Dermatologie

LA PATHOLOGIE UNGUÉALE

Publié le 01/02/2019
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Les consultations pour anomalies unguéales sont très fréquentes en pratique. Elles peuvent être dues à des troubles mineurs tels que le dédoublement lamellaire distal, lié à un contact trop fréquent avec l'eau et les produits ménagers. Pour autant, il ne faut pas oublier que l'ongle peut être touché par des processus tumoraux ou des dermatoses telles le psoriasis, le lichen et les mycoses.

LE LICHEN UNGUÉAL

Une patiente de 30 ans consulte pour une atteinte symétrique et asymptomatique des ongles des deux index. Aucun traumatisme déclenchant n’est retrouvé. À l’inspection (photo 1), on constate une convergence des stries longitudinales, un éclatement de la tablette, l’absence de cuticule, une atrophie du lit de l’ongle avec une anonychie partielle et une paronychie.

Devant un tel aspect, plusieurs diagnostics peuvent être évoqués dont le psoriasis, la pelade, la sarcoïdose, le lichen, l’onychotillomanie. Devant ces diagnostics différentiels possibles, il est souvent nécessaire de faire une biopsie. Elle est même indispensable en cas d’atteinte monodactylique pour éliminer un processus tumoral.

→ Dans le cas présent, il s’agit d’un lichen unguéal pour lequel des massages ont été proposés, avec un dermocorticoïde très fort, ayant permis à la patiente une restitution quasi ad integrum (photo 2).

→ Le lichen unguéal est le plus fréquemment polydactylique ; il est isolé dans 2 % des cas. Il est plus fréquent aux mains qu’aux pieds. La présence d’une atteinte cutanée (photo 3, 4), associée dans 10 % des cas au lichen unguéal, facilite le diagnostic.
Le lichen unguéal est rarissime chez l’enfant et prend un aspect grésé sur les 20 ongles. Il est aussi appelé trachyonychie.

→ Les manifestations cliniques dépendent du niveau de l’atteinte unguéale : matrice et/ou lit de l’ongle. Les signes les plus classiques sont la fragilité unguéale, avec l'augmentation des crêtes longitudinales, l’onychoschizie distale (photo 5), l’amincissement de la tablette et l’onycholyse. Le retard diagnostique, donc thérapeutique, peut être à l’origine de séquelles irréversibles comme le pterygion ou l’anonychie.

LE PSORIASIS UNGUÉAL

Un patient de 50 ans consulte pour une hyperkératose sous-unguéale du gros orteil droit (photo 6) évoluant depuis des mois. Il vous dit avoir mis des vernis anti-mycosiques sans effet. Vous examinez le reste du tégument et constatez une éruption érythémato-squameuse au niveau du cuir chevelu et des coudes. Il s’agit donc d’un psoriasis unguéal.

→ Le psoriasis unguéal peut être isolé mais il accompagne un psoriasis cutanéo-muqueux dans 50 % des cas. Son aspect est assez polymorphe : ongle ponctué, dyschromie avec un aspect saumoné, « en tache de bougie », onycholyse, hyperkératose sous-unguéale, pustuleuse type Hallopeau (photo 7c).

→ Il est fortement associé au rhumatisme psoriasique à type de mono ou d’oligoarthrite asymétrique, car l’atteinte unguéale est en fait une enthésite.

→ Le traitement repose sur l’escalade thérapeutique : dermocorticoïde, corticoïde retard intra-lésionnel, méthotrexate, aprémilast, anti-TNF et enfin les anti-IL17. Il faudra toujours s’assurer cependant d’une absence de colonisation secondaire infectieuse.

L’ONYCHOMYCOSE

Un patient de 60 ans consulte pour une atteinte d’aspect jaunâtre et crayeux des deux ongles des hallux. Il signale une inefficacité du vernis anti-mycosique appliqué depuis des mois (photos 8a et 8b). Vous constatez une atteinte matricielle. Vous lui demandez de respecter une fenêtre thérapeutique de 3 mois pour pouvoir réaliser un prélèvement mycologique, qui montre de nombreux filaments au direct, mais la culture est négative. Vous concluez à une onychomycose et instaurez un traitement systémique par terbinafine.

→ L’onychomycose peut être sous-unguéale ou superficielle. Dans l’onychomycose sous-unguéale, l’atteinte disto-latérale se manifeste par une hyperkératose ou une onycholyse, alors que l’atteinte proximale est responsable d’une leuconychie avec paronychie.L’onychomycose est généralement une leuconychie superficielle, mais on peut observer une mélanonychie avec certains dermatophytes et moisissures.

→ Il faut rechercher un foyer associé : palmoplantaire, intertrigo, folliculite, atteinte de la peau glabre. Le psoriasis et le traumatisme sont les principaux diagnostics différentiels, mais aussi des portes d’entrée d’une colonisation secondaire.

→ Devant toute atteinte unguéale, le prélèvement mycologique doit donc être systématique, avant toute instauration de traitement. Un examen direct positif avec une culture négative est considéré comme positif.La colonisation par une moisissure inhibe la pousse d’un dermatophyte sous-jacent car elle pousse plus vite. Une moisissure n’est considérée comme pathologique que si elle est retrouvée sur deux prélèvements à un mois. Le traitement (tableau ci-dessous) dépend du type d’atteinte (distale/proximale +/- latérale), de la présentation clinique (hyperkératose/onycholyse) et de l’agent infectieux (dermatophyte/moisissure pathologique/levure).

Il faut rechercher et lutter contre les facteurs associés (humidité, macération, hyperhidrose, diabète, acrocyanose, immunodépression), éliminer mécaniquement au maximum les zones pathologiques. Certaines formes sont réputées à haut risque de résistance : une onycholyse étendue, la fusée longitudinale, le dermatophytome, l’onychomycose latérale et l’onychomycose à moisissure.

Glossaire :

Trachyonychie : ongles rugueux
• Onychoschizie : clivage de l’ongle, souvent distal
• Ptérygion : expansion du repli sus-unguéal qui adhère à l'ongle qu'elle fissure
• Anonychie : absence de tout ou d’une partie de l’ongle
• Leuconychie : coloration blanche des ongles (totale ou partielle)
• Paronychie : synonyme de périonyxis
• Mélanonychie : pigmentation de l'ongle

 

Dr Marie-Hélène Jegou-Penouil (dermatologue, Blanquefort), Dr Anne Bottet (généraliste, Romagnat)

Source : lequotidiendumedecin.fr