LES CONDITIONS DE L’EXAMEN CLINIQUE
→ Évaluer la nécessité de se mettre en relation, de communiquer de façon chaleureuse (avec l’enfant et ses parents, et entre soignants), d’observer, dans une communication bienveillante, empathique et d’instaurer un partenariat.
→ Toujours évaluer, d’abord au calme puis à la mobilisation ou à l’examen, et adapter les antalgiques aux deux temps.
→ En cas de douleur avérée au repos, prévoir un antalgique pouvant couvrir la douleur supplémentaire liée à une mobilisation, puis attendre l’efficacité de l’antalgique pour évaluer à la mobilisation.
→ Attention aux enfants “trop calmes” : immobilité, retrait, apparent refuge dans le sommeil, prostration, peuvent masquer la douleur : elle est alors souvent intense et installée.
COMMENT ÉVALUER LA DOULEUR
L’enfant de moins de 6 ans
Pour l'enfant qui n'a pas accès au langage (le prématuré, le nourrisson, l'enfant polyhandicapé, l'enfant d'origine étrangère…), seule l’observation de ses comportements va permettre de reconnaître et d’évaluer sa douleur.
Quelle grille d’évaluation choisir* ?
→ Entre 0 et 4 ans, de nombreuses grilles comportementales sont utilisables. Trois critères vont permettre de choisir : la tranche d’âge, la durée de la douleur et le type de service. La grille Evendol s’utilise pour les enfants de 0 à 7 ans pour la douleur aiguë (1).
→ Entre 4 et 6 ans, on propose à l’enfant de s’évaluer lui-même (autoévaluation) à l’aide de l’échelle des visages.
→ À partir de 6 ans, l’enfant peut s’évaluer lui-même avec :
– L'échelle numérique simple (note entre 0 et 10)
– L'échelle visuelle analogique (EVA) avec une réglette verticale.
– L'échelle verbale simple (douleur absente, modérée, intense, très intense)
Difficultés de l’évaluation
La douleur modifie les interactions : les enfants douloureux peuvent devenir opposants, refusant tout contact. Mais une fois soulagés, ils retrouvent leur sociabilité et peuvent alors parfaitement en préciser l’intensité.
Des niveaux de douleur intense peuvent figer l’enfant dans sa motricité, inhiber ses capacités relationnelles dans des tableaux d’atonie psychomotrice (enfants “trop calmes”).
Les enfants porteurs de douleur chronique (drépanocytose, ostéogenèse imparfaite, arthrite chronique juvénile…) qui vivent depuis « toujours » avec un niveau de douleur important ont souvent des difficultés pour l’identifier et en préciser l’intensité.
Les enfants décrivant des niveaux de douleur supérieurs à ceux attendus par les soignants risquent de ne pas être pris au sérieux. L’enfant plus jeune a souvent du mal à nuancer, il choisit les extrêmes. L’enfant qui semble avoir « surcoté » sa douleur a bien souvent fait part de sa peur, sa tristesse, sa détresse, son « ras-le-bol ».
QUELS TRAITEMENTS ?
Les moyens non médicamenteux
→ La distraction. Des méthodes simples agissent sur la perception de la douleur en diminuant la composante anxieuse. Ces méthodes peuvent être très efficaces, elles vont permettre de distraire l’enfant en captant son attention avec des stimulations sensorielles (auditives, visuelles…) : gonfler un ballon pendant la ponction veineuse, chanter une comptine, visionner un dessin animé pendant une vaccination, faire dessiner l’enfant, lui demander de colorier des dessins, jouer avec un smartphone, une tablette. L’utilisation des casques de réalité virtuelle avec vision 3D donne des résultats particulièrement intéressants (2). Il est très important de ne pas laisser l’enfant allongé sur la table d’examen, on peut le faire asseoir pour qu’il puisse observer son environnement et exécuter des consignes ludiques (dessiner, chanter, compter le nombre de doigts de la poupée…). Pour les plus jeunes, il est également recommandé de réaliser les soins lorsqu'ils sont dans les bras de leurs parents.
→ L’hypnoanalgésie. Les enfants phobiques des soins bénéficient largement de suggestions hypnotiques (3) lors d’une suture par exemple, ou de soins dentaires. En milieu hospitalier, cette pratique s'exerce pendant la pose d’une perfusion ou d'une ponction lombaire.
