INTRODUCTION
Selon la définition historique de l’Organisation mondiale de la santé, on parle de goitre lorsque le volume d’un lobe est supérieur au volume de la phalange du pouce du sujet examiné. Actuellement, c’est l’échographie qui confirme le diagnostic, lorsque le volume thyroïdien total est de plus de 18 ml pour la femme et de 20 ml pour l’homme.
La clinique permet de préciser les caractéristiques du goitre, uni ou bi-lobaire, la présence ou non de nodules et leurs caractéristiques (souple, ferme, pierreux), une sensibilité à la palpation ; elle recherche des signes d’hypo- ou d’hyperthyroïdie, d’éventuels signes de compression des organes de voisinage.
Malgré sa fréquence, la prise en charge du goitre n’avait jusqu’ici pas fait l’objet de recommandations spécifiques, mais se retrouvait dans les recommandations portant sur la prise en charge des dysthyroïdies ou des nodules thyroïdiens. Cet article a été rédigé en reprenant l’ensemble de ces données. La Société française d’endocrinologie devrait publier prochainement un consensus précisant la place des explorations et des traitements dans le goitre simple.
BILAN BIOLOGIQUE
Un dosage de la TSH est demandé devant tout goitre simple ou nodulaire. Le taux de TSH est habituellement de 0,4 à 4,0 mU/L mais le résultat est à interpréter en fonction des normes du laboratoire.
Si la TSH est élevée, elle témoigne d’une hypothyroïdie. Dans la plupart des cas, on contrôle la TSH en y associant un dosage de T4 libre (T4L), mais sans retarder la prise en charge thérapeutique si la TSH est très élevée. On peut proposer le dosage des anticorps anti-thyroperoxydase (anti-TPO) pour documenter une éventuelle origine auto-immune (maladie d’Hashimoto) du goitre et de l’hypothyroïdie. Le dosage de la T3 libre (T3L) n’a jamais d’intérêt en cas d’hypothyroïdie.
Si la TSH est basse, en faveur d’une hyperthyroïdie, on peut proposer de la contrôler et de demander un dosage de la T4L, le dosage de la T3L n’étant pas indispensable si la T4L est élevée.
Le dosage des Ac antirécepteurs de la TSH est quasi systématique pour toute TSH basse, d’autant plus qu’il y a une suspicion de maladie de Basedow. Toutefois, dans certains cas, le diagnostic de maladie de Basedow peut être affirmé même sans avoir encore connaissance du résultat du dosage des Ac antirécepteurs de la TSH. Par exemple en cas d’hyperthyroïdie associée à une orbitopathie basedowienne.
IMAGERIE
L’échographie se justifie devant un goitre volumineux à l’inspection ou à la palpation, d’autant plus volontiers qu’on retrouve un ou plusieurs nodules thyroïdiens. En revanche, devant un goitre modéré asymptomatique, sans nodule à la palpation et sans dysthyroïdie, une surveillance clinique peut être proposée dans un premier temps.
L’échographie thyroïdienne, si elle est faite, est utile pour mesurer le volume du goitre, préciser son caractère homogène ou hétérogène, localiser d’éventuels nodules et préciser leur risque de malignité par le score échographique TI-RADS (Thyroid Imaging Reporting & Data System). L’échographie permet d’évoquer une maladie de Basedow si le parenchyme thyroïdien est hypo-échogène, hétérogène, avec hypervascularisation globale importante.
On tend actuellement à mieux sélectionner les indications de l’échographie thyroïdienne, auparavant trop larges, et qui amènent à surdiagnostiquer et surtraiter de petits cancers dont l’évolution est très indolente.
La cytoponction échoguidée Globalement, devant un goitre multinodulaire, avec une TSH basse, il faut évoquer un goitre multinodulaire toxique (à confirmer par la scintigraphie) et la ponction n’a pas sa place en première intention. Si la TSH est normale, l’indication de ponction tient compte de la taille du nodule et du score échographique de risque de malignité TI-RADS.
Les nodules thyroïdiens sont fréquents, la grande majorité sont bénins et il ne peut être question de tous les explorer par ponction.
En cas de goitre très volumineux et/ou plongeant, le scanner cervicothoracique sans injection d’iode – pour éviter une hyperthyroïdie par surcharge iodée – ou l’IRM cervicomédiastinale, moins fréquemment, précisent l’extension du goitre et évaluent un éventuel retentissement sur la trachée, l’œsophage et les vaisseaux.
La scintigraphie thyroïdienne est indiquée devant un goitre simple ou nodulaire avec TSH basse, sans Ac antirécepteurs de la TSH. La scintigraphie thyroïdienne est rarement nécessaire pour poser le diagnostic de maladie de Basedow.
ÉTIOLOGIE ET FACTEURS FAVORISANTS
La carence en iode est restée longtemps la cause la plus fréquente de goitre mais est en net recul.
Actuellement, l’étiologie la plus fréquente est la maladie d’Hashimoto, suivie par la maladie de Basedow.
