Dermo-pédiatrie

HEMANGIOMES : SURVEILLER OU ADRESSER ?

Publié le 11/01/2018
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Relativement rare, ces malformations vasculaires ne constituent pas qu'un préjudice esthétique. Leur importance et leur localisation comportent un risque fonctionnel. La récente AMM du propranol oral en a changé le pronostic, à condition d’être instauré précocement, ce qui impose de connaître les lésions à adresser au spécialiste.
Hemangiomes

Hemangiomes
Crédit photo : Dr Barbarot

Les hémangiomes infantiles concernent 5 % à 10 % des nourrissons. Ils apparaissent le plus souvent après la naissance, dans les premières semaines de vie. Ils sont plus fréquents chez les filles et chez les nourrissons de petits poids de naissance, on retrouve souvent la notion de complications pendant la grossesse, surtout si elle est multiple (augmentation de fréquence chez les jumeaux), une hypertension artérielle ou un décollement placentaire.

“ANGIOME” : UN TERME MAL CHOISI

Lorsqu’on parle d’un “angiome”, il s’agit le plus souvent d’un hémangiome infantile (HI) (photo 1). Il s’agit d’une tumeur bénigne vasculaire qui apparaît généralement vers 15 jours de vie, puis grossit pendant quelques mois (quelques semaines à cinq ou six mois, voire un an dans certains cas graves), pour présenter un aspect en relief, “gonflé”.
Son évolution naturelle est habituellement la régression spontanée. L'hémangiome va progressivement pâlir, puis devenir moins ferme. À l'âge de cinq-six ans, une disparition complète est notée dans 70 % des cas, avec un aspect flétri de la peau en regard de la lésion. Dans 30 % des cas, persistent des séquelles très visibles pour lesquelles un traitement (laser et/ou chirurgie) est possible.

► Ils peuvent être superficiels (rouge vif, bien limités, à surface lisse ou grenue), sous-cutanés (bleutés, consistance ferme et élastique) ou mixtes.

► Les HI ne doivent pas être confondus avec les malformations vasculaires, qui peuvent être capillaires (angiomes plans = “tâches de vin”), veineuses, artérioveineuses ou lymphatiques. Ces malformations vasculaires sont présentes dès la naissance et persistent toute la vie.

LESQUELS ADRESSER ?

La majorité des HI ne nécessitent pas d’avis spécialisé.

► Il faut adresser les HI qui présentent un risque :

soit par leur taille volumineuse,

♦ soit par leur localisation :

– siège périorbitaire, présentant un risque d’altération du champ visuel (photo 2) ;

– péribuccal : ces hémangiomes peuvent gêner l’alimentation et s’ulcérer ;

– en barbe : le risque est celui d’une localisation sous-glottique associée (risque de dyspnée aiguë) (photo 3).

♦ soit en raison d'une ulcération. Il faut également adresser les lésions ulcérées en raison du risque de douleur et d’hémorragie (photo 4).

♦ soit pour les très rares hémangiomatoses miliaires – ici, plus de 10 hémangiomes “en tête d’épingle” disséminés sur le corps (photo 5) – dont le risque est celui d’une atteinte hépatique associée. Avec, pour les lésions les plus volumineuses, un retentissement hémodynamique pouvant aller jusqu’à l’insuffisance cardiaque à haut débit. 

► En fonction de l'hémangiome et de l'âge de l'enfant, différents traitements peuvent être proposés, comme la cortisone, les bétabloquants, le laser ou la chirurgie.

HÉMANGIOMES ET BÊTABLOQUANTS

Le propranolol (Hémangiol® suspension buvable) a obtenu en 2014 l’AMM pour le traitement des HI nécessitant un traitement systémique : les HI à risque vital ou fonctionnel, les HI ulcérés et/ou douloureux malgré les soins, et les HI à risque esthétique.

► Il existe une fenêtre d’âge bien précise pour instaurer le traitement : entre cinq semaines et cinq mois, pour une durée de 6-9 mois. La primo-prescription est hospitalière du fait de la nécessité d’une surveillance jusqu’à trois heures après la prise. 

► La dose utilisée est de 2 à 3 mg/kg/j, l'effet est très rapide : en quelques heures l'hémangiome se ramollit, puis il va ensuite régresser doucement, en trois à quatre mois le plus souvent (au lieu de trois ou quatre ans si on le laissait évoluer spontanément). Il est recommandé d'instituer le traitement le plus tôt possible pour éviter les déformations dues à l'hémangiome, et on doit le continuer jusqu'à la fin de la phase de croissance (environ jusqu'à l'âge de huit-neuf mois pour les hémangiomes de taille moyenne et plutôt l'âge d'un an pour ceux de grande taille).

► Le traitement est bien toléré par les petits enfants. Il faut toutefois s'assurer de l'absence de contre-indication aux bétabloquants par un examen cardiologique ; la surveillance (PA, FC) doit être régulière. L'acrosyndrome et les cauchemars sont des effets indésirables possibles. Ce traitement est aussi susceptible de favoriser des bronchospasmes et des hypoglycémies nécessitant de veiller à une alimentation à heures fixes.

Références
1- Babarot S, Rat C. Dermatologie pédiatrique au cabinet : les hémangiomes infantiles. Forum des médecins généralistes des Journées dermatologiques de Paris. 12 décembre 2017, Palais des congrès, Paris. 
2- La Revue Prescrire.
Propranolol - Hemangiol®. Hémangiomes graves des nourrissons : le médicament de premier choix. Revue Prescrire, 2015 ; 35 (378) : 246-250.
3- Le dictionnaire Vidal®
4- Société française de dermatologie. Les hémangiomes. Juillet 2017. 

 

Dr Julie Van Den Broucke (médecin généraliste) d’après la présentation du Dr Sébastien Barbarot (dermatologue, CHU de Nantes) et du Dr Cédric Rat (médecin généraliste, Université de Nantes, et CNGE).

Source : lequotidiendumedecin.fr