→ L’information, la préparation de l’enfant et de sa famille. Un enfant correctement informé, préparé à une chirurgie ou à un soin sera moins anxieux et ses besoins antalgiques diminueront. La peur, l’anxiété renforcent la perception de la douleur. Une préparation inadéquate, l’absence de compréhension, une interprétation erronée par l’enfant (des motifs de l’acte, du soin), des explications inadaptées au niveau cognitif du jeune patient sont souvent en cause. Les soignants, bien souvent, minorent la réalité, ce qui majore encore le désarroi de l’enfant quand il est confronté à la réalité de la situation. Une bonne préparation sera adaptée à l’enfant et à sa famille. Le soignant peut utiliser des posters, des livrets d’information, des vidéos (documents diffusés par l’association SPARADRAP).
→ Les solutions sucrées, la succion, le “peau à peau” en néonatologie. Plusieurs moyens simples permettent de soulager efficacement les nouveau-nés et les nourrissons (moins de 4 mois) lors des effractions cutanées, des ponctions veineuses ou capillaires ; l’effet antalgique de l’administration orale de solution sucrée survient après deux minutes, elle est renforcée par la succion d’une tétine. Il faut utiliser des quantités faibles (moins de 2 ml chez le nouveau-né à terme) de saccharose 24 % ou de glucose 30 %. La méthode du contact “peau à peau” ou l’allaitement au sein apportent également un effet antalgique significatif lors de ces effractions cutanées.
Les médicaments
Il faut d’emblée distinguer les douleurs aiguës par excès de nociception (traumatologie, plaie, brûlure, soins douloureux, chirurgie, une grande partie des douleurs du cancer…) et les douleurs chroniques qui le plus souvent sont sans support organique. Les médicaments antalgiques soulagent essentiellement les douleurs aiguës. Pour les douleurs chroniques, ils sont le plus souvent à éviter en raison de leur globale inefficacité et des risques de mésusage, notamment concernant les morphiniques.
Des recommandations de bonne pratique sur les médicaments de la douleur de l’enfant ont été réalisées en 2009 par l’AFSSAPS (4), elles ont été actualisées en 2014 par la Haute autorité de santé (5).
→ Les douleurs par excès de nociception (les trois paliers selon l’OMS)
♦ Les antalgiques du niveau 1
Ils sont prescrits d’emblée à dose maximale, il est inutile et même dangereux d’augmenter la posologie si l’analgésie est insuffisante. Dans ce cas, il faut associer un autre antalgique plus puissant.
• Le paracétamol par voie orale est prescrit à 15 mg / kg toutes les 6 heures. La voie rectale est à éviter car l'absorption est faible : pour obtenir un taux plasmatique équivalent à celui de la voie orale, la posologie devrait être augmentée à plus de 30 mg / kg en prise initiale.
• L’ibuprofène. La posologie est de 10 mg / kg toutes les 8 heures (maximum 400 mg/prise). L’AMM le préconise à partir de l'âge de 3 mois. Le sirop (mesure/poids) est utilisable pour les moins de 30 kg, on prescrit à un enfant de 20 kg des comprimés de 200 mg et de 400 mg à un patient de 40 kg ou plus (encadré E1).
• Le kétoprofène existe en sirop pédiatrique (AMM à 6 mois), il est prescrit à la dose de 0,5 mg / kg, soit une mesure / kg, 3 à 4 fois par jour.
• Le diclofénac en suppositoire est prescrit à la dose de 1 mg / kg / 8 heures seulement en cas d’impossibilité d’utilisation complète de la voie orale. Les suppositoires d’acide niflumique sont à éviter en raison d’une mauvaise biodisponibilité (14).
♦ Les antalgiques du niveau 2 : les morphiniques faibles
Depuis 2013, la codéine n’est pas recommandée chez les patients de moins de 12 ans (15). Toutefois, un patient qui a déjà reçu et bien toléré ce produit peut en bénéficier à nouveau.
• Tramadol gouttes (AMM à 3 ans) (1 goutte = 2,5 mg). La posologie est de 1 mg / kg toutes les 8 heures ; ne pas dépasser 2 mg / kg, 4 fois par jour (pour 20 kg : 8 à 16 gouttes par prise). Effets secondaires : nausées, vomissements, constipation, et somnolence.
