donne la possibilité de pallier le manque d’effectif en milieu hospitalier. D’ailleurs certains énarques n’ont pas de scrupules à ressortir un argumentaire qui est très irritant pour notre profession : « Il est naturel que les étudiants en médecine qui ont profité de largesses financières des contribuables remboursent de cette manière les contribuables ». Au-delà de ces propos inappropriés (les étudiants durant les trois années d’internat en étant rémunérés de manière ridicule ont déjà largement remboursé la collectivité), nous devons avoir une réflexion pour savoir si la place du médecin généraliste doit être hospitalo-centrée.
Les syndicats étudiants ont également un questionnement tout à fait logique en ce qui concerne cette réforme. En effet sur quelle base le choix d’envoyer en milieu hospitalier sera effectué parmi ces étudiants en fin de parcours ? Quid de la discrimination financière entre les deux catégories d’étudiants : ceux qui seront au CH ou CHU, et ceux qui vont travailler dans des cabinets libéraux. D’ailleurs comment seront répartis ces futurs confrères au sein des cabinets médicaux des MSU ? S’agira-t-il réellement de places de stage dans des zones où la pénurie en professionnel de santé sera effective ?
De plus un autre point doit être débattu : celui de la rétrocession des honoraires de ces 4e années. Il semble, à mon avis, tout à fait inconvenant que les étudiants ne touchent que 30 à 40 % des consultations effectuées.
Du respect pour les futurs confrères
En acceptant cette réforme les futurs confrères doivent être respectés, et on doit leur donner une rémunération plus juste compte tenu de leur travail. Les universitaires et politiques de tout poil ont souhaité cette réforme qui ajoute une année supplémentaire à des étudiants déjà très éprouvés par un cursus de plus en plus difficile et stressant du fait d’examens classant. Or en pratique on ne sait toujours pas depuis la fin 2022, date de la promulgation de la loi sur cette réforme, de quelle manière cette 4e année sera articulée. Cet important retard à l’allumage me semble très surprenant, tout comme d’ailleurs la mobilisation peu importante des étudiants vis-à-vis d’une réforme qui sera à coup sûr sujet à polémiques. Néanmoins il est possible qu’un front de refus de la part de ces jeunes étudiants devienne effectif dans les mois qui vont venir.
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