Immunologie

L’ALLERGIE AUX POLLENS EN FONCTION DE L’AGE

Publié le 13/04/2012
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La rhinite allergique peut débuter avant l’âge de deux ans. Les principes thérapeutiques sont globalement identiques, quel que soit l’âge, en dehors des corticoïdes locaux et des décongestionnants.

L’allergie pollinique (pollinose pour les Français ou rhume des foins pour les Anglo-saxons) est la manifestation la plus typique de l’allergie immédiate IgE-dépendante. Elle se traduit surtout au printemps, saison où les graminées émettent leurs pollens, par une rhinite (constante), une conjonctivite (80 % des cas), une toux ou de l’asthme (plus de 50 % des cas). Les symptômes surviennent rapidement après l’exposition aux pollens, quelques minutes à moins de 2-4 heures. Ils sont médiés par les anticorps de l’allergie immédiate (les IgE) que l’on peut mettre en évidence sur les mastocytes cutanés (par les tests cutanés d’allergie immédiate ou prick tests [PT]) et doser dans le sérum des patients (dosage quantitatif des IgE spécifiques [IgEs]).

CLASSIFICATION DES RHINITES ET DES CONJONCTIVITES POLLINIQUES

Le consensus ARIA (Allergic Rhinitis and its Impact on Asthma) classe les rhinites en 4 stades selon leurs symptômes et leurs manifestations associés (1,2). Les dernières recommandations françaises proposent une classification simplifiée, adaptée d’ARIA, en fonction de la durée et de l’intensité des symptômes (3) (Tableau 1). La rhinite est intermittente (si elle dure moins de 4 semaines consécutives par an) ou persistante (si elle dure plus de 4 semaines). La rhinite est sévère si elle retentit sur la qualité de vie des patients, ou légère si elle ne compromet pas la vie quotidienne (3). Cette classification n’exclut pas les rhinites allergiques saisonnières et perannuelles (3). Les ophtalmologistes continuent à opposer les conjonctivites allergiques saisonnières (CAS) dues aux pollens, et les conjonctivites allergiques perannuelles (CAP) dues le plus souvent aux acariens, aux épithéliums d’animaux, ou aux blattes.

HISTOIRE NATURELLE DE L’ALLERGIE

La rhinite allergique, quels que soient les allergènes en cause, s’intègre dans le cadre de l’histoire naturelle de l’allergie ou Allergic March selon l’expression anglo-saxonne (Tableau 2). Les allergies alimentaires classiques (lait, œuf) et l’eczéma atopique sont les premières manifestations de l’allergie de 1 mois à 3 ans. L’asthme apparaît ensuite (entre 3 et 10 ans) suivi de la rhinite allergique (entre 7 et 15 ans). La plupart des rhinites allergiques isolées finissent par se compliquer d’asthme (plus de 80 % des cas). Inversement, l’expérience professionnelle montre que pratiquement tous les asthmatiques ont une rhinite allergique. Dernier élément de la Marche Allergique, les allergies aux fruits et légumes se développent progressivement après 10-15 ans tout au long de la vie.

CHEZ LE NOURRISSON ET L’ENFANT DE MOINS DE 5 ANS

-› Les rhinites allergiques (acariens, pollens) peuvent débuter avant l’âge de 2 ans. Chez le nourrisson, il faut penser à l’allergie devant des symptômes de rhinite non associés à une virose. 10 % des nourrissons de 18 mois seraient affectés. Les facteurs prédictifs sont des antécédents allergiques biparentaux (p=0,036), une éosinophilie sanguine ≥ 470 éléments/mm3 (p=0,046), une sensibilisation aux pneumallergènes démontrée par PT ou dosages d’IgEs positifs (p=0,042) (4). Dans d’autres pays (par exemple Singapour) la fréquence de la rhinite allergique est de 8,4 % comme en France (5). Entre 1 et 6 ans, la rhinite allergique affecte de 2,8 % à 16,8 % des enfants (6).

-› Le traitement est basé sur l’éviction des allergènes et le traitement symptomatique par les antihistaminiques H1 (anti-H1) en sirop tels que loratadine (soluté 5ml = 5 mg par jour chez les enfants de moins de 30 kg après l’âge de 2 ans), ou cétirizine (1 goutte = 0,5 mg, 10 gouttes/jour en 1 ou 2 prises de 2 à 6 ans), ou desloratadine (sirop 2,5 ml = 1,25 mg par jour de 1 à 5 ans) (Encadré 3). Les corticoïdes intra-nasaux (CIN) n’ont pas d’AMM chez les enfants de moins de 2-3 ans puisque leur prescription est permise à partir de 3 ans (furoate de mométasone 100 µg/jour soit 50 µg dans chaque narine de préférence le matin). Pour le furoate de fluticasone, l’expérience est limitée chez les moins de 6 ans (AMM au-dessus de 6 ans).