• Nalbuphine. C'est un opioïde faible “agoniste-antagoniste” injectable. La posologie est de 0,2 mg / kg toutes les 4 heures (perfusion lente IV en 5 à 10 minutes) ; 0,4 mg/par voie rectale (produit de choix aux urgences). Il existe un effet plafond, car les effets cliniques n’augmentent pas au-delà de 2 à 3 mg / kg/jour. Le seul effet secondaire est une sédation initiale qui peut gêner l’évaluation du niveau de douleur par l’enfant ; en raison de l’effet plafond, on n’observe pas de dépression respiratoire en cas de surdosage.
E1. l'ibuprofène recommandé par la Haute autorité de santé*
• L’ibuprofène est l’AINS à recommander en première intention en pédiatrie dans la plupart des douleurs aiguës modérées à intenses.
• Prescrit aux posologies recommandées (20 à 30 mg / kg/j) par voie orale et pour une durée courte (48 à 72 heures), les effets indésirables des AINS sont rares. D’après des études de cohortes portant sur plusieurs dizaines de milliers d’enfants, le profil de sécurité de l’ibuprofène est comparable à celui du paracétamol.
• En France, la peur de l’utilisation des AINS est importante et en grande partie infondée. Seules certaines situations particulières doivent rester l’objet de précautions : varicelle, infection bactérienne sévère, déshydratation.
• En février 2016, la HAS proposait l'ibuprofène en alternative à la codéine (5).
*HAS. Prise en charge médicamenteuse de la douleur chez l’enfant : alternatives à la codéine. Recommandation, 25 févr. 2016.
♦ Les antalgiques de niveau 3 : la morphine
La “bonne” posologie est celle qui permet la meilleure analgésie, avec le moins d'effets indésirables. L’insuffisance rénale expose au risque de surdosage. La biodisponibilité de la morphine orale est faible : de l'ordre de 25 à 30 %. Pour trouver la posologie de la voie orale, il faut multiplier par 3 ou 4, la quantité donnée par voie IV.
• Morphine orale. Son délai d’action est de 30 minutes si l’absorption digestive est normale.
– Morphine orale à libération immédiate (LI) : comprimé sécable 10 mg, 20 mg ou gélule 5 mg, 10 mg, 20 mg.
– La solution buvable : soit 20 mg/ml en flacon compte-gouttes de 20 ml (1 goutte = 1,25 mg de morphine), soit en forme unidose de 5 ml contenant 10, 30 ou 100 mg de morphine LI.
– Morphine à libération prolongée (LP) : gélules ou comprimés de 10, 30, 60, 100, 200 mg. L’efficacité débute seulement 2 à 4 heures après la prise et dure environ 12 heures.
– Prescrire de la morphine LI à 0,2 mg / kg toutes les 4 heures. Cette posologie de départ sera augmentée par paliers de 50 % en cas d’analgésie insuffisante après deux prises. Au bout de 24 heures, lorsque l’équilibre antalgique est satisfaisant, la dose totale de morphine nécessaire est atteinte, la morphine LI sera répartie en deux doses de morphine LP.
Pour un enfant de 20 kg, on prescrit 4 mg de morphine toutes les 4 heures ; si persistance des douleurs une heure après la première prise, redonner 2 mg de plus ; si amélioration, prévoir de donner plutôt 6 mg à la prise suivante, puis toutes les 4 heures de manière systématique.
– Toute prescription de morphine LP doit être accompagnée d’interdoses de morphine à libération immédiate qui seront administrées en cas de douleur entre deux prises. Classiquement, les interdoses sont d’environ 1/10e de la dose de morphine retard. Le délai minimum entre deux interdoses est de 60 mn en cas de douleur.
• Morphine IV. Son délai d’action est de moins de 5 minutes. La titration initiale débute par une dose de charge de 0,1 mg / kg (généralement la dose maximum, limitée à 6 mg peut être augmentée selon le contexte clinique). Puis les injections sont répétées toutes les 5 minutes de 0,025 mg / kg jusqu’à obtention d’une analgésie satisfaisante.
– Effets indésirables : la somnolence excessive est le premier signe de surdosage. Elle doit être systématiquement recherchée à l'aide d'une échelle de sédation. La dépression respiratoire survient après une sédation importante non diagnostiquée. Elle peut être provoquée par l’administration combinée de produits sédatifs (benzodiazépine…). Une fréquence respiratoire inférieure à 10 / minute doit alerter les soignants.
• Morphine sous-cutanée. Elle n’est pas conseillée chez le jeune enfant en raison de la douleur liée à l’effraction cutanée. Chez le grand enfant, en cas de douleur très intense on peut l’administrer à une posologie de 0,3 mg / kg.
