Il fut un temps pas si lointain durant lequel les médecins libéraux n’avaient que leur Ordre pour les représenter. Point de syndicat. À la lecture d’un bulletin de l’Ordre trouvé par hasard, j’ai été consterné d’y lire des mots « de médecins » dans plusieurs chapitres qui épousent à la lettre près la majorité des pensées et des discours censés permettre d’administrer pour le bien collectif la santé d’aujourd’hui et de demain. (...) Ces textes pourraient trouver leur place sur Twitter ou Linkedin ou être lus par la caisse d’assurance-maladie en pleine réunion de négociation conventionnelle afin de convaincre certains syndicalistes favorables à l’idée un ordre nouveau basé sur les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), par exemple.
Des outils tracassiers et méprisants
Ainsi, à l’exemple des médecins très responsables de cette époque, le santé-gauchisme d’aujourd’hui qu’incarne désormais la toute puissante « assurance-maladie », rêve lui aussi de créer un ordre nouveau pour organiser la médecine collective avec tout son panel d’outils tracassiers et méprisants.
Ces outils sont :
- Les CPTS populationnelles, stakhanovistes et consuméristes de soins par essence, histoire de faire disparaître du vocabulaire médical le mot patientèle, synonyme d’une juste relation médecin-malade, libre et choisie. Si une organisation structurée s’impose à tous comme une évidente nécessité, commençons par organiser celle entre l’hôpital et la ville, totalement déstructurée.
- La délégation de tâches, si chère à nos décideurs, censée résoudre le problème de la désertification médicale. Hormis le fait de vouloir diviser pour mieux régner en déchirant la chemise de Pierre - le généraliste passé - pour habiller le petit Paul - le généraliste d’aujourd’hui - la délégation des actes médicaux ne fait que les multiplier en les saucissonnant. L’amélioration de la santé reste à prouver. (...)
- Sans oublier l’excellente idée de faire travailler nos jeunes médecins comme des bénévoles au détriment de leur santé morale et physique ou de vouloir toujours supprimer la liberté d’installation. L’esclavage moderne serait-il la seule réponse au faible coût des études de médecine ?
- La volonté de vouloir toujours stigmatiser les médecins à honoraires libres, de la même façon que ces « étrangers » de l’époque passée, en faisant tout pour que leurs patients les quittent ou qu’ils disparaissent du paysage médical français. Pour ce faire, l’assurance-maladie, sous la houlette des deux derniers gouvernements a biffé d’un coup de crayon l’esprit d’universalité de la sécurité sociale en différenciant depuis 2016 les remboursements des assurés sociaux selon le secteur d’exercice du médecin. (...) Depuis 2016, l’appellation « médecin conventionné à honoraires libres » devient « médecin à honoraires différents », histoire de les rendre responsables de tout. Or cette modification sémantique est une insulte à leur action citoyenne qui consiste encore à ce jour à limiter le déficit abyssal de l’Assurance maladie en acceptant de prendre à leur compte leurs charges d’exercice (URSSAF et ASV retraite), en échange de cette liberté d’honoraires. Il est d’ailleurs évident que la suppression du secteur à honoraires libres pour les généralistes a porté un coup mortel à l’installation libérale des jeunes généralistes. (...)
Il est curieux de constater que l’Assurance-maladie met toujours autant de conditions pour payer directement ses médecins, comme c’était déjà apparemment le cas sous Vichy. Peut-on croire que notre démocratie n’ait pas d’autres penseurs qui puissent inventer un système de soins à la hauteur des ambitions de la France et de ses valeurs - Liberté, Égalité, Fraternité - sans tomber dans les travers de notre Histoire la plus sombre ? À vous, nos présidents responsables de l’Assurance-maladie, syndicats, politiques… de relever le défi, sachant les limites qu’il n’est plus tolérable de franchir.
Exergue : La suppression du secteur à honoraires libres pour les généralistes a porté un coup mortel à l’installation libérale des jeunes.
Il est parfois utile de prendre de la hauteur avant de parler des médecins généralistes
La coûteuse organisation de la santé paralyse les soins
Régulation de l’installation : une fausse bonne idée
Aptitude physique