Une fois installée, la BPCO détériore la qualité de vie : plus de la moitié des patients se disent anxieux ou déprimés, 40 % ressentent des difficultés pour réaliser les activités courantes, 45 % indiquent ressentir des problèmes pour se déplacer à pied. En juillet 2009 (12), la Société de pneumologie de langue française (SPLF) a mis à jour ses recommandations pour la pratique clinique sur la prise en charge de la BPCO ; les précédentes dataient de 2003 (5). Cette actualisation intègre donc les recommandations de 2005 sur la réhabilitation respiratoire et emboîte le pas à l’initiative du groupe international GOLD (Global Initiative for Obstructive Lung Disease) qui actualise chaque année une synthèse sur le BPCO (9).
› En France en 2010, la prévalence de la BPCO est de 7,5 %, incidence qui tend à se stabiliser chez l’homme et à augmenter chez la femme. 200 000 adultes âgés de 25 ans ou plus ont été pris en charge en affection de longue durée pour une insuffisance respiratoire chronique grave ou une BPCO sévère, 93 000 adultes traités par oxygénothérapie de longue durée. Le taux brut de mortalité est de 41/100 000 chez les hommes et 17/100 000 chez les femmes âgées de 45 ans et plus (13).
› Selon une étude parue en 2010, certains traitements, tels que les corticoïdes inhalés, seraient utilisés en excès chez des patients peu sévères, alors que d’autres, tels que la vaccination antigrippale et la réhabilitation sont souvent négligés : 50 % des patients BPCO étaient vaccinés et 10 % seulement bénéficiaient d’une réhabilitation (13).
DÉFINITIONS
› La BPCO est une maladie respiratoire chronique définie par une obstruction permanente te progressive des voies aériennes. Elle se définit par une mesure spirométrique qui affirme l’obstruction bronchique. Le diagnostic est retenu si le rapport VEMS/CVF est < 70 % après administration d’un bronchodilatateur.
› La définition de la bronchite chronique est clinique : toux et expectoration chroniques (au moins 3 mois par an et depuis au moins deux années consécutives), sans autre cause identifiée.
› L’insuffisance respiratoire chronique se définit par l’incapacité permanente de l’appareil respiratoire à assurer une hématose normale au repos. Cette définition est fondée par convention sur une valeur de la pression partielle en oxygène (PaO2) < 70 mmHg (9,3 kPa) sur deux gaz du sang artériel à l’état stable à au moins 3 semaines d’intervalle. L’insuffisance respiratoire chronique est qualité de grave quand la valeur de la PaO2 est ≤ 55 mmHg (7,3 kPa) ou < 60 mmHg (8 kPa) avec des signes d’insuffisance ventriculaire droite ou une poly-globulie.
› La présence d’une bronchite chronique doit faire rechercher une BPCO. Mais l’absence de bronchite chronique n’exclut pas une BPCO. Le pourcentage de patients présentant une BPCO sans toux ni expectoration varie, en effet, selon les séries de 26 à 90 % des cas et semble diminuer avec la sévérité de la BPCO.
› L’asthme, la dilatation des bronches et l’atteinte pulmonaire de la mucoviscidose ne font pas partie de la BPCO. La présence de dilatations des bronches est possible dans la BPCO mais elles ne constituent pas alors l’élément central de la pathologie.
L’ÉVOLUTION DE LA BPCO
Elle est marquée par :
– un déclin accéléré de la fonction respiratoire?;
– un risque d’exacerbations pouvant mettre en jeu le pronostic vital?;
– un risque de handicap avec réduction de l’activité quotidienne notamment lié à la dyspnée.
L’exacerbation est définie par une majoration des symptômes respiratoires au-delà des variations quotidiennes (en pratique, d’une durée ≥ 48h ou justifiant une modification thérapeutique). Les critères couramment utilisés sont l’augmentation de la dyspnée, de la toux, du volume de l’expectoration ou la modification de l’expectoration (aspect purulent). L’exacerbation peut être un mode de découverte de la BPCO. Elle peut mettre en jeu le pronostic vital et on parle alors d’exacerbation sévère ou de décompensation.