♦ L'anesthésie locale
La crème anesthésiante contient de la lidocaïne et de la prilocaïne, elle doit être appliquée sur peau saine pendant au moins 60 minutes. La profondeur de l’anesthésie cutanée varie avec le temps d’application : une application de 60 minutes procure une anesthésie d’une profondeur de 3 mm ; la profondeur maximum, 5 mm, est obtenue durant 30 minutes après une application d’une durée de 90 minutes ou pendant une heure après une application de 120 minutes.
Les patchs EMLA permettent au parent de le poser avant une vaccination, une prise de sang… Le médecin doit anticiper en indiquant l’emplacement exact du patch, sa durée d’action et l’heure prévue de l’acte.
♦ Antalgiques des douleurs neuropathiques
Ces douleurs associent des troubles de la sensibilité (paresthésie, dysesthésies, hypoesthésie, hyperesthésie, sensation de brûlures…) et souvent, des accès fulgurants (décharge électrique …). Ce type de douleur répond mal ou pas du tout aux médicaments des douleurs par excès de nociception. Elles signent une souffrance nerveuse (compression, section, toxicité…).
• Pour la douleur de fond : amitriptyline peramitriptyline per os à la dose de 0,3 à 0,5 mg / kg/jour ; cette posologie est atteinte progressivement en commençant par 0,1 mg / kg. 1 goutte = 1 mg.
• Pour les fulgurances, associer une prescription de clonazépam (anti-convulsivant) per os commencé à la dose de 0,025 mg / kg/jour et augmenté progressivement jusqu'à 0,050 à 0,1 mg / kg/jour. 1 goutte = 0,1 mg. Pour un enfant de 20 kg, débuter progressivement avec 0,5 mg/24 heures soit 5 gouttes le soir.
• En cas de mauvaise tolérance de ces traitements et en particulier la somnolence, la gabapentine est une alternative.
♦ Mélange équimolaire oxygène/protoxyde d'azote (MEOPA)
En France, s'il est essentiellement utilisé à l’hôpital, son usage extra-hospitalier est en plein développement, en hospitalisation à domicile mais aussi en libéral (dentistes, médecins) (6).
Le MEOPA associe une action anxiolytique, euphorisante (gaz hilarant) et un effet antalgique. L'état de conscience est modifié (sédation consciente), le sujet reste éveillé, peut dialoguer. Les perceptions sensorielles sont modifiées, dissociées. La rapidité d'action (3 minutes) et la réversibilité (moins de 5 minutes) représentent l'autre spécificité de ce mélange.
• Les effets indésirables. Ils sont rares et réversibles en quelques minutes : les nausées et vomissements sont sans incidence clinique (les réflexes laryngés sont présents), parfois une sédation plus profonde, une “excitation” sont observées, une sensation de malaise, dysphorie peut être retrouvée chez les sujets anxieux.
• Modalités d'administration. L'auto-administration doit être privilégiée, mais elle n'est pas possible chez les enfants âgés de moins de quatre ans. Un masque sur le visage de l’enfant induit chez certains une détresse majeure. Une difficulté notable consiste à faire accepter “spontanément” le masque par l'enfant. La contrainte physique induira une agitation qui ne pourra pas être réduite par le MEOPA. La présence des parents est souvent très utile pour limiter la détresse des enfants.
L'inhalation doit obligatoirement être continue et d'une durée minimum de trois minutes avant le début de l'acte douloureux.
La préparation du patient est essentielle, les effets du MEOPA et la réalisation du geste doivent être expliqués : description précise des différentes phases du geste, des sensations ressenties (distorsion des sons, fourmillements, rêves, euphorie, pseudo ivresse) en restant au plus près de la réalité : « Tu ne dormiras pas, tu auras moins peur et moins mal. » Le jeûne n’est pas non plus nécessaire, de même que la pose d’un monitoring.
