Courrier des lecteurs

Une obligation d’aller sur les bancs de l’école pour exercer !

Publié le 04/07/2025
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Le Quotidien du Médecin depuis quelques mois relaie différentes histoires de confrères retraités qui souhaitent, après une période de repos de plus de 3 ans, reprendre une activité professionnelle. Il est très intéressant que ces articles soient à l’origine d’importantes, et très virulentes réactions de collègues.

En fait ce qui choque les médecins retraités, mais aussi les lecteurs du Quotidien, c’est le fait que pour pouvoir exercer de nouveau ces derniers se voient contraints de suivre les conseils de la formation restreinte de l’Ordre des Médecins. Le plus souvent on « impose » au volontaire pour rempiler un stage de 160 heures chez un généraliste. Cette formation théorique a pour rôle de mettre au courant ce confrère des dernières nouveautés, et des nouvelles recommandations des sociétés savantes (ce ne sont pas les femmes savantes).

Je comprends tout à fait la frustration, et parfois la colère de ces collègues qui se sentent « fliqués » par des juges qui n’ont pas la déférence parfois qu’ils devraient avoir à leur égard (on peut dans ce cas en parler, et s’en plaindre car l’Ordre doit aussi être bienveillant).

Le Quotidien a relaté les mésaventures il y a quelques jours de cela du Dr Lafon qui devait donner des précisions sur le nouveau calendrier vaccinal aux participants de la formation restreinte. Personnellement je trouve tout à fait logique de poser des questions sur ce sujet car une réelle révolution dans ce domaine est survenue depuis peu.

Ne pas se mettre à jour peut avoir des conséquences sur la santé des personnes dont on a la charge

Parallèlement certains collègues s’insurgent en ce qui concerne la position du conseil de l’Ordre qui agit comme une institution en étant sans état d’âme pour appliquer, comme des fonctionnaires, une circulaire qui a été validée par ses membres. Nous pouvons, il est vrai, concevoir qu’à 70 ans être assis devant des confrères plus jeunes que soi pour se justifier est parfois très humiliant.

De plus, et compte tenu du nombre de médecins en activité, certains exercent sans mettre à jour leurs connaissances. Il existe en théorie une obligation de formation qui n’est une obligation que sur le papier, mais nous ne devons pas oublier que notre métier est en constante évolution.

Prenons un peu de recul concernant cette situation

Ne pas se mettre à jour peut avoir des conséquences sur la santé des personnes dont on a la charge. L’Ordre n’a aucun impact pour juger de la formation effective ou non de la totalité de ses adhérents. Par contre, cette institution peut demander une évaluation à ceux qui n’ont pas exercé depuis plus de 3 ans car ils ont plus de chance de ne plus être à jour (je ne dis pas qu’ils sont incompétents).

Pour ceux qui souhaitent reprendre du collier après une pause de plus de 3 ans, il est parfois utile de se rendre dans un cabinet médical d’un confrère. Le médecin choisi pour assurer cette « formation » n’est pas un juge, et souvent il permet à ces confrères d’avoir un référent en cas de problèmes. C’est une interface entre le monde réel et l’Ordre qui peut résoudre certains différends éventuels pouvant survenir secondairement.

Je parle de la sorte car je suis membre du conseil de l’Ordre départemental, et à ce titre j’accueille les collègues qui n’ont pas exercé depuis plus de 3 ans au sein de mon cabinet. À leur arrivée ces derniers pensent qu’il s’agit d’une mise au pas, mais très rapidement le courant passe bien, et nous partons dans des discussions parfois assez longues. Nous ne devons pas oublier qu’au-delà de cette participation imposée, cet échange est souvent positif pour le médecin « formateur », et celui qui vient au cabinet.

À ce titre il y a un an de cela un collègue ayant moins de 45 ans (la mise à jour des connaissances ne concerne pas seulement les retraités) est venu dans mon cabinet durant 3 mois. Ce dernier au départ est resté quelque peu décontenancé par la mesure qu’il devait subir, mais reconnaissait qu’en 5 ans (date d’arrêt de son activité) des modifications étaient effectives dans certains domaines (il a pris l’exemple des traitements pour le diabète). Petit à petit nous avons eu une plus grande complicité, et en fin de stage je lui ai proposé de s’installer avec nous. Il est devenu depuis, avec l’accord des collègues du cabinet, notre 4e associé.

Comme nous pouvons le voir cette « expertise » ne doit pas être vécue comme un interrogatoire policier, et elle peut aboutir à une grande complicité avec le confrère.

Pour finir il ne faut pas oublier qu’un autre écueil est à l’origine de cette exigence : la couverture assurantielle personnelle. Les assurances ne sont pas des philanthropes, et se moquent éperdument de savoir s’il existe une pénurie de professionnels de santé. Leur but est avant tout d’éviter d’avancer des frais en cas d’erreur médicale. Aussi pour éviter de sortir le chéquier ces sociétés imposent certaines choses.

Nous ne devons pas perdre de vue qu’un chirurgien, aussi compétent soit-il, n’a plus le droit d’exercer son art à partir d’un certain âge car il ne pourra pas bénéficier d’une couverture assurantielle.

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Dr Pierre Francès, médecin généraliste à Banyuls-sur-Mer (66)

Source : Le Quotidien du Médecin