Hélène Joubert, avec le Dr Albert Scemama, chef de projet scientifique – Service des bonnes pratiques – Direction de l’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins (HAS)
1 - QU’EST-CE QUE L’APA ?
L’activité physique est un déterminant majeur de l’état de santé, de la condition physique, du bon développement de l’enfant et du maintien de l’autonomie avec l’avancée en âge. Elle intervient en prévention primaire, secondaire et tertiaire dans de nombreuses maladies chroniques, facteurs de risque et en situation de perte d’autonomie. Dans ce cadre, elle fait partie intégrante de l’arsenal thérapeutique des médecins.
> Selon le profil du patient, son niveau d’activité initial, ses pathologies éventuelles, etc., la Haute Autorité de santé (HAS) distingue quatre niveaux de prescription de l’activité physique à des fins de santé (voir encadré ci-dessous). Après la masso-kinésithérapie, l’activité physique adaptée (APA) correspond au niveau d’intervention le plus encadré (niveau 2). Définie comme une activité physique adaptée à la pathologie, aux capacités fonctionnelles et aux limites d’activités du patient, elle se justifie pour les personnes considérées comme physiquement « inactives » et incapables de pratiquer des activités physiques ou sportives ordinaires en autonomie et en sécurité.
> Selon la HAS, il s’agit de proposer un programme d’exercices physiques structuré, comprenant deux à trois séances par semaine, d’une durée de 45 à 60 minutes, associant des exercices d’endurance et de renforcement musculaire et d’autres types d’exercices selon la pathologie, sur une durée de trois mois renouvelable.
Ce programme est adapté à la pathologie ciblée (avec l’ajout possible d’exercices d’équilibre, de coordination, d’assouplissement ou respiratoires…) et individualisé selon la condition physique, les capacités fonctionnelles, les risques et les comorbidités de la personne.
Il est élaboré et dispensé par un professionnel de l’APA en coordination avec le médecin prescripteur.
Il est toujours associé à un accompagnement vers un changement de mode de vie plus actif et moins sédentaire et un relais vers des activités physiques (AP) ou sportives ordinaires (niveaux 3 et 4).
Parfois confondu avec l’APA, le « sport santé » correspond, lui, au niveau 3. Proposé par les fédérations sportives, il s’agit d’un sport dont les conditions de pratique ont été adaptées pour répondre aux besoins de publics présentant des vulnérabilités et/ou des besoins spécifiques en lien avec leur état de santé.
2 - QUI PEUT EN BÉNÉFICIER ?
> Les conditions de prescription médicale initiale d'un programme d’APA sont au nombre de quatre :
- le patient a une maladie ou un état fonctionnel pour lesquels l’APA a démontré ses effets bénéfiques ;
- il n’a pas un niveau d’AP régulière égal ou supérieur aux recommandations pour la santé de l'OMS (au minimum 2 h 30 par semaine d’activité physique d’endurance d’intensité au moins modérée, en 3 à 5 fois) ;
- il ne peut pas augmenter son niveau d’AP en autonomie et en sécurité ;
- il accepte de suivre un programme d’APA et un changement de comportement physiquement plus actif est à terme envisageable.
> La liste des situations ouvrant droit à la prescription d'activités physiques adaptées a été élargie par le décret n° 2023-235 du 30 mars 2023 et inclus désormais :
- les maladies chroniques ayant un retentissement sur la vie quotidienne, susceptibles de générer des incapacités, voire des complications graves, et nécessitant une prise en charge au long cours ;
– les facteurs de risque tels qu'une condition, une pathologie ou un comportement augmentant la probabilité de développer ou d'aggraver une maladie ou bien de souffrir d'un traumatisme (notamment : surpoids et obésité, HTA, dénutrition, sédentarité, dyslipidémies et conduites addictives) ;
– les situations de perte d'autonomie dues au handicap ou au vieillissement suivantes : personnes bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie, de l'aide à domicile, d'un droit attribué par la Commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées ; titulaires de la carte “mobilité inclusion” ; personne ayant réalisé un dépistage multidimensionnel du déclin fonctionnel lié à l'âge révélant une fragilité.
Les quatre niveaux de prescription de l’activité physique
La HAS distingue quatre niveaux d’intervention de l’activité physique à des fins de santé. À chaque niveau correspond un métier.