• Indications : gestes de courte durée (moins de 30 minutes), effraction cutanée : ponction lombaire, myélogramme, ponction veineuse, petite chirurgie, ablation de corps étrangers ou de drains, pansements, sondage vésical…
• Quels risques ? Lors de très longues expositions (administrations répétées pluriquotidiennes), le protoxyde d’azote inactive la vitamine B12 ainsi qu’une enzyme, la méthionine synthétase. Des cas d’atteinte neurologique ont été rapportés, le plus souvent pour un usage addictif (7-10). Ces troubles sont réversibles après supplémentation en vitamine B12. La Société européenne d’anesthésie (11) a publié en 2019 une synthèse sur le protoxyde d’azote. Ce rapport en souligne bien les bénéfices et la sécurité d'utilisation. Il insiste aussi sur la surestimation des craintes concernant l’utilisation clinique de ce gaz. Une mise au point française (12) a clairement établi les différences fondamentales entre l’usage récréatif et médical antalgique du MEOPA, produit de référence en France (AFSSAPS 2009) pour la douleur des soins chez l’enfant. En Juillet 2019, la HAS recommande le MEOPA pour la réalisation des ponctions lombaires chez l’enfant (13).
LA MIGRAINE DE L’ENFANT
→ La migraine est la céphalée primaire la plus fréquente chez l'enfant. Cette maladie familiale touche 5 à 10 % des enfants.
Des critères précis permettent de la diagnostiquer. Elle peut débuter chez des enfants de moins de 10 ans. L’interrogatoire est essentiel pour faire le diagnostic qui ne nécessite pas de bilan paraclinique ; tous les bilans (imagerie EEG, sanguin…) sont normaux.
→ La céphalée est le plus souvent bilatérale, les crises sont plus courtes que celles de l'adulte, le sommeil est souvent réparateur. La céphalée est invalidante (l’enfant arrête son activité, s’allonge) elle est associée selon les cas à des nausées voire des vomissements, une phono ou une photophobie. Des douleurs abdominales, des vertiges, une pâleur, des cernes oculaires sont également souvent observés. Les auras sont fréquentes (plus de 50 % des enfants consultant au centre de référence de Trousseau) chez l’enfant, elles surviennent le plus souvent pendant la céphalée. Les auras peuvent être visuelles (vision floue, déformée, scintillement, taches colorées…), sensitive (paresthésies des membres, buccale), auditive (sifflement, bourdonnement, « voix qui appelle »), associées à des troubles du langage (dysarthrie, suspension du langage…), diminution de la force musculaire avec exceptionnellement des formes hémiplégiques.
E2. Critères diagnostiques de migraine sans aura chez l’enfant ICHD3
• A. Au moins 5 crises répondant aux critères B-D
• B. Crise d'une durée de 2 à 48 heures (sans traitement et sans que l’enfant se soit endormi)
• C. La céphalée présente au moins deux des caractéristiques suivantes :
-Localisation unilatérale ou bilatérale (enfant)
-Intensité modérée ou sévère
-Aggravée ou déclenchée par une activité physique habituelle (marcher, monter des marches)
• D. Durant la céphalée, au moins une des caractéristiques suivantes :
-Nausée ou vomissement
-Photophobie ou phonophobie
• E. Pas de meilleure explication par un autre diagnostic ICHD
→ Des tableaux mixtes, associant crise de migraine et céphalée de tension (céphalée modérée non invalidante) sont fréquents. L’interrogatoire de l’enfant lui permet souvent de distinguer le “petit mal de tête” de la “grosse crise”. C'est sur cette dernière entité que doit porter l'analyse sémiologique pour caractériser la migraine.
→ Les facteurs déclenchants (stimulation sensorielle, bruit chaleur, lumière, odeurs, sport, hypoglycémie, transports, stress, contrariétés) sont à distinguer de la cause de la migraine dont l'origine génétique et familiale est maintenant bien connue.
La migraine n'est pas une maladie psychologique même si très souvent des facteurs déclenchants de nature psychologique (émotions, contrariétés, pression scolaire, etc.) sont retrouvés. Beaucoup d'enfants présentant d'authentiques migraines reçoivent de faux diagnostics : sinusite, trouble de la réfraction, de convergence, gastro.
→ L'ibuprofène doit être privilégié en traitement de crise et doit être donné précocement, les voies rectale ou nasale seront utilisées en cas d'échec de la voie orale.
La céphalée de tension ne doit pas donner lieu à une prescription médicamenteuse.
On ne doit pas prescrire de médicament morphinique (faible ou fort) pour la crise migraineuse. Les traitements de fond non pharmacologiques (apprentissage de la relaxation, de l’auto-hypnose…) doivent être privilégiés.
À retenir
• Un enfant peut évaluer lui-même l’intensité de la douleur à partir de 4 à 6 ans ; pour les enfants plus jeunes, l’utilisation de grilles d’observation comportementale est indispensable.