Les goitres sont souvent d’origine multifactorielle, associant à une prédisposition familiale des facteurs favorisants comme la prise de lithium ou le tabagisme qui augmentent le risque de goitre mais pas celui de cancer, en raison des thiocyanates (présents dans le tabac) qui bloquent l’entrée de l’iode dans la thyroïde.
Lorsque le goitre concerne un enfant ou un jeune, surtout s’il s’agit d’un garçon et qu’il existe des antécédents familiaux, il est préférable de l’adresser en milieu spécialisé pour rechercher une origine génétique. Il peut s’agir en particulier d’un syndrome DICER1, syndrome associé à des mutations génétiques touchant un gène appelé DICER1, et qui prédispose aussi à développer des tumeurs ovariennes ou d’autres cancers.
PRISE EN CHARGE
L’histoire naturelle des goitres simples est d’évoluer vers un goitre multinodulaire sur plusieurs années.
Un goitre simple, non nodulaire, euthyroïdien et sans signes compressifs, relève essentiellement d’une surveillance. Celle-ci sera clinique. Il n’y a pas lieu de répéter de façon systématique l’échographie sauf en cas d’apparition de nodule(s) palpable(s) ou d’augmentation de volume du goitre.
Si le goitre est multinodulaire, la prise en charge est celle des nodules, avec une indication ou non à une cytoponction échoguidée d’un nodule non sécrétant.
Dans les goitres avec dysfonctionnement thyroïdien, la prise en charge dépend de l’étiologie :
• dans la thyroïdite d’Hashimoto se discute l’intérêt d’un traitement par lévothyroxine,
la maladie de Basedow requiert généralement des antithyroïdiens de synthèse (ATS) en première intention pendant 12 à 18 mois,
• le goitre multinodulaire toxique est traité par l’iode radioactif ou par thyroïdectomie totale selon les cas.
Le choix entre irathérapie et chirurgie tient compte de plusieurs paramètres et pourra être fait par le spécialiste. Il faut avoir à l’esprit les complications postopératoires, y compris avec une équipe chirurgicale expérimentée à type de paralysie récurrentielle avec dysphonie et d’hypoparathyroïdie (en cas de thyroïdectomie totale), le plus souvent transitoires mais parfois définitives.
La thermo-ablation s’adresse aux patients ayant un nodule dominant, bénin, responsable d’une gêne fonctionnelle et/ou dont l’augmentation de volume est documentée et dont on est sûr qu’il est bénin. La radiofréquence est la technique de thermo-ablation majoritairement utilisée actuellement en France. Elle consiste à introduire une électrode dans le nodule pour le chauffer. Elle permet de diminuer le volume du nodule de 60 à 70 %. Il existe quelques échecs ou récidives mais cette technique permet d’éviter ou, au moins, de repousser l’intervention chirurgicale.
QUAND SURVEILLER LES APPORTS IODÉS ?
La France est considérée comme une zone de carence iodée légère à modérée. Néanmoins, chez un jeune patient en période pubertaire, il faut s’assurer que les apports iodés sont suffisants, la carence favorisant la croissance du goitre.
Une supplémentation en iode peut aussi s’avérer nécessaire à certaines périodes de la vie où les besoins sont augmentés, comme la grossesse ou l’allaitement. Les recommandations américaines conseillent une supplémentation systématique en iode, avec des préparations contenant au moins 150 µg d’iodure,
idéalement débutée 3 mois avant le début de la grossesse.
QUAND (NE PAS) ADRESSER à L’ENDOCRINOLOGUE ?
Une consultation spécialisée est nécessaire en cas d’hyperthyroïdie ou de nodules significatifs avec indication de ponction. En revanche, le médecin traitant peut parfaitement suivre un goitre simple ou avec des petits nodules en euthyroïdie.
En cas d’hypothyroïdie, la consultation auprès d’un endocrinologue n’est pas systématique.
Dr Maia Bovard-Gouffrant (rédactrice) et Dr Camille Buffet (relecture, service des pathologies thyroïdiennes et tumorales endocrines, La Pitié-Salpêtrière, AP-HP, Paris)
BIBLIOGRAPHIE
1. Goitres simples et nodulaires, in Les maladies de la thyroïde, 2009 Elsevier Masson SAS, https://www.em-consulte.com/article/246028/goitres-simples-et-nodulaires
2. « Le goitre en médecine générale », Forum Med Suisse 2017 ; 17(49) :1095-1102, https://doi.org/10.4414/fms.2017.03134
3. Guidelines of the French society of endocrinology for the management of thyroid nodules, Ann Endocrinol 2011 Sep;72(4):251-281. doi: 10.1016/j.ando.2011.05.003. Epub 2011 Jul 22.
4. Prise en charge des dysthyroïdies chez l’adulte, https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2020-11/prise_en_c…
5. HAS, Recommandations de bonne pratique : Exploration des pathologies thyroïdiennes chez l’adulte : pertinence et critères de qualité de l’échographie, pertinence de la cytoponction échoguidée, https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2021-09/fiche_expl…
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