C’est avec beaucoup d’intérêt que j’ai lu l’article concernant notre confrère Martial Jardel. Après avoir suivi un cursus très atypique en ce qui concerne ses études (redoublements, et passerelle), nous avons pu découvrir ce truculent collègue à bord de son camping-car sillonnant la campagne française. Ce dernier mettait en évidence la réalité des déserts médicaux dans notre pays, et au passage ses interventions ont été largement médiatisées.
Oui la France « profonde » souffre d’un manque cruel de praticiens dans certaines zones, et cette situation ne peut que nous émouvoir. Cependant l’article de très bonne facture du Quotidien n’est pas uniquement un plaidoyer en faveur de l’action de notre confrère qui œuvre à la mise en place de cabinets médicaux en zone déficitaire par le truchement d’une association Médecins Solidaires. En fait certaines critiques acerbes ont été formulées par un leader syndical qui ne trouve pas l’action de Martial très satisfaisante. À la lumière de ces informations, j’ai longuement réfléchi pour avoir ma propre opinion sur l’association Médecins Solidaires.
Des points positifs
Être dans une opposition farouche vis-à-vis de l’action d’une personne active, et visiblement humaniste reste à mon sens peu constructif. Une frange de la population est actuellement en mal de soins, et donner de l’espoir, même s’il s’agit d’un saupoudrage ponctuel (et en espérant sur un court ou moyen terme), est une action très louable.
La création de ces cabinets nous montre avant tout que la France n’est pas une société aussi individualiste que nous pourrions le penser
De plus cet exemple met en avant l’humanisme de certains médecins qui n’ont pas hésité à se déplacer pour donner un coup de main dans ces structures. Je félicite particulièrement les praticiens retraités qui donnent de leur temps, et mettent en avant le fait qu’ils peuvent encore être utiles à la société. La création de ces cabinets nous montre avant tout que la France n’est pas une société aussi individualiste que nous pourrions le penser. Certains soignants ont la volonté de venir en aide à nos concitoyens car ils ont un sens des valeurs très développé, et cette démarche doit être saluée.
Le regard que nous pouvons porter sur cet investissement ne doit pas être le même en ce qui concerne nos jeunes collègues. Ces derniers, même s’ils se sentent utiles dans cette association, ont un plus grand potentiel de travail que les aînés retraités. À ce titre il me semble qu’ils sont plus utiles dans un centre médical où ils effectuent un travail régulier avec des patients chroniques. De ce fait il me semble nécessaire de favoriser leur sédentarisation dans un lieu où ils peuvent s’épanouir, et prodiguer des soins de qualité.
Ce concept d’aller au-devant des patients qui ont des difficultés de trouver un praticien est une réalité qui chagrine de nombreux professionnels de santé. Certains soignants, peu médiatisés d’ailleurs, acceptent temporairement de pallier ce manque, cela même si leur charge de travail est conséquente.
Un autre point positif est l’éventuelle camaraderie favorisée par cette action qui permet également de partager sa propre philosophie concernant la société.
Des points négatifs
Le confrère syndiqué critiquait le fait que développer un tel type de système de soins est très onéreux. Il a souligné la nécessaire participation des conseils généraux, des ARS, et des municipalités pour boucler les budgets (par ailleurs il serait intéressant de connaître la ventilation des aides attribuées). Cela nous montre que les honoraires d’un praticien ne permettent pas de couvrir les frais de fonctionnement des structures qui les accueillent.
Ce qui peut être critiquable (mais je n’en ai pas la preuve), c’est le coût engendré par les coordonnateurs et le personnel satellite qui travaille pour assurer le bon fonctionnement de ces structures. Comme j’ai pu le voir dans différents congrès, Médecins Solidaires a pignon sur rue et tient des stands avec des hôtesses d’accueils qui ne sont pas à mon avis des bénévoles (le Dr Jardel également je le pense).
Par ailleurs nous ne devons pas perdre de vue que nous vivons une époque très difficile où il va falloir faire des coupes franches au niveau budgétaire. Je ne sais pas si les pouvoirs publics n’auraient pas pour rôle de se pencher sur la pérennisation ou non de tels financements, et réfléchir pour avoir des idées sur des manières d’attirer les jeunes confrères dans ces zones.
En ce qui concerne la rémunération des collègues il ne faut pas qu’elle soit ridicule (ils sont d’après le Quotidien rétribués 200 €/jour, et à titre d’exemple un médecin régulateur au SAMU est payé 100 € l’heure).
Il est important pour des patients ayant des pathologies complexes ou graves d’avoir leur médecin de famille
Contrairement à des associations humanitaires dans lesquelles la totalité des intervenants agissent quasiment bénévolement, Médecins Solidaires a recruté des secrétaires qui sont payées à leur juste valeur. Aussi est-il impératif que les professionnels de santé officiant dans ces centres soient rétribués de manière convenable s’ils travaillent d’arrache-pied !
Pour finir, et sur ce point je suis peut-être un vieux croûton, il est important pour des patients ayant des pathologies complexes ou graves (cas de néoplasies) d’avoir leur médecin de famille pour assurer des soins de qualité.
En ayant des médecins différents chaque semaine on a une approche parfois différente en fonction des praticiens, ce qui peut mettre en difficulté le malade qui souhaite avant tout suivre un projet de soins bien défini.
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