CHEZ L’ENFANT
POINT ÉPIDÉMIQUE EN FÉVRIER 2018
Les cas déclarés en 2017 montrent que :
• L’âge médian est de 14 ans (extrêmes : 1 mois – 75 ans).
• Le taux d’incidence le plus élevé est observé chez les enfants de moins d'1 an.
• 75 % des malades ne sont pas vaccinés contre la rougeole, 18 % ont reçu une dose, 6 % en ont reçu deux.
• Aucun département n’atteint actuellement les 95 % de couverture vaccinale à deux ans pour les deux doses de vaccin, taux requis pour permettre l’élimination de la maladie.
UNE INFECTION VIRALE HAUTEMENT CONTAGIEUSE
La rougeole est l'une des pathologies infectieuses les plus contagieuses : un individu infecté peut contaminer 15 à 20 personnes séronégatives. La contagiosité débute 5 jours avant l’éruption et s’étend jusqu’à au moins autant après son début. La transmission est directe, par voie aérienne, à partir des sécrétions naso-pharyngées, plus rarement par des objets contaminés.
UN DIAGNOSTIC ESSENTIELLEMENT CLINIQUE
La maladie est symptomatique dans 90 % des cas. L’absence de vaccination préalable ou une vaccination incomplète sont des éléments majeurs d’orientation.
► L’incubation dure 10 à 14 jours.
► La phase d'invasion est marquée par :
LA CONFIRMATION BIOLOGIQUE EST NÉCESSAIRE
Compte tenu de la baisse de l’incidence de la maladie et de la nécessité de mettre en place des mesures préventives autour des cas, le diagnostic de la rougeole nécessite confirmation biologique.
La sérologie (test ELISA) : la présence d’IgM dans le sang au 3e jour après le début de l’éruption assure le diagnostic.
Le prélèvement salivaire est aussi important car il permet la PCR et génotypage exigé par l'OMS dans la procédure de surveillance. Les techniques de PCR sont réalisés dans tous les laboratoires de virologie des CHU.
LES COMPLICATIONS
Les complications sévères sont plus fréquentes chez les patients âgés de moins d'un an et de plus de 20 ans.
• Surinfections bactériennes :
– Otites moyennes aiguës (pneumocoque, streptocoque, Haemophilus).
– Laryngite et laryngotrachéite sous-glottique (Haemophilus, staphylocoques).
– Pneumonies bactériennes surtout chez l’enfant (incidence : 2 à 7 % et 60 % des causes de mortalité).
• Complications neurologiques :
– Encéphalite aiguë postéruptive : touche surtout l’adulte (1 cas sur 1000) et survient 5 à 6 jours après l’installation du rash.
– L’encéphalite à inclusion de l’immunodéprimé (2 à 6 mois post-infection).
– Panencéphalite subaiguë sclérosante survenant en moyenne huit ans après l’infection (1 cas pour 10 000 à 25 000).
• Pneumonie rougeoleuse interstitielle à cellules géantes chez l’immunodéprimé.
• Autres : kératite (en cas de malnutrition), surdité, thrombopénie.
DIAGNOSTICS DIFFÉRENTIELS : QUELQUES AUTRES EXHANTHEMES
PRISE EN CHARGE EN VILLE
Antipyrétiques, antibiothérapie si surinfection respiratoire (otite, broncho-pneumonie).
• Maintien au domicile autant que possible (en fonction de l’état du patient et de son entourage) : lavage des mains, aération régulière de la chambre, etc.
• Si nécessité d’hospitalisation, prévenir l’équipe hospitalière de l’arrivée d’un cas de rougeole.
SIGNALER LES CAS SUSPECTS
Cette maladie est à nouveau à déclaration obligatoire depuis juillet 2005.
Pour les cliniciens, tout cas de rougeole (clinique ou confirmé) doit être signalé sans délai à l’Agence régionale de santé (ARS) dont ils dépendent, dès le stade de suspicion clinique, sans attendre les résultats de la biologie.
Les critères cliniques de signalement sont l’association d’une fièvre ≥ 38,5 °C, d’une éruption maculopapuleuse et d’au moins un des signes suivants : conjonctivite, coryza, toux, signe de Köplik.
LIMITER LA CONTAGION
► Isolement du malade jusqu’au 5e jour après le début de l’éruption.
► Identification des sujets contacts.
• Dans les 24 heures qui suivent le signalement du cas, rechercher les personnes ayant côtoyé le malade pendant sa période de contagiosité (5 jours avant et jusqu’à 5 jours après le début de l’éruption).
• Vaccination dans les trois jours suivant le contact (2 injections de ROR, à un mois d’intervalle au minimum).
• L’injection d’Ig polyvalentes, au plus tard 6 jours après le contact, est réservée aux personnes à risque de rougeole grave : les nourrissons de moins de 6 mois dont la mère n'est pas immunisée, ceux de 6 à 12 mois n'ayant pu recevoir à temps la vaccination post-exposition, femmes enceintes non immunisées, immunodéprimés.
Bibliographie
1- Santé publique France. Dossier thématique rougeole. Mise à jour au 13 février 2018.
CHEZ L'ADULTE
Avec un taux d’attaque familial de plus de 90 %, la rougeole concerne aussi les adultes. Plus de la moitié des patients infectés ont plus de 15 ans : chez eux, les formes graves sont plus fréquentes.
LES ENSEIGNEMENTS DE 2008-2011
La rougeole de l’adulte n’a pas de spécificité clinique par rapport à la forme classique de l’enfant. La différence tient au fait que chez l’adulte, les complications sont plus fréquentes, si bien qu’un adulte sur deux doit être hospitalisé.