Les lavages nasaux par le sérum physiologique sont très utiles en cas de croûtes ou d’encombrement nasal. Les décongestionnants (vasoconstricteurs) sont formellement contre-indiqués. L’immunothérapie spécifique (ITS) aux pollens est très rarement prescrite avant 5 ans.

CHEZ L’ENFANT DE 6 a 15 ANS

Les symptômes sont beaucoup plus variés que chez le très jeune enfant, et le diagnostic plus facile.

Diagnostic positif

-› Les éléments du diagnostic sont :

- Les circonstances de survenue (exposition aux pollens par beau temps et vent au moment de la saison des graminées d’avril à mai ),

- La nature des symptômes de rhinite (prurit nasal, éternuements en salve, écoulement nasal clair, obstruction nasale), de conjonctivite (larmoiement, prurit oculaire),

- Les signes cliniques (muqueuse nasale pâle de teinte lilas, sécrétions translucides, obstruction nasale, conjonctivite bilatérale),

- La positivité des PT avec induration nettement › 4 mm aux extraits de pollen (mélange des 5 principales graminées ou pollen isolé de dactyle, phléole, bouleau, olivier, etc.),

- La positivité du dosage des IgEs vis-à-vis de l’allergène suspecté (le plus souvent ≥ 100 kUA/l),

- L’aide au diagnostic par la connaissance des comptes polliniques fournis par le RNSA (Réseau National de Surveillance Aérobiologique) (Encadré 1 et encadré 2).

-› L’exploration allergologique et son interprétation sont du domaine de l’allergologue. Les PT peuvent être effectués quel que soit l’âge (à partir de 3-6 mois) après s’être assuré que la peau est réactive aux témoins positifs (chlorhydrate d’histamine à 10 mg/ml et/ou phosphate de codéine à 9 mg/ml). Les anti-H1 doivent être stoppés plusieurs jours avant la séance des tests (Tableau 3). Les résultats du dosage des IgE ne sont pas affectés par le traitement. Ce dosage est indispensable avant de commencer une ITS.

Réactions croisées

Il existe des réactions croisées entre d’une part les pollens et, d’autre part, entre les pollens et les aliments végétaux. Elles sont dues à des communautés antigéniques. Par exemple, un sujet allergique aux pollens de graminées (dactyle ou phléole) aura des PT et des IgE contre des pollens de graminées céréalières (blé, orge, seigle) sans pour autant être allergique aux pollens de ces céréales, ni aux aliments fabriqués avec ces céréales (pains).

Les réactions entre les pollens et les aliments végétaux sont nombreuses : 50 % des allergiques aux pollens de bouleau sont sensibilisés, voire cliniquement allergiques à la pomme. D’autres allergies croisées « Composées (armoise)-céleri », « céleri-bouleau-armoise », « cyprès-pêche », etc. L’allergologie moléculaire précise le mécanisme de ces réactions dues à des sensibilisations à des allergènes communs à des plantes n’appartenant pas forcément aux mêmes familles végétales (voir Allerdata, site de l’allergologie moléculaire) (8).

Traitement symptomatique

-› L’éviction des pollens est difficile. Il faut éviter les efforts physiques en cas de forte pollinisation qui, le plus souvent, va de pair avec une pollution à l’ozone ou aux particules fines. En cas de conjonctivite, le port de lunettes diminue les symptômes ainsi que les lavages oculaires répétés avec du sérum physiologique ce qui élimine les pollens et dilue les médiateurs inflammatoires (histamine) produits localement.

-› Le traitement médicamenteux fait appel aux anti-H1 (oraux et intra-nasaux) et aux corticoïdes intra-nasaux (CIN). Le choix thérapeutique dépend :

- Des symptômes (les CIN sont plus actifs que les anti-H1 sur l’obstruction nasale),

- De la qualité des effets observés par le traitement de 1re intention par les anti-H1 oraux,

- Du choix des patients (certains préfèrent les comprimés d’anti-H1 plutôt que les anti-H1 intra-nasaux ou les CIN pour des raisons de meilleure observance thérapeutiques) (Encadré 3).

