La réalité virtuelle pourrait-elle remplacer les séances en présence d’un thérapeute ? Un chercheur du département de psychologie d’Oxford a voulu évaluer si des sessions de réalité virtuelle réalisées de façon autonome par un patient - dans le cadre d’une thérapie plus large - peuvent aider à l’amélioration d’un trouble tel que l’agoraphobie.
« Nous voulions aider des personnes qui se retirent du monde en raison de problème d’anxiété, explique Daniel Freeman, professeur de psychologie clinique et auteur du programme de thérapie en réalité virtuelle gameChange. Ce que montre notre étude (1), c’est que six séances de thérapie automatisée aident les personnes souffrant de psychose (schizophrénie dans l'étude, NDLR) à retourner à des activités sociales du quotidien et à surmonter leur anxiété. »
Le programme, commercialisé par Oxford VR, une entreprise liée à l’Université d’Oxford, consiste à utiliser un casque de réalité virtuelle et à accomplir des tâches dans différentes situations : un bus, un café, une boutique… Chaque exercice a cinq niveaux de difficultés et une séance dure une demi-heure.
Le patient est guidé par un thérapeute virtuel créé à partir des expressions faciales, de la voix et des mouvements d’un acteur, pour le rendre aussi vivant que possible. Il explique au patient comment la réalité virtuelle fonctionne et donne des consignes à suivre. Le coach peut aussi laisser le patient réaliser son exercice tout seul, comme entrer dans un café, en lui indiquant qu’il ne sera pas présent.
Rendre accessibles ces thérapies
« La thérapie fonctionne particulièrement bien pour les personnes les plus atteintes d’anxiété, poursuit le psychologue. Elles arrivent à accomplir les actions parce qu’elles savent que ce n’est pas réel, mais en même temps, cela leur permet d’en tirer des enseignements sur le monde réel. Cela les aide à se débarrasser de leurs pensées angoissantes, car elles prennent conscience qu’elles ne sont pas aussi réelles qu’ils l’imaginaient. Les bénéfices du traitement pour ces patients continuent de se faire sentir six mois après. »
L’étude montre en revanche que c’est moins le cas pour des patients atteints de façon moins forte par ce genre de problème. Selon Daniel Freeman, c’est parce que le programme tel qu’il est conçu à ce jour est moins adapté à leurs besoins. « Le traitement a été prévu pour ce premier cas de figure, détaille-t-il. Mais nous avons fait une étude large pour savoir quelles étaient les personnes susceptibles de profiter le plus de cette expérience. Les exercices aident vraiment les patients à passer le pas de leur porte pour se rendre dans un café. Ce sont donc ceux qui n’arrivent pas à faire ce geste qui en bénéficient. Les personnes qui ont des problèmes d’interaction, par exemple, ressentent moins de bénéfices, parce que ce cas de figure est moins présent dans le programme. »
Pour cette raison, Daniel Freeman est persuadé que ce type de thérapies pourrait aussi répondre à ces problématiques, il suffirait d’adapter le programme aux difficultés spécifiques rencontrées par les patients visés. C’est d’ailleurs l’objectif de cette étude : rendre ces thérapies accessibles à plus de monde.
« Les outils utilisés commencent à coûter moins cher. Cela fait 20 ans que je travaille avec la réalité virtuelle, et les premiers kits étaient fabriqués presque manuellement par des entreprises spécialisées, décrit-il. Les kits restent encore un peu compliqués à utiliser et, donc, pendant notre étude, il y avait toujours un membre de l’équipe pour accompagner les patients, mais les nouveaux éléments fonctionnent plus facilement. »
Les équipements de réalité virtuelle pourraient ainsi être utilisés dans des établissements de santé et dans des associations. « Les kits doivent néanmoins être fournis dans le cadre d’un service, par des équipes capables de superviser et soutenir les patients dans leur utilisation », souligne le psychologue.
Peu d’effets secondaires
Néanmoins à l’avenir, l’idée serait aussi de laisser le matériel aux patients pour qu’ils puissent l’utiliser aussi souvent que nécessaire. « Si quelqu’un a du mal à franchir sa porte, il pourrait se servir de l’équipement juste avant de sortir, ce qui rendrait l’utilisation optimale », précise Daniel Freeman.
D’après l’étude, l’utilisation de la réalité virtuelle ne provoque pas d’effets secondaires sévères. « Nous avons observé quelques effets mineurs comme le mal de mer ou un mal de tête, note le chercheur. Des personnes se sont aussi parfois inquiétées de savoir ce qui se passait dans la salle quand elles utilisaient le kit ou se demandaient s’il y a des effets secondaires sur le long terme. Mais c’était assez léger et cela n’empêchait pas la thérapie de produire ses effets. »
Daniel Freeman estime que le champ à explorer avec la réalité virtuelle est immense en matière de thérapie psychologique. « Il y a très peu de conditions que cela ne viendrait pas aider. Par exemple, je ne chercherais pas à traiter l’insomnie par ce biais : utiliser le kit dans son lit ou avant de se coucher ne serait pas une bonne idée », concède-t-il.
(1) D. Freeman et al, The Lancet Psychiatry, avril 2022. doi.org/10.1016/S2215-0366(22)00060-8