Comment faire un diagnostic d’asthme en médecine de ville ? Comment traiter une exacerbation ? Et quelle conduite thérapeutique tenir face à une femme enceinte asthmatique ? Voilà quelques-unes des questions très concrètes auxquelles répondent les nouvelles recommandations pour la prise en charge et le suivi des patients asthmatiques adultes, menées sous l’égide de la Société de Pneumologie de Langue Française (SPLF) et de la Société pédiatrique de pneumologie et allergologie (SP2A). « Pour cette mise à jour, nous avons souhaité nous adresser au plus grand nombre, c’est-à-dire aux médecins généralistes. Nous avons travaillé en amont avec eux pour comprendre leurs attentes. Et ils nous ont dit qu’ils étaient demandeurs de données très pratiques pour répondre aux questions qu’ils se posent dans leur pratique quotidienne », explique la Pr Chantal Raherison-Semjen (CHU de Pointe à Pitre), coordinatrice de ces recommandations.
La première question abordée est celle du diagnostic. « On a tenu compte du fait que tous les généralistes n’ont pas accès à la spirométrie. On a donc choisi de réhabiliter le débit expiratoire de pointe à propos duquel beaucoup de choses ont été dites ces dernières années. Mais cela reste un très bon outil, largement utilisé dans les pays anglo-saxons. On peut faire une épreuve de réversibilité sur un débit expiratoire de pointe quand on n’a pas accès à la spirométrie », indique la Pr Raherison-Semjen.
Autre question de base : comment prendre en charge une exacerbation ? « Là encore, on a essayé de tenir compte de la réalité des pratiques. Tous les généralistes n’ont pas accès à la nébulisation. Il est alors tout à fait possible de faire un équivalent, en utilisant un spray associé à une chambre d’inhalation, pour lever le bronchospasme », indique la Pr Raherison-Semjen, en appelant aussi les généralistes à user avec modération de la corticothérapie. « Nous avons tous été formés à donner des doses de cheval, mais quand on regarde la littérature, on constate qu’avec un traitement à 2 milligrammes par kilo, le risque d’effets secondaires est plus important que les bénéfices. »
Pour la femme enceinte, le message est « simple », selon la Pr Raherison-Semjen : il faut proposer la même prise en charge que pour un autre patient. « Les nombreuses études publiées ne retrouvent pas d’augmentation du risque de complications materno-fœtales lorsque la mère prend des corticoïdes inhalés. On peut conclure à une sécurité d’utilisation. Il n’y a pas de préférence d’une molécule sur une autre, donc il est recommandé de ne pas modifier le traitement pendant la grossesse », indiquent les recommandations.
Air intérieur
Le texte dresse aussi un bilan des facteurs environnementaux dans la prise en charge de l’asthme, en rappelant quelques données prouvées. « L’air intérieur (domicile) est 5 à 7 fois plus pollué que l’air extérieur. Le tabagisme, passif ou actif, est le polluant intérieur le plus important. Il existe de nombreuses preuves scientifiques de l’effet délétère du tabac sur l’incidence d’un asthme de novo et sur l’aggravation d’un asthme existant. L’exposition à la pollution atmosphérique augmente le risque de non-contrôle de l’asthme et d’altération de la fonction respiratoire, en particulier par l’intermédiaire de l’ozone et de combustion de biomasse. Chez l’adulte, il existe des preuves suffisantes pour affirmer que la pollution induite par le trafic routier peut être à l’origine d’un asthme de novo, en particulier par l’intermédiaire des oxydes d’azote et des particules fines (gaz d’échappement) », détaille le texte.
Vers une nouvelle définition des formes légères
La publication de ces recommandations est survenue au moment de la parution du guide Gina 2021. « Et nous avons tenu à nous écarter de certaines de ses prises de position », indique la Pr Raherison-Semjen. Lors de l’édition du Gina 2019, le SPLF avait déjà exprimé ses réserves concernant l’indication en première intention de l’association fixe formotérol-corticostéroïdes inhalés (CSI), dès le stade 2. « Dans les propositions du Gina 2021, bien qu’il n’y ait pas de données nouvelles publiées concernant le stade 1, le Gina persiste sur le choix premier de l’association formotérol-CSI à la demande, tout en laissant le choix d’un B2CDA mais en second choix. Nous avons fait le choix de garder une cohérence avec les données de la littérature scientifique et des données AMM, ce qui explique les différences avec les propositions du Gina 2021. Ces considérations vont probablement conduire à envisager une nouvelle définition de l’asthme léger dans l’année, sous l’égide de l’ATS », souligne la SPLF.
« Par ailleurs, dans les paliers 3 et 4, le Gina 2021 priorise très clairement le traitement fond et des symptômes par une association formotérol-CSI. Cette possibilité existait déjà dans les versions précédentes au même rang que les autres options et aucune donnée nouvelle ne permet d’expliquer que ce choix soit maintenant prioritaire dans cette nouvelle version », ajoute la société savante.
Exergue : « On a choisi de réhabiliter le débimètre de pointe, il reste un très bon outil »
Entretien avec la Pr Chantal Raherison-Semjen (CHU de Pointe à Pitre), coordinatrice des recommandations asthme de la SPLF