Je partage le point de vue de notre confrère généraliste qui écrit « Il est parfois utile de prendre de la hauteur avant de parler des médecins généralistes », bien que n'ayant exercé la médecine générale en cabinet de groupe de trois puis quatre médecins qu’entre 1980 et 1989.
Certes, une autre époque (que les moins de 35 ans ne peuvent connaître… ni imaginer) qui ne souffrait pas encore des conséquences de la loi économique de « l'offre et de la demande » que fut le numerus clausus complété plus tard par un « internat » permettant de connaître à l'avance le nombre de praticiens dans chaque spécialité, médecine générale comprise bien évidemment. Nous avions des « correspondants » spécialistes avec qui fréquemment, nous avions étudié la médecine à la « fac » et au CHU. Les relations avec les autres professionnels de santé, les infirmières en particulier, se faisaient « naturellement » et pourtant, nous n'étions pas dans « le vivre ensemble » et « le partage » tant rabâcher de nos jours !
Dans les années 80, nous n'avions pas à subir les « idéologues » pour qui la santé n'était qu'un produit de consommation comme un autre
Il est également vrai que dans les années 80, nous n'avions pas à subir les « idéologues » (économistes de la santé en général) pour qui la santé n'était qu'un produit de consommation comme un autre et l'hôpital public une entreprise comme une autre ni les exigences de « l'individu consommateur » engendré par l'évolution de ce système. Comme la mentalité des citoyens formatée pour devenir des individus/consommateurs, il va de soi que celle de bon nombre d'étudiants en médecine et de certains médecins a évolué vers un individualisme toujours plus prégnant. Compte tenu de l'étymologie du mot travail (appareil de torture) mais surtout de l'évolution de notre type de société « liquide » dite également « occidentale », « libérale » et « démocratique », nous en sommes arrivés à devoir recréer, réinventer, reconstruire (qui bien souvent est individualisé que dans un « se reconstruire ») ce qui était la nature humaine sans parler de l'humanisme…
Régulation à l’installation
Le débat actuel sur la régulation de l’installation m'amène à ces réflexions sur l'exercice de la médecine de plusieurs points de vue. N'est-ce pas l'objectif des instances dirigeantes européennes que de « réguler » certaines professions ? Les médecins ont tendance à confondre « libéral » (adjectif) avec les concepts de liberté, libéralisme et « libéralisation » laquelle étant dans l'air du temps depuis les années 80, ne peut être qu'économique et pire financière ! De loi de « simplification » en loi de « simplification » de ces sept dernières années, nous assistons sans broncher à la création de négoces dénommés « pharmacie » dont le propriétaire n'est pas obligatoirement pharmacien, de « centres de santé » spécialisés dans la vue par exemple appartenant à des groupes financiers dont les « patrons » n'ont même pas à être titulaires d'un brevet de secouriste mais d'un cursus plus utile dans une école de commerce où il est aussi possible d'étoffer son carnet d'adresses…
Quid des démarchages qui nous vantent la « téléconsultation » lucrative pour laquelle le médecin est soi-disant libre de consulter en examinant le patient dans son cabinet et/ou de téléconsulter par le truchement d'un écran ? Qui « manage » ces chaînes de téléconsultation ? Un travailleur indépendant peut être, disons d'un point de vue philosophique, « libéral » mais plus d'un point de vue économique sauf à travailler plus pour gagner plus… Que deviendra « l'humanisme » dans des conditions d'exercice « ubérisées » ?
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