-› Les patients sont réévalués au bout de 2-4 semaines (1ère réévaluation), puis à nouveau 2-4 semaines plus tard (2ème réévaluation) (lire ci-dessous).

- ›En cas d’asthme, lire « Traitement de l’asthme de l’enfant et de l’adolescent » (Le Généraliste FMC n°2597 du 23 mars 2012) (9).

Important :

- Les décongestionnants (vasoconstricteurs) sont contre-indiqués avant l’âge de 10 ans,

- La prescription de gouttes oculaires de corticoïdes nécessite l’avis d’un ophtalmologiste (risque de glaucome),

- Les injections IM de corticoïdes retard sont formellement contre-indiquées (risque d’atrophie musculaire localisée).

Immunothérapie spécifique (ITS)

L’ITS est indiquée en cas de :

- Rhinoconjonctivite et/ou asthme non contrôlé par le traitement symptomatique (durée des symptômes ≥3-4 semaines),

- Aggravation d’une année à l’autre,

- Retentissement sur la qualité de vie (activité physique, sommeil, travail scolaire) (10). La voie sublinguale est recommandée chez l’enfant, la voie injectable n’étant plus préconisée à cet âge.

CHEZ L’ADOLESCENT ET L’ADULTE

Diagnostic

Les critères diagnostiques sont les mêmes que précédemment. A cet âge il faut évaluer le retentissement sur la vie scolaire (en particulier en période d’examens pour les adolescents), sur les activités physiques et récréatives, sur les performances au travail. Les situations particulières propres à l’adulte comme les pollinoses de proximité (allergies à des pollens peu dispersibles observées chez les horticulteurs, les fleuristes, les techniciens d’espaces verts (mimosa, pissenlit, murier à papier) sont aussi à prendre en compte. Les résultats des comptes polliniques sont importants pour « anticiper les symptômes ».

Traitement symptomatique

Le traitement d’attaque est le même que ci-dessus par anti-H1 et CIN. L’attitude thérapeutique est guidée par la réévaluation des patients.

-› Réévaluation n°1 au bout de 2-4 semaines :

- Si persistance de la rhinite, on passe au CIN si le traitement d’attaque a été anti-H1 per os ;

La corticothérapie orale (1mg/kg/jour sans dépasser 40 mg/jour pendant une semaine) est licite chez l’adolescent et l’adulte pour « gommer les symptômes » ;

- Les décongestionnants sont utiles ;

- Certains utilisent l’association anti-H1 + CIN ;

- La place des antileucotriènes n’est pas actuellement définie.

-› Réévaluation n°2 au bout de 2-4 semaines :

- CIN ou anti-H1 oraux + bromure d’ipratropium,

- Une corticothérapie orale (1mg/kg sans dépasser 40 mg/jour pendant une semaine) est licite si elle n’a pas été effectuée à la précédente réévaluation.

Immunothérapie spécifique

L’ITS est indiquée en cas de rhinoconjonctivite et/ou asthme non contrôlé par le traitement symptomatique (durée des symptômes ≥3-4 semaines), et/ou en cas d’aggravation d’une année à l’autre.

-› La voie d’administration est sous-cutanée (ITS-SC), sublinguale (ITS-SL) ou orale (ITS-O) avec des comprimés à délitement sublingual. Actuellement l’ITS-SL, aussi efficace que l’ITS-SC, est beaucoup mieux tolérée (11-13).

-› L’indication et la surveillance de l’ITS sont du ressort de l’allergologue en coopération avec le généraliste. Elle dure en moyenne 3 ans. Ses effets bénéfiques persistent de 3 à 12 ans après son arrêt. L’ITS prévient l’apparition de nouvelles allergies : effectuée chez l’enfant uniquement atteint de rhinite par allergie pollinique, elle diminue très significativement le développement d’un asthme (évolution presque inéluctable spontanément) (14). Toutefois, l’indication « préventive » de l’ITS ne figure pas dans les recommandations actuelles.

-› L’ITS peut être associée aux anti-IgE (omalizumab) dans les rhinites allergiques sévères avec asthme, insuffisamment contrôlés (l’avis d’un spécialiste est indispensable) (15).

Pr Guy Dutau (Allergologue – Pneumologue – Pédiatre. Toulouse. Correspondance : fmc@legeneraliste.fr)

Source : lequotidiendumedecin.fr