- Le niveau 1 correspond à la rééducation/réadaptation dispensée par des professionnels de santé de la rééducation (masseurs-kinésithérapeutes, ergothérapeutes, psychomotriciennes). Il est approprié aux patients présentant une maladie/blessure avérée et/ou un état fonctionnel justifiant d’un programme de rééducation/réadaptation. Le patient est adressé sur ordonnance à un professionnel de santé de rééducation.
- Le niveau 2 correspond à l’APA dispensée par des professionnels dédiés : enseignants en APA ou professionnels de santé de la rééducation. Il est approprié aux patients présentant une maladie et/ou un état fonctionnel justifiant d’un programme d’activité physique adaptée.
- Les niveaux 3 et 4 correspondent aux activités physiques et sportives ordinaires. Celles-ci sont supervisées par des éducateurs sportifs ou apparentés pour le niveau 3 (« sport santé »), ou pratiquées en autonomie pour le niveau 4. Ces options sont appropriées aux patients physiquement inactifs qui ont besoin d’augmenter leur niveau d’AP et qui sont considérés par le médecin comme capables de participer à une gamme ordinaire d’AP ou sportive.
3 - QUI PEUT RÉALISER LA PRESCRIPTION ?
La loi de 2022 visant à démocratiser le sport en France a ouvert la prescription d’APA à l’ensemble des médecins et permet désormais le renouvellement de la prescription d’APA par les masseurs-kinésithérapeutes, sauf indication contraire du médecin.
4 - QUELLE ÉVALUATION PRÉALABLE ?
La prescription médicale écrite d’APA est précédée d’une évaluation médicale minimale (voir encadré ci-dessous).
En complément, une consultation médicale d’activité physique spécifique peut être indiquée s’il a été identifié un risque de survenue d’accident cardiovasculaire grave lié à l’activité physique, un risque majoré de blessure musculosquelettique, mais aussi d’autres risques liés à l’activité choisie, à la pathologie ciblée, aux comorbidités, aux traitements ou à la situation du patient (âge avancé, situation de handicap, surpoids, grossesse et post-partum).
L’évaluation médicale minimale préalable
Facilitée par la connaissance qu’a le médecin traitant de son patient, l’évaluation médicale préalable à la prescription d’APA doit permettre :
– l’estimation des niveaux habituels d’AP et de sédentarité du patient, avec l’auto-questionnaire GPAQ en 16 questions, rempli en ligne sur le site Manger Bouger ; ou le questionnaire Marshall en deux questions (passage en 30 sec) ;
– l’estimation de sa motivation pour un mode de vie physiquement plus actif et moins sédentaire et pour la pratique d’une APA ;
– l’évaluation du risque cardio-vasculaire du patient et du risque de survenue d’un accident potentiellement grave lié à l’AP, qui va dépendre du niveau de risque CV du patient, de son niveau habituel d’AP (physiquement actif ou inactif) et de l’intensité en valeur absolue de l’AP envisagée ;
– l’estimation des autres risques à la pratique d’une APA, en lien notamment avec la pathologie ciblée, les traitements, la situation du patient (âge avancé, grossesse, situation de handicap, etc.) et le type d’AP envisagée ;
– la précision des limitations et contre-indications éventuelles.
5 - QUELLES SONT LES CONTRE-INDICATIONS ?
Il n’y a pas de contre-indication absolue et définitive à l’AP. L’inactivité physique a des effets délétères bien supérieurs aux risques liés à la pratique d’une AP adaptée à la personne.
> Les principales contre-indications absolues et temporaires pour les AP d’intensité au moins modérée sont : toutes les pathologies aiguës, toutes les pathologies chroniques décompensées ou non stabilisées, une dénutrition importante, une fatigue extrême ou une anémie marquée (Hb < 8 g/L).
> Les principales contre-indications relatives pour les AP d’intensité élevée sont : l'insuffisance respiratoire chronique nécessitant de l'oxygène à long terme, les pathologies respiratoires chroniques sévères (en raison d’un risque de désaturation à l'effort), le diabète compliqué avec une rétinopathie sévère ou un traitement récent au laser chirurgical de l'œil ou une dysautonomie sévère, ainsi que la drépanocytose.