› L’évolution de la maladie peut aboutir à une insuffisance respiratoire chronique.
› Parmi les facteurs pronostiques, outre la fonction respiratoire (VEMS), la fréquence et la sévérité des exacerbations, le rôle des co-morbidités ont récemment été soulignés (pathologies cardiovasculaires, cancer bronchique, anémie, dépression, troubles cognitifs).
LA NÉCESSITÉ D’UNE DÉTECTION PRÉCOCE
La BPCO est accessible à la prévention dès lors qu’elle est détectée précocement. Les principaux facteurs de risque sont connus : tabagisme 70 % et exposition professionnelle 30 % (non-fumeurs). Chez les adultes jeunes (entre 20 et 44 ans), 10 % ont déjà une bronchite chronique ou une BPCO légère (2). Lorsque la BPCO devient symptomatique, le VEMS est déjà amputé de 50 % (4).
Mesurer le souffle
Le médecin généraliste est en première ligne pour le diagnostic précoce de BPCO.
Les minispiromètres électroniques, les « tensiomètres du souffle », permettent aujourd’hui de détecter une obstruction bronchique en mesurant le rapport VEMS/CVF. Leur utilisation demande une formation très simple mais indispensable. Le VEM6 qui mesure le volume maximal expiré en 6 secondes est utilisé pour estimer la CVF car de réalisation plus simple. Sa sensibilité est de 94,0 % et sa spécificité de 93,1 % (10). Un rapport VEMS/ VEM6 < 0,7 nécessite la réalisation d’épreuves fonctionnelles respiratoires (EFR) afin de confirmer le diagnostic et d’en apprécier plus précisément les conséquences.
Il a été suggéré que la mise en place d’une démarche de détection précoce de la BPCO conduit à une amélioration du nombre de diagnostics réalisés et à une meilleure prise en charge (10).
La mesure du souffle devrait être réalisée chez tous les fumeurs et chez tous les professionnels à risque à partir de 40 ans au même titre que la prise de la pression artérielle, cette mesure étant à répéter chaque année ou tous les deux ans.
À noter que la mesure du DEP (débit expiratoire de pointe) utilisé dans l’asthme n’est pas un outil pertinent pour le diagnostic de BPCO.
Une pathologie sous-diagnostiquée
Toutes les études constatent que le sous-diagnostic de la BPCO est constant. En France, seul un bronchitique chronique sur trois sait qu’il est atteint d’une maladie respiratoire et la prévalence de la bronchite chronique est de 4 % après l’âge de 25 ans (3). La plupart des publications soulignent que même dans les cas sévères, les patients ne sont diagnostiqués qu’une fois sur deux environ (7). Selon l’observatoire Thales qui regroupe 1 200 généralistes qui
télétransmettent régulièrement et volontairement des extraits anonymes et codés de leurs dossiers patients, le recours à la spirométrie par les
généralistes pour affirmer le diagnostic concerne uniquement 1/3 seulement des patients.
Ainsi, dans la plupart des cas (2/3) le diagnostic de BPCO n’est pas certain, il ne s’agit dès lors que d’une suspicion(1).
L’APPROCHE THÉRAPEUTIQUE
Seule la moitié des malades est traitée, alors que plusieurs mesures (bronchodilatateurs, réhabilitation respiratoire) sont susceptibles d’améliorer la qualité de vie et réduire le handicap du patient (7). La prise en charge de la BPCO concerne le généraliste en partenariat avec le pneumologue. Le tableau 1 (ci-contre) résume les principaux aspects de la prise en charge selon le stade de sévérité de l’obstruction bronchique.?
L’arrêt du tabac. C’est la principale mesure susceptible d’interrompre la progression de l’obstruction bronchique et de retarder l’installation de l’insuffisance respiratoire. Et ce quel que soit le stade de la maladie. Le conseil minimal doit être régulièrement renouvelé. Les 3 traitements recommandés pour l’aide au sevrage sont: les subsituts nicotiniques, le bupropion et la varénicline. ; ils permettent d’obtenir un taux de sevrage non négligeable de l’ordre de 30 %. Les thérapies cognitivo-comportementales ont fait la preuve de leur efficacité (5). L’acupuncture et l’hypnose ont été peu évaluées.
