FAIRE PARLER LES ONGLES FRAGILES

Jean, 75 ans, consulte pour une asthénie, une constipation importante depuis 6 mois, un problème de poids (il a pris plus de 10 kg en 4 mois sans modifier son régime nutritionnel), et des ongles cassants (cliché 1). Selon lui, ce dernier problème n’est pas le plus important, sa femme lui ayant expliqué que les médecins considèrent cette anomalie futile.

Ce trouble est présent chez près de 20% de la population (et de manière prédominante les femmes).

› Deux notions doivent être discutées lorsqu’on parle de fragilité unguéale :

– L’onychorrhexie qui est une hyperstriation longitudinale qui donne à la tablette unguéale un aspect rugueux.

– L’onychoschizie lamellaire distale qui correspond à un dédoublement du bord libre de la tablette.

› La solidité de la lame unguéale est en rapport avec certaines propriétés physiques : double courbure de la lame unguéale (longitudinale et transversale), la disposition perpendiculaire au plan de croissance des jonctions intercellulaires des fibres de kératine.

D’autre part, la cystine joue un rôle important dans la composition des protéines matricielles, facteur qui contribue également à la solidité de l’ongle.

Le soufre est également un élément fondamental pour assurer une rigidité de la tablette unguéale.

De plus, l’hydratation de la tablette joue un rôle prépondérant pour assurer la solidité de la tablette unguéale.

› Ainsi les personnes qui plongent régulièrement leurs mains dans l’eau (cas des serveurs dans les restaurants) fragilisent leurs ongles. Il en est de même pour les femmes qui utilisent des solvants pour les ongles. Cette utilisation favorise une déshydratation de la lame unguéale.

› Donc, une bonne hydratation de la lame unguéale permet d’assurer une bonne élasticité et flexibilité ainsi que la possibilité pour le patient de subir des torsions itératives sur sa tablette.

Tout trouble d’hydratation de la tablette se traduit cliniquement par un décollement de l’extrémité distale de l’ongle ou onychoschizie.

Les pathologies chroniques sont celles qui exposent à une fragilité unguéale la plus importante.

En ce qui concerne les pathologies unguéales d’origine exogène, l’étiologie la plus fréquente est en rapport avec les traumatismes répétés.

Les manifestations cliniques mises en évidence (prise de poids, asthénie, constipation et ongles cassants) peuvent se retrouver dans le cadre d’une hypothyroïdie acquise de l’adulte. La confirmation du diagnostic a été obtenue grâce au dosage de la TSH : valeur à 6,98 µU/ml (N entre 0,15 et 4,9).

L’hypothyroïdie est une pathologie très fréquente (1% de la population féminine) et se rencontre chez les sujets de plus de 50 ans.

Une origine auto-immune est souvent retrouvée (thyroïdite d’Hashimoto), ce qui est le cas de notre patient (les Ac antiperoxydases sont à 692 kUI /l (N<34).

Cliniquement, les signes cutanéo-muqueux secondaires à l’hypothyroïdie associent une xérose cutanée (en rapport avec une réduction de la sécrétion sudorale et sébacée) avec une peau froide et pâle (du fait d’une rétention d’eau et de mucopolysaccharides au niveau du derme). On objective aussi une caroténodermie avec coloration jaune des paumes et plantes.

Les cheveux sont secs et cassants. Leur croissance est ralentie, tout comme celle des poils pubiens et axillaires.

En ce qui concerne la prise de poids, l’asthénie et la constipation opiniâtre, ces manifestations sont en rapport avec l’hypométabolisme.

Les ongles deviennent cassants dans près de 90% des cas des hypothyroïdies. La fragilisation est globale avec striations longitudinales et transversales.

Le traitement de notre patient repose sur l’administration d’hormones thyroïdiennes (LT4 comme le Levothyrox ou L-Thyroxine).