Mme J, 33 ans, sous contraceptif oral estroprogestatif (20 µg d’éthinyl-estradiol), consulte pour son renouvellement de pilule. L'examen clinique est sans particularité (pression artérielle à 130-80 mmHg), mais le bilan biologique permet pour la 1ère fois de découvrir une hypercholestérolémie : cholestérol total = 3 g/l ; HDL-cholestérol = 0,45 g/l ; LDL-cholestérol = 2,25 g/l ; triglycérides = 1,46 g/l. La glycémie à jeun est à 0,88 g/l. La patiente ne fume pas. Pas de surpoids. Dans sa famille, son père a présenté un infarctus du myocarde à l'âge de 54 ans. Sa mère prend un hypolipémiant depuis une dizaine d'années. Un contrôle effectué 3 semaines après confirme l'anomalie lipidique.
QUEL EST LE NIVEAU DE RISQUE CARDIOVASCULAIRE DE CETTE PATIENTE ?
Chez cette patiente jeune et en parfaite santé en dehors de l'hypercholestérolémie, le risque cardiovasculaire à 10 ans est très faible. Selon le modèle européen SCORE pour les pays du sud de l'Europe (1) (fig 1), le risque à 10 ans d'accident cardiovasculaire fatal de Mme J est inférieur à 1 %. (PA systolique : 130 mmHg, cholestérol total : 3 g/l, soit 7,74 mmol/l). "Mais le risque à plus long terme justifie de prendre en charge cette patiente hypercholestérolémique, explique le Pr Ambrosi, même si dans son cas et en l'absence de facteurs de risque supplémentaires, le bénéfice en terme de prévention des événements cardiovasculaires ne s'observera qu'au bout d'une trentaine d'années".
QUEL EST L'OBJECTIF THÉRAPEUTIQUE ? (2)
"L'objectif idéal pour la population générale est de ramener le cholestérol total en dessous de 1,75 g/l. Mais cet objectif, très éloigné du taux de cholestérol initial de la patiente, n'est pas pertinent dans cette situation. Si la prise en charge permet de réduire la cholestérolémie totale à 2,40 g/l, ce résultat pourra déjà être considéré comme un progrès patent. "
QUELLE PRISE EN CHARGE PROPOSER EN 1ÈRE INTENTION ?
Il convient tout d'abord d'éliminer une hypothyroïdie (TSH) ou une pathologie rénale. Vérifier également la prise éventuelle de rétinoïdes, potentiellement hyperlipémiants.
La mise en place de mesures hygiéno-diététiques est indispensable en 1ère intention durant une période de 3 mois "Chez certains sujets, l'homéostasie du cholestérol est telle que les variations de la cholestérolémie totale restent modestes lorsque l'on modifie le régime alimentaire. D'autres patients au contraire sont sensibles à l'introduction de mesures diététiques. Quoi qu'il en soit, il est toujours bénéfique de corriger les erreurs alimentaires. Le défaut d'observance risque également de compromettre la réponse aux mesures hygiéno-diététiques." Chez Mme J, le bilan de contrôle après 3 mois de régime montre la persistance de l'hypercholestérolémie, malgré une légère diminution (cholestérol total = 2,85 g/l).
Par ailleurs, il est justifié d'élargir l'enquête familiale en recherchant une dyslipidémie chez les frères et sœurs de cette patiente.
QUEL TRAITEMENT MÉDICAMENTEUX INSTAURER ?
"Avant tout, il faut préciser que les essais cliniques menées sur les dyslipidémies et le risque cardiovasculaire n'ont pas inclus de patients correspondant au profil de Mme J. On ne peut donc raisonner que par extrapolation. Les mesures hygiéno-diététiques n'ayant pas été suffisantes, il est nécessaire d'ajouter un hypolipémiant, ici une statine. Compte tenu du jeune âge de la patiente et de la longue durée probable du traitement, le risque d'effets indésirables n'est pas à négliger. Dans le cas de Mme J, une dose moyenne de statine (5 mg de rosuvastatine, 10 à 20 mg d'atorvastatine, 20 à 40 mg de simvastatine, 40 mg de pravastatine) est adaptée, tout en surveillant la tolérance au médicament".
MME J PEUT-ELLE POURSUIVRE SA CONTRACEPTION ESTROPROGESTATIVE UNE FOIS TRAITÉE ?
La poursuite de la contraception orale est tout à fait possible chez une patiente traitée par statine, cette classe médicamenteuse étant par ailleurs contre-indiquée durant la grossesse. A noter que les pilules estroprogestatives contenant 20 µg d’éthinyl-estradiol peuvent induire une élévation modérée des triglycérides, sans effet délétère sur le LDL-cholestérol.
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