► L’épidémie précédente (plus de 22 000 cas notifiés entre janvier 2008 et décembre 2011) a causé plus de 900 pneumopathies graves, 26 encéphalites et 10 décès.
Une étude multicentrique [2] sur 460 patients hospitalisés pendant la vague 2010-2011 retrouvait un âge médian de 26 ± 8,8 ans et une très nette prédominance féminine (sex-ratio H/F = 0,93). L’information sur la vaccination manquait dans 40 % des dossiers, mais parmi les autres, 46 % n’avaient jamais été vaccinés. 64 % ont connu une hépatite aiguë, 44 % une pneumopathie – qu’elle soit virale ou qu’il s’agisse d’une surinfection secondaire –.
► L’atteinte neurologique concernait 1 % des personnes hospitalisées. Dans la littérature, un patient sur 1 000 présente une encéphalite. 4 % avaient dû être hospitalisés en soins intensifs, dont la moitié pour ventilation mécanique.
L’incidence des panencéphalites sclérosantes subaiguës (PESS) – systématiquement létales – secondaires à l’épidémie de 2010-2011 n’est pas encore connue.
Dans les formes compliquées, l’état de relative immunodépression après la maladie peut durer plusieurs mois.
► En pratique, la contagiosité de la rougeole est très élevée du fait de la couverture vaccinale < 95 % en population générale : 15 à 17 cas secondaires pour 1 patient infecté. La vaccination ou le rattrapage vaccinal dans les 72 heures qui suivent le contact évitent la maladie dans plus de 90 % des cas. La vaccination reste néanmoins préconisée au-delà des 72 heures.
LA FEMME ENCEINTE : DANGER !
En France, 10 % des femmes en âge de procréer sont réceptives vis-à-vis de la rougeole.
La fin de la consultation prénuptiale fait perdre une occasion de mise à jour du calendrier vaccinal, alors que la survenue d'une rougeole pendant la grossesse est grave : risque d’hospitalisation doublé, taux de pneumopathie triplé, tandis que le risque de décès est multiplié par 6.
► Pour le fœtus, la rougeole n’est pas tératogène. Le risque principal est celui de fausses couches, morts fœtales in utero (18 % des grossesses) dans les 14 jours après le début de la rougeole chez la mère. 25 % des femmes accouchent prématurément. L'enfant qui naît en période aiguë d'infection maternelle encourt un risque de rubéole congénitale.
► En cas d’exposition à un contage, la femme enceinte non immunisée doit bénéficier d’une perfusion d’immunoglobulines dans les 6 jours. Si l’administration d’Ig IV a lieu à l’hôpital et en concertation avec l’unité obstétricale, la patiente doit éviter de se rendre à la maternité, pour limiter le risque de contage des autres femmes enceintes et des nouveau-nés. Dans 10 % des cas, le traitement peut échouer, notamment en cas de pathologie chronique surajoutée (asthme, obésité, diabète).
S’il existe un doute sur les antécédents de rougeole ou de schéma vaccinal complet (2 doses de vaccin), une sérologie peut être pratiquée en urgence, à condition de ne pas dépasser le délai d’administration de la prophylaxie.
PROTÉGER LES IMMUNODÉPRIMÉS
► Un homme sur deux et une femme sur trois connaîtront un cancer : la question de la vaccination par le ROR en contexte de chimiothérapie n’est pas marginale. Cette dernière induit une baisse du nombre des CD4 et de leur fonctionnalité pendant plusieurs mois : si possible, les vaccinations doivent être mises à jour avant la chimiothérapie. Les vaccins vivants atténués (VVA) sont contre-indiqués jusqu’à 6 mois après la fin de cette dernière. Ensuite, les adultes nés après 1980 non ou incomplètement vaccinés recevront 2 doses espacées d’au moins un mois ; ceux ayant bénéficié d’une vaccination complète recevront une nouvelle dose.
► Les VVA sont contre-indiqués chez les personnes recevant un traitement immunosuppresseur, une biothérapie et/ou une corticothérapie à dose immuno-suppressive (10 mg/j d’équivalent prednisone pendant plus de 15 jours ou bolus). Après une transplantation d’organe, les VVA sont définitivement interdits.
Les patients ayant bénéficié d’une greffe de CSH sont considérés comme naïfs par rapport aux antigènes vaccinaux. Ils doivent donc être vaccinés avec des schémas de primovaccination (au moins 2 ans après la greffe).
► Il n’existe aucune contre-indication vaccinale chez les sujets aspléniques.
Bibliographie
1- Santé publique France. Épidémie de rougeole en France. Actualisation des données de surveillance au 12 février 2018.
2- Curlier E, Stahl JP, SPILF et al. Épidémie de rougeole en France en 2010-2011 : manifestations cliniques et biologiques présentées par les patients adultes hospitalisés. 3- Charlier-Woerther C. Rougeole et grossesse. JNI Tours, juin 2012.
4- Haut conseil de la santé publique. Avis relatif à la problématique de la rougeole chez la femme enceinte. Mai 2011.
5- INRS, groupe d’études sur le risque d’exposition des soignants aux agents infectieux. Exposition fortuite à un agent infectieux et conduite à tenir en milieu de travail. Novembre 2017.
6- HCSP. Avis relatif au délai à respecter entre l’administration d’immunoglobulines polyvalentes en post-exposition de la rougeole et du vaccin trivalent ROR. Avril 2012.
7- HCSP. Recommandations pour les personnes immunodéprimées ou aspléniques. Rapport du HCSP du 7 novembre 2014.
Dr Julie Van Den Broucke (médecin généraliste, Paris) Relecture du Pr Daniel Floret (HAS, commission technique des vaccinations. Université Claude Bernard, Lyon 1)
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