Il existe aussi des contre-indications (absolues et temporaires) ostéoarticulaires et cutanées dans la zone concernée : pathologies traumatiques non consolidées, pathologies ostéoarticulaires en poussée congestive, mal perforant plantaire pour les AP en charge sollicitant les deux membres inférieurs (même du côté opposé à la lésion), ainsi que les escarres et plaies évolutives ou chroniques selon la gravité et la localisation (les plaies localisées sur une zone d’appui, de contact ou à risque de frottement lors de l'AP, ainsi que les plaies à risque de complication lié à l'activité : piscines, sable, terre, etc., sauf si elles sont protégées par un pansement adapté).
6 - QUE MENTIONNER SUR L’ORDONNANCE ?
L’ordonnance comprend des conseils au patient et une prescription à destination du professionnel de l’APA.
> Les conseils au patient : diminuer progressivement le temps de sédentarité, en particulier le temps devant des écrans, se lever au moins toutes les 2 heures, et réaliser au moins 30 mn d’AP quotidienne d’intensité modérée (essoufflement n’empêchant pas la conversation), éventuellement en fractionné.
> La prescription à destination du professionnel de l’APA : réaliser le bilan de la condition physique, dispenser un programme d’APA : trois séances par semaine, de 45 mn, associant des exercices d’endurance et de renforcement musculaire, pour une durée de 3 mois, avec un compte-rendu à 3 mois.
L’ordonnance doit aussi préciser les limitations et les risques du patient, par exemple : risque d’hypoglycémie pour les AP prolongées chez les diabétiques sous sulfamide hypoglycémiant qui peut nécessiter une autosurveillance glycémique, risque de douleur en cas de chocs répétés chez les patients en surpoids ou atteints d’une lombalgie chronique, risque de désaturation à l’effort chez certains patients BPCO qui peut justifier une surveillance de Sat02, ou risque augmenté de chute chez les personnes âgées fragiles, etc.
La HAS a publié une série de référentiels d’aide à la prescription d’AP par pathologie et état de santé qui précisent notamment les indications de l’APA et des AP ou sportives (niveaux 3 et 4) selon le stade évolutif de la maladie, les limitations et contre-indications, et les examens complémentaires éventuellement nécessaires avant prescription d’AP.
7 - VERS QUI ORIENTER LES PATIENTS ?
Les maisons sport-santé (plus de 500 en France), assurent l’accueil, l’information et l’orientation du public concernant la pratique des AP. Elles promeuvent la mise en réseau et la formation des professionnels de santé, du social , du sport et de l’APA de leur territoire.
Les fédérations sportives, en plus des activités sportives ordinaires, proposent des activités de sportsanté répertoriées dans le Médicosport-Santé, édité par le Comité national olympique et sportif français.
Les villes du réseau des villes sport-santé sur ordonnance se sont organisées pour favoriser la prescription médicale d’APA et les pratiques d’AP ou sportive (45 villes).
Certains centres hospitaliers proposent des programmes d’APA dans le cadre de leurs projets thérapeutiques.
Les établissements et services médico-sociaux doivent nommer un réfèrent pour l’AP et promouvoir la pratique d’AP et sportives dans l’établissement.
8 - QUEL FINANCEMENT ?
La dispensation d’une AP n’est pas remboursée par l’Assurance-maladie et le remboursement de séances d’APA dans le cancer et le diabète, évoqué dans le rapport « Charges et produits » de la Cnam pour 2024 a finalement été écarté de la LFSS lors du vote final, fin 2023.
En revanche, l’arrêté du 24 décembre 2020 relatif au parcours de soins global après le traitement d’un cancer prévoit que le médecin peut prescrire un ensemble de bilans et consultations d’activité physique, de suivi nutritionnel ou psychologique dans la limite d’un montant maximal de 180 euros par patient et par an. Ces prestations peuvent comprendre un bilan fonctionnel et motivationnel de l’AP par un professionnel de l’APA, qui doit donner lieu à l’élaboration d’un projet d’APA.
Certaines mutuelles prennent en charge partiellement les dépenses de leurs adhérents liées à la pratique d'une APA.
9 - QUELLES OPTIONS EN FIN DE PROGRAMME ?
Un programme d’APA dure sur trois mois.
> Il peut être renouvelé si les quatre conditions de prescription initiale sont respectées ; que la maladie, son évolution ou l’état de santé du patient ne lui permettent pas de passer à une pratique d’AP ordinaire de niveau 3 ou 4 ; et que la reprise ou la poursuite d’une APA doit permettre une stabilisation ou une évolution favorable de la pathologie ou de l’état de santé du patient.