La réduction du tabagisme partiellement compensée par substitution nicotinique peut être envisagée chez les sujets qui ne peuvent totalement cesser de fumer. Avec toutefois l’objectif final d’arrêt définitif.
Soulager des symptômes. Les bronchodilatateurs (bêta2-mimétiques et anticholinergiques) représentent le principal traitement symptomatique de la BPCO. Ils améliorent les symptômes en diminuant la sensation de dyspnée et en augmentant les capacités d’exercice (8). La voie inhalée a le meilleur rapport efficacité/tolérance (5).
L’association bêta2-mimétique + anticholinergique semble plus efficace qu’un des deux médicaments pris isolément. Les bêta2-mimétiques à longue durée d’action à raison d’une bouffée par jour pourraient simplifier le traitement.
L’association corticothérapie et bêta-2 mimétiques de longue durée d’action est réservée aux BPCO sévères (VEMS < 50 % pour l’assocation formotérol/budésonide ou < 60 % pour l’association salmétérol/fluticasone), avec des exacerbations répétées et des symptômes persistant malgré un traitement bronchodilatateur bien conduit. Il faut savoir que ce traitement inhalé, s’il améliore la qualité de vie, ne ralentit pas la vitesse du déclin du VEMS, facteur pronostique majeur de la maladie.
Prévenir les infections respiratoires. La vaccination grippale est systématique. Le bon
sens préconise également de vacciner l’entourage et le personnel soignant (5). La vaccination anti-pneumococcique est également recommandée chez ces patients.
La réhabilitation respiratoire. C’est un traitement incontournable qui permet (avec un niveau de preuve élevé) de réduire la dyspnée, d’améliorer la qualité de vie, de réduire la handicap et de diminuer le coût de la maladie.
Elle facilite la prise en charge, réduit de 40 % les hospitalisations et le recours aux urgences, améliore la qualité de vie et réduit la mortalité (11).
Ce programme thérapeutique associe plusieurs approches : réentraînement à l’effort, kinésithérapie respiratoire, éducation thérapeutique personnalisée, aide au sevrage tabagique, prise en charge nutritionnelle et prise en charge psycho-sociale. psychothérapie, suivi nutritionnel, sevrage tabagique. Elle est systématique en cas de dyspnée d’effort gênant les activités physiques quotidiennes, malgrè un traitement médicamenteux optimal. La réhabilitation est efficace quel que soit son lieu de réalisation, en institution ou en ambulatoire (5). Il existe au moins une structure par département (http://www.splf.org).
L’oxygénothérapie est une prescription spécialisée (5) dont l’indication doit être portée par une surveillance régulière (annuelle) de la gazométrie au cours des stades 3 et 4.
L’éradication des foyers infectieux dentaires et ORL reste un impératif.
Traiter les exacerbations. La prise en charge des exacerbations simples peut et doit être réalisée en ambulatoire, avec réévaluation précoce entre 24 et 72 heures. L’indication d’une anti-biothérapie probabiliste dépend du caractère franchement purulent de l’expectoration et de la sévérité de l’atteinte fonctionnelle respiratoire. Une kinésithérapie de désencombrement est recommandée avec un faible niveau de preuve (5). Les exacerbations sont fréquentes ; même minimes elles dégradent fortement la qualité de vie et doivent être recherchées car les patients souvent ne les signalent pas (l’information des patients est ainsi capitale). Les décompensations plus sévères engagent le pronostic vital et doivent être hospitalisées.
Rechercher les comorbidités : dépression très fréquente qui aggrave le pronostic, apnées du sommeil, pathologie cardiovasculaire, ostéoporose, cancer du poumon (responsable de 25 % des décès)… et inversement une asthénie par exemple devrait faire évoquer une BPCO.
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