Courrier des lecteurs

Fin de vie : les médias  se trompent et en font trop

Publié le 13/02/2020

Il existe de nos jours une plus grande « rationalisation » de l’information pour des raisons purement économiques bien entendu. Le journaliste n’est plus un acteur de terrain qui a pour but de donner une information objective. Souvent, il se contente de relater brièvement des faits, et ne va plus loin dans ses analyses car il n’a plus les moyens de le faire correctement.

Le plus inique, c’est de voir que les nouvelles véhiculées par les médias sont traitées d’une manière similaire, quelle que soit la chaîne de télévision. Le plus intéressant, c’est de voir que certaines situations évoquées par les médias deviennent en période de crise (économique ou institutionnelle) plus écoutées ou à la source d’une révolte plus importante. Ainsi, les frustrations de certaines classes s’exacerbent, suite à l’étincelle allumée par les journalistes.

Cela peut également se voir lorsque les médias exposent un fait divers concernant un collègue qui a des chances d’être condamné ; cela en laissant planer le doute sur l’absence de culpabilité. Cela est à l’origine d’une levée de boucliers « corporatiste » plus ou moins justifiée.

Certains faits exposés par la presse entraînent une vision pas nécessairement juste sur la réalité des choses. Il suffit de regarder, il y a quelques années de cela, l’histoire de ce père de famille qui faisait une grève de la faim car on ne lui permettait pas de voir son enfant. Durant plus d’une semaine, on le voyait au sommet d’une grue en vociférant, et en revendiquant les droits du père. Personne (journaliste, ou citoyen) ne s’est demandé quelle était la raison à l’origine de cette prise de décision. En fait, les troubles du comportement de cette personne avaient conduit le juge à refuser un accueil de son enfant. On a vu un défilé de personnalités qui ont martelé la nécessité de reconnaître les droits de cet homme ; cela sans se soucier de la problématique à l’origine de cette décision.

Dans le domaine de la santé, deux affaires concernant des faits mettant en cause des praticiens ont été également relayées par la presse, et ont été à l’origine de réactions plus passionnelles que réfléchies.

Affaire Bonnemaison : l'euthanasie en question

La première est le cas de M. Bonnemaison qui officiait dans un hôpital, et qui abrégeait les souffrances de ses patients (ils étaient en fin de vie, et le plus souvent déments). De nombreuses personnalités médicales, politiques ou autres ont parlé d’une chasse aux sorcières, et ont critiqué son inculpation. L’Ordre des médecins, qui a prononcé sa radiation, a été vivement critiqué.

Cependant, dans cette histoire, il ne faut pas oublier deux points : le fait que les substances utilisées pour effectuer l’euthanasie (le curare) n’étaient pas adaptées à la situation, mais surtout le fait que ces actes ont été dénoncés par des professionnels de santé (les infirmières du service).

Comment peut-on accepter qu’un confrère puisse avoir, sans aucune concertation avec qui que ce soit, le droit de vie et de mort sur le patient ? Imaginez que vous soyez dans une unité de soins, et qu’un collègue décide d’abréger vos souffrances pour des raisons qui lui sont personnelles ; cela sans en informer aucun autre professionnel de santé !

Midazolam : indispensable HAD

Un autre fait plus récent déchaîne les passions, et a été à l’origine de nombreuses chroniques au sein de journaux professionnels ou non. Un confrère généraliste a utilisé du midazolam, grâce à sa femme anesthésiste dans un hôpital, pour abréger les souffrances des patients en fin de vie.

Cette substance est uniquement dispensée par les hôpitaux, et n’est pas disponible en ville. Ce fait a été mis au grand jour par les infirmières libérales travaillant avec notre confrère. Ces dernières n’ont manifestement pas été en accord avec la prise en charge des patients.

Nombreux sont ceux qui ont demandé la relaxe car il risque d’être condamné à ne plus exercer (cela est un point sur lequel nous pouvons discuter). En parallèle à ce fait, des politiques et certains collègues ont discuté de la possibilité pour un médecin généraliste d’utiliser au midazolam sans avoir recours à une prescription hospitalière. On oublie de voir le fait que le midazolam est facilement disponible en demandant le concours d’une HAD au domicile du patient.

Cette substance doit être utilisée par une équipe aguerrie et très disponible du fait des caractéristiques de ce produit. Or actuellement, combien de médecins généralistes (sans le concours d’une HAD) sont capables d’assister avec les équipes infirmières les patients 24h/24 ? Très peu. Or pour que le patient puisse avoir une prise en charge optimale, c’est le minimum nécessaire !

Prendre en charge un patient en soins palliatifs de manière correcte, c’est difficile. Cette activité nécessite beaucoup de temps, et souvent beaucoup de résignation. De plus, cela ne peut s’effectuer sans le concours d’une équipe soudée. C’est la raison qui conduit souvent à développer de manière très parcimonieuse ce type de service en milieu hospitalier. Il faut beaucoup de médecins, et de paramédicaux ; cela coûte « trop cher » !

« Comment souffrir que la raison soit mise au même rang que la passion » Sénèque. 

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Dr Pierre Frances, Médecin généraliste, Banyuls-sur-mer (66)

Source : Le Quotidien du médecin