> En revanche, l’APA peut être arrêtée si le programme arrive à son terme et le patient pratique des AP régulières de niveau 3 ou 4 ; mais aussi à la demande du médecin si le patient présente une décompensation de sa maladie ou une contre-indication à l'AP, ou à la demande du patient qui renonce à cette thérapeutique de façon explicite ou implicite (absences répétées et non justifiées).
Les effets bénéfiques pour la santé de l’AP persistent tant que celle-ci est poursuivie et disparaissent progressivement en deux mois en cas d’arrêt total. Ainsi, l’objectif est d’accompagner la personne vers un mode de vie physiquement plus actif et moins sédentaire, en sécurité, sur le long terme et dans la mesure du possible en toute autonomie.
Petit lexique pour communiquer avec les professionnels de l’APA
Une AP se caractérise par sa fréquence, son intensité, sa durée (temps), son volume (durée multipliée par l’intensité), son type et sa progression (acronyme FITT-VP). Les différents types d’exercice sont essentiellement les exercices d’endurance, de renforcement musculaire, de souplesse et d’équilibre.
- L’exercice d’endurance, encore appelé aérobie ou cardiorespiratoire ou cardio, se caractérise par des activités physiques augmentant la fréquence cardiaque et la respiration sur une période prolongée (course à pied, marche rapide, natation, aérobic, etc.). Il permet une amélioration de sa capacité cardiorespiratoire.
- L’exercice de renforcement musculaire, le plus souvent réalisé en anaérobie, se caractérise par des activités contre résistance sur une courte durée (musculation, entraînement au poids du corps type pompes, tractions…). Il permet une amélioration de ses aptitudes musculaires : force, puissance et endurance musculaires.
- L’intensité d’un exercice en endurance peut être appréciée selon différentes méthodes : la fréquence cardiaque, l’effort perçu (pénibilité selon une échelle de 0 à 10) ou la valence affective. Selon cette dernière, une AP d’intensité faible se caractérise par une absence d’essoufflement et de transpiration ; une intensité modérée par un essoufflement et une transpiration modérés et une conversation possible ; une intensité élevée par un essoufflement important, une transpiration abondante et une conversation difficile ; une intensité très élevée par un essoufflement très important, une transpiration très abondante et une conversation impossible.
Marche rapide, jardinage, natation en rythme modéré, cyclisme à allure modérée, yoga, aérobic doux… sont en général d’intensité modérée.
Crossfit, course à pied rapide, cyclisme en côte... sont des exercices d’intensité élevée, voire très élevée.
En résumé
■ L’APA est une thérapeutique non médicamenteuse, qui peut être proposée dans de nombreuses pathologies, facteurs de risque ou situations de perte d'autonomie.
■ Elle s’adresse à des patients insuffisamment actifs physiquement, et incapables d’augmenter leur niveau d’activité en autonomie et en sécurité.
■ Avant toute prescription, une évaluation minimale est préconisée.
■ L’APA se prescrit sous forme d’un programme structuré de trois mois dispensé par un professionnel dédié.
Quelques documents utiles :
> Pour accompagner la prescription médicale d’activité physique à des fins de santé et la consultation préalable, la HAS a publié sur son site internet plusieurs documents, avec notamment :
– un « guide de consultation et de prescription médicale d’activité physique à des fins de santé chez l’adulte » ;
– un guide de connaissance sur l’activité physique et la sédentarité (données sur l’activité physique et la condition physique, pour permettre aux médecins de conseiller au mieux leurs patients, mais aussi de pouvoir échanger avec les professionnels des activités physiques et sportives ) ;
– des référentiels d’aide à la prescription d’activité physique par pathologie ;
– des fiches sur l’activité physique à destination des patients.
> Pour aider les généralistes à la prescription de sport dans un but de santé, un dictionnaire Médicosport-Santé (disponible sur le site du Vidal) a été conçu par les fédérations et le Comité national olympique et sportif français. Le document recense les caractéristiques physiques, physiologiques et mentales de chaque discipline ainsi que les conditions de pratique dans le cadre du sport-santé.
> Pour en savoir plus sur les bénéfices de l’AP sur la santé, en fonction des pathologies : « Effets bénéfiques de l’activité́ physique et sportive en prévention primaire et tertiaire », par le Pr Martine Duclos, 2020 ».
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L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt relatif au contenu de cet article.
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