• L’anxiété majore la perception de la douleur chez l’enfant. Les moyens non médicamenteux peuvent ainsi contribuer significativement à son soulagement. Chez les nouveau-nés, l’administration orale d'une solution sucrée (saccharose 24 % ou glucose 30 %) deux minutes avant une effraction cutanée est un moyen antalgique particulièrement efficace. Cet effet est renforcé par la succion d’une tétine.
• Il faut savoir prescrire un antalgique adapté d’emblée à l’intensité de la douleur. Si elle est intense : antalgique de niveau 2 ou 3 d’emblée (sauf pour les crises migraineuses, certaines douleurs neuropathiques et psychogènes).
• Il faut savoir réévaluer la douleur après l'administration d'un antalgique, en prenant en compte le délai d'efficacité de l'antalgique selon la voie d'administration (IV : 5 à 10 minutes, per os : 20 à 30 minutes ; intra rectal : environ 30 minutes pour les suppositoires. Il faut prévoir d’emblée une prescription de rattrapage en cas de soulagement insuffisant.
Pour en savoir plus
Guide de Poche PEDIADOL L’essentiel, 87 pages, édition 2014 : Dr Elisabeth Fournier-Charrière, Dr Barabara Tournaire. Diffusé par l’association SPRADRAP http://www.sparadrap.org/Catalogue/Tout-le-catalogue/Douleur-de-l-enfan…
www.pediadol.org
www.sparadrap.org
www.migraine-enfant.org
Bibliographie
1. Fournier-Charriere E, Tourniaire B, Carbajal R, Cimerman P, Lassauge F, Ricard C, et al. EVENDOL, a new behavioral pain scale for children ages 0 to 7 years in the emergency department: design and validation. Pain. 2012;153(8):1573-82.
2. Arane K, Behboudi A, Goldman RD. Virtual reality for pain and anxiety management in children. Canadian family physician Medecin de famille canadien. 2017;63(12):932-4. Epub 2017/12/15.
3. Lombart B, Guiot C, Maunoury N. Manuel pratique d'hypnoanalgésie pour les soins en pédiatrie. Paris: SPARADRAP; 2015. 100 p.
4. AFSSAPS. Prise en charge médicamenteuse de la douleur aigue et chronique chez l'enfant. Recommandations de bonne pratique (RBP). 2009 2009. Report No.
5. Tourniaire B, Gallo A. Prise en chage medicamenteuse de la douleur chez l'enfant: alternatives à la codeine. Haute Autorité de Santé, 2016.
6. Maillard F, Annequin D. Le MEOPA, quel avenir en ambulatoire, quel financement ? Douleurs. 2018;19(4):7.
7. Ng J, Frith R. Nanging. Lancet. 2002;360(9330):384. Epub 2002/09/21.
8. Van Amsterdam J, Nabben T, van den Brink W. Recreational nitrous oxide use: Prevalence and risks. Regulatory toxicology and pharmacology : RTP. 2015;73(3):790-6. Epub 2015/10/27.
9. Chaugny C, Simon J, Collin-Masson H, De Beauchene M, Cabral D, Fagniez O, et al. [Vitamin B12 deficiency due to nitrous oxide use: unrecognized cause of combined spinal cord degeneration]. La Revue de medecine interne. 2014;35(5):328-32. Epub 2013/06/19. Carence en vitamine B12 par toxicite du protoxyde d'azote : une cause meconnue de sclerose combinee de la moelle.
10. Massey TH, Pickersgill TT, K JP. Nitrous oxide misuse and vitamin B12 deficiency. BMJ case reports. 2016;2016. Epub 2016/06/02.
11. Buhre W, Disma N, Hendrickx J, DeHert S, Hollmann MW, Huhn R, et al. European Society of Anaesthesiology Task Force on Nitrous Oxide: a narrative review of its role in clinical practice. British Journal of Anaesthesia. 2019;122(5):587-604.
12. Annequin D. MEOPA : mythes et réalités. Toxicité et mésusage. 24 eme Journée La douleur de l’enfant Quelles réponses. 2017;24:30 - 41.
13. Haute Autorité de Santé HAS. Prévention et prise en charge des effets indésirables pouvant survenir après une ponction lombaire. Récommandation de bonne pratique. Saint-Denis La Plaine: 2019.
Liens d'intérêts
L'auteur déclare avoir reçu des financements de la part de Sanofi, Pfizer, Air Liquide, Linde, Purdue, Kiowa-Kirin, pour des expertises et l'organisation de réunions scientifiques.
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