Face un sujet jeune présentant des thromboses spontanées inexpliquées avec thrombopénie, un nouveau syndrome est à envisager : la gammapathie monoclonale de signification thrombotique avec anticorps dits VITT-like (VITT pour vaccine-induced immune thrombocytopenia and thrombosis). Une équipe internationale (Canada, Nouvelle-Zélande, France, Espagne, Allemagne) rapporte dans The New England Journal of Medicine cinq cas présentant ce tableau clinique avec des anticorps très proches de ceux développés après un vaccin Covid à adénovirus.
« Notre étude souligne l’importance de reconnaître et de diagnostiquer ce nouveau trouble thrombophilique », explique Theodore Warkentin, de l’université Mc Master (Canada) et co-premier auteur. À la clé, ce sont des traitements plus efficaces, ces patients ne répondant pas à l’anticoagulation standard. « Traiter comme un myélome donne de bonnes réponses, avec une baisse des anticorps et une augmentation des plaquettes », explique pour Le Quotidien Nicolas Gendron, pharmacien hématologue à l’Hôpital européen Georges Pompidou (HEGP) à Paris, en disponibilité depuis avril 2024 pour faire de la recherche à Harvard et l’un des auteurs.
Toute notre démonstration a été de prouver que les anti-PF4 de nos patients, présents depuis plus d’un an, correspondaient au pic monoclonal observé
Nicolas Gendron, hématologue à l’HEGP
Thromboses sévères digestives ou cérébrales
Ces patients âgés en moyenne d’environ 40 ans présentaient tous un pic monoclonal peu élevé à l’électrophorèse des protéines, au stade de gammapathie monoclonale de signification indéterminée (MGUS), et des anticorps anti-PF4. « Les anti-PF4, initialement décrits dans la thrombopénie induite par l’héparine (TIH), sont aussi retrouvés dans les thromboses après infection à adénovirus et – c’est une découverte de 2021 – après un vaccin Covid à adénovirus, poursuit l’hématologue parisien. Les anticorps dits VITT ressemblent à ceux des TIH, mais ont une spécificité antigénique différente ». Comme les rares cas de VITT pendant la pandémie, les patients de la série ont présenté des thromboses sévères de localisation inhabituelle, cérébrale et digestive, ce qui ne se voit pas (ou peu) dans les TIH.
« Toute notre démonstration a été de prouver que les anti-PF4 de nos patients, présents depuis plus d’un an, correspondaient au pic monoclonal observé, explique Nicolas Gendron. Nous avons pu caractériser finement ces anticorps, qui se sont révélés proches de ceux des VITT ». Cliniquement, cela s’est d’ailleurs vérifié lors du traitement, avec une diminution en parallèle du taux d’anticorps VITT-like et du pic monoclonal.
Une recherche spécialisée après le dosage des anti-PF4
Quand évoquer le diagnostic et comment le confirmer en pratique ? « Il faut y penser quand un sujet plutôt jeune présente des thromboses avec une thrombopénie, indique Nicolas Gendron. Un pic monoclonal à l’électrophorèse des protéines ne justifie pas à lui seul la recherche d’anticorps, la MGUS étant fréquente après 60 ans, de l’ordre de 10 %. Les anticorps anti-PF4, utilisés pour dépister la TIH, sont assez faciles à réaliser en ville. Comme tous les tests ne sont pas performants pour les VITT et VITT-like, il faut envoyer ensuite le prélèvement dans un laboratoire spécialisé, par exemple à Tours ou à Paris (HEGP) pour affirmer que les anticorps activent vraiment les plaquettes indépendamment de l’héparine ».
Quant au traitement, les spécialistes recommandent de ne pas donner d’héparine ni de plaquettes. L’étude suggère d’administrer des immunoglobulines intraveineuses (IgIV) à haute dose (testées chez trois patients), d’ibrutinib (deux patients) ou un traitement du myélome dirigé contre le clone plasmocytaire (testé chez deux patients, efficace chez un seul), sachant que les approches peuvent être combinées. La décision se prend en centre de référence. « Notre patient, pris en charge à l’hôpital Cochin et suivi biologiquement et cliniquement à l’HEGP, l’un des cinq de la série, même s’il garde des séquelles des nombreuses thromboses, va mieux maintenant », indique Nicolas Gendron. Une surveillance est nécessaire, car « comme dans le myélome, des récidives ne peuvent être exclues ».
Pour Nicolas Gendron, c’est tout un pan de recherche à explorer. « Les vaccins Covid à adénovirus ont marqué une étape importante. Mais déjà en 2010, des pédiatres français avaient rapporté le cas clinique d’une jeune fille de 13 ans (2) qui avait présenté une thrombose après une infection à adénovirus avec des anticorps anti-PF4, malgré l’absence de traitement préalable par héparine. L’évolution a été favorable sans récidive », rappelle-t-il. L’équipe a désormais le projet de monter une cohorte pour estimer la prévalence du syndrome dans les gammapathies monoclonales.
(1) J. Jing Wang, N Engl J Med, 2025;392:995-1005
(2) D. Desprez et al., Annales de biologie clinique, 2010;68(6):725-8
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