L’asthme est la maladie chronique la plus fréquente de l’enfant. La notion d’épidémie d’asthme est une réalité. Sa prévalence est de 8-10 % de la petite enfance à l’adolescence. L’enquête ISAAC (International Study of Asthma and Allergy in Children) basée sur 304 796 enfants âgés de 6-7 ans (dans 42 pays) et 463 801 adolescents âgés de 13 - 14 ans (dans 56 pays) a permis de distinguer 3 groupes de pays selon leur niveau de prévalence : faible (<5%), moyenne (5-10 %) et forte (›10%). Les plus fortes prévalences ont été enregistrées dans les pays anglo-saxons : Grande-Bretagne, Nouvelle-Zélande, Australie, Irlande, Canada, Etats-Unis où elles sont proches de 20 % ou dépassent ce chiffre. Pour la France, cette enquête a montré qu’elle variait entre 7 et 9 % (chez les 6-7 ans), et entre 10 et 15 % (chez les adolescents de 13-14 ans). Il n’existe pas de chiffres fiables pour les nourrissons. Cette « épidémie » n’a pas progressé. Par contre, l’asthme tend à être plus sévère dans les pays pauvres, et plus fréquent dans les pays riches ou émergents.
UNE DÉFINITION DIFFÉRENTE CHEZ L’ENFANT ET LE NOURRISSON
-› La définition de l’asthme est surtout « physiopathologique » chez l’enfant alors qu’elle reste « clinique » chez le nourrisson.
- Chez l’enfant (et l’adulte) : L’asthme est une « maladie inflammatoire chronique des bronches dans laquelle diverses cellules jouent un rôle important surtout les mastocytes, les polynucléaires éosinophiles, et les lymphocytes T ».
Si l’inflammation bronchique, anomalie de base, ne bénéficie pas d’un traitement de fond adéquat (lorsqu’il est nécessaire), les bronches risquent de présenter des lésions cicatricielles ou « remodelage » (remodelling). Il associe une régénération cellulaire (remplacement du tissu endommagé par des cellules du même type) et fibrose (dépôt de tissu collagène dans la membrane basale). Les modifications bronchiques principales sont l’épaississement des parois, l’hypertrophie des muscles lisses, la multiplication des glandes muqueuses.
Une anatomie et une physiologie bronchiques nouvelles sont alors installées : rétrécissement des bronches, difficultés à l’écoulement de l’air, hypersécrétion, augmentation de l’hyper réactivité bronchique (HRB).
- Chez le nourrisson : Il faut considérer comme asthmatique « tout nourrisson ayant eu au moins 3 épisodes de gêne respiratoire sifflante, quel que soit l’âge de début, l’existence ou non d’une atopie », une définition historique qui n’a pas changé depuis 1981 (6) !
-› Gravité et sévérité : Par convention, on distingue la « gravité » et la « sévérité », deux termes dont il faut connaître le sens pour bien comprendre l’asthme.
- La gravité désigne l’état du malade en période de crise. En fonction des symptômes cliniques, du débit expiratoire de pointe (DEP) et de la SaO2, on distingue 4 types de crises : légère, modérée, sévère, arrêt respiratoire imminent (near fatal asthma) (Tableau I).
- La sévérité désigne l’état du malade sur le long terme. Chez le patient non traité, on distingue 4 stades d’asthme en fonction des symptômes, du type des exacerbations, des traitements reçus, du rapport VEMS/CV et de la variabilité du débit expiratoire de pointe (DEP) (Tableau II). Ce sont les grades 1 (asthme intermittent), 2 (asthme persistant léger), 3 (asthme persistant modéré), 4 (asthme persistant sévère).
-› Les exacerbations sont définies par la présence de symptômes aigus pendant plus de 24 heures.
QUAND PENSER A L’ASTHME ?
Chez l’enfant
La crise d’asthme est le plus souvent progressive, précédée de signes avant coureurs (prodromes) qui sont en général les mêmes chez le même enfant : prurit nasal, éternuements, écoulement nasal, toux sèche, parfois nausées ou vomissements ...
Lorsque la crise est installée, l’enfant présente une toux sèche, des sifflements audibles à distance sans l’aide du stéthoscope, des sibilances expiratoires bilatérales à l’auscultation, une dyspnée avec allongement du temps expiratoire. La bradypnée, fréquente chez l’adolescent ou l’adulte, est remplacée chez l’enfant par une polypnée.
Il faut bien connaître les « équivalents de l’asthme » : toux sèche en fin de nuit ou au petit matin, réveils nocturnes avec ou sans sifflements, toux à la respiration d’air froid, trachéites et bronchites récidivantes, troubles de la ventilation, et surtout asthme d’effort.
L’asthme d’effort survient le plus souvent, après un effort soutenu et relativement prolongé en endurance de type course à pied, cross, cyclisme, ski, patinage (etc.). La gêne respiratoire sifflante se manifeste à l’arrêt de l’effort, à la récupération, dure une dizaine de minutes, puis cesse spontanément. Elle est prévenue par un échauffement progressif et par la prise de deux bouffées d’un bêta2-mimétique de courte durée d’action (ß2-CA) ou un comprimé d’un antileucotriène de façon quotidienne tous les soirs. Important : sauf cas particuliers (et de façon temporaire) il ne faut jamais exempter de sport un enfant asthmatique. Il doit vivre normalement grâce à la prévention de l’asthme d’effort et, le cas échéant, au traitement préventif de l’asthme (corticoïdes par inhalation en première intention). La natation en piscine couverte désinfectée par le chlore (chloramine) pourrait entraîner des troubles respiratoires (asthme).
La majorité des crises est de grade 1 ou 2 (80-90 %). Les facteurs de risque des crises sévères qui peuvent mettre la vie en danger (autour de 10 %) sont assez bien identifiés (adolescence, allergie alimentaire [AA] associée, facteurs psychologiques, asthme ancien, etc.). Il est démontré que l’asthme est un facteur favorisant d’AA sévère, à risque mortel, et, inversement, que l’AA est un facteur de risque de crises d’asthme aigu grave (AAG) nécessitant une admission en réanimation.
En pratique, en cas de doute, un questionnaire simple permet de détecter l’asthme : la réponse par « oui » à une seule des 6 questions représentées sur le Tableau III rend ce diagnostic plausible. Il faut le confirmer par un bilan simple : radiographie du thorax de face (en inspiration et expiration), tests cutanés d’allergie, exploration fonctionnelle respiratoire (courbe débit-volume ou spirographie le plus souvent) si l’âge et la coopération le permettent (à partir de 5-6 ans). Le déclenchement des crises, les antécédents personnels et familiaux d’allergie plaident en faveur d’un facteur allergique.
Plus de 80 % des asthmes de l’enfant sont dus à une allergie aux allergènes de l’environnement intérieur (acariens, blattes, animaux, moisissures) ou extérieur (pollens, moisissures).
Chez le nourrisson
Les symptômes se limitent souvent à la toux, aux sifflements, aux réveils nocturnes, ou à des signes plus discrets (essoufflement à la prise des biberons, expectoration mousseuse, essoufflement à la marche).
Mais, selon un adage connu, « tout ce qui siffle n’est pas de l’asthme », loin s’en faut. Le Tableau 4 récapitule les nombreux diagnostics différentiels de l’asthme du nourrisson au premier rang desquels se placent les corps étrangers bronchiques auxquels on pensera, si personne n’a assisté au syndrome de pénétration, devant une toux persistante, des sibilances ou un silence respiratoire d’un seul côté (alors que les sibilances sont diffuses et bilatérales dans la crise d’asthme), des anomalies radiologiques (atélectasie ou, plus souvent, une hyperclarté persistante à l’expiration ou « air piégé »). L’endoscopie confirme le diagnostic et permet l’ablation du corps étranger, le plus souvent de type végétal.
CAS PARTICULIERS
Existe-t-il un « asthme post-bronchiolite » ?
A l’âge préscolaire, se pose le problème des sifflements répétés faisant suite à la bronchiolite à VRS du nourrisson. La Conférence de consensus sur la bronchiolite du nourrisson organisée en 2000 par l'URML (Union régionale des médecins libéraux d'Île-de-France) et l'ANAES (Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé) a repris la définition de la bronchiolite aiguë donnée en 1983 par McConnochie :
1) 1er épisode survenant en période épidémique (VRS);
2) chez un nourrisson (›1mois et <2 ans);
3) au décours (48 à 72 heures) d'une rhinopharyngite peu ou pas fébrile;
4) associant toux, dyspnée obstructive avec polypnée, tirage, surdistension thoracique (clinique et/ou radiologique), « wheezing », et/ou des râles sibilants, et/ou des râles crépitants à prédominance expiratoire. Dans les formes les plus graves l'auscultation peut être normale (silencieuse), chez un nourrisson au thorax très distendu. En période d’épidémie hivernale, le diagnostic de bronchiolite aiguë à VRS est une évidence clinique. La notion d'âge est très importante : la plupart des nourrissons réellement atteints de bronchiolite à VRS sont âgés de moins de 6 à 12 mois.
On entend souvent cette affirmation : « cet enfant de 3 ans a eu des bronchiolites récidivantes ». Elle est parfois chiffrée : « cette année il a eu moins 8 bronchiolites ». C’est impossible ! On a une bronchiolite à VRS, parfois deux, pas huit ! En réalité, l’enfant en question présente très probablement un asthme du nourrisson.
Plusieurs études cas-témoins montrent que des nourrissons atteints de bronchiolite aiguë présentent toujours des symptômes d'obstruction bronchique (c’est-à-dire un asthme) au bout de plusieurs années (8,9). Les enfants les plus à risque d’asthme post-bronchiolite sont ceux qui ont eu une bronchiolite suffisamment sévère pour avoir nécessité une hospitalisation. La dernière étude de Sigurs et al. (8) a comparé la cohorte d’ex-nourrissons hospitalisés pour bronchiolite (n = 46) et leurs témoins (n = 92). Dix-huit ans plus tard, la prévalence de l’asthme était significativement plus importante chez les premiers (39 % vs 9 %) ainsi que la prévalence de l’allergie clinique (43 % vs 17 %) et celle des sensibilisations aux allergènes perannuels (41 % vs 14 %) (8).
Une étude finlandaise de Korppi et coll. (9) a évalué les facteurs de risque de persistance de l’asthme 27 ans après des sifflements du nourrisson (hospitalisation avant l’âge de 2 ans le plus souvent pour bronchiolite) chez 59 sujets suivis et comparés à 144 témoins appariés. Le principal résultat a été que 20 % des enfants du groupe « bronchiolite » avaient un asthme confirmé par un médecin contre seulement 5 % dans le groupe témoin.
Les siffleurs récidivants d’âge préscolaire
Ces enfants de moins de 6 ans appartiennent en fait à plusieurs phénotypes que l’on peut cliniquement identifier dans une certaine mesure :
1) les siffleurs transitoires qui ne siffleront plus après 3 ans (tabagisme passif) ;
2) les siffleurs persistants dont les symptômes continueront après 6 ans (atopiques) ;
3) les siffleurs tardifs dont les sibilants (en anglais on dit wheezing).
En fait, cette distinction est trop schématique car, parmi les siffleurs persistants certains n’ont pas d’allergie. De plus des enfants ont des crises surtout (ou uniquement) provoquées par les infections virales de la rentrée (épidémies d’asthme de Septembre) qu’ils soient allergiques ou non.
Asthme de l’adolescent et asthmes réfractaires ou « difficiles »
L'adolescence représente un cap important pour la maturation physique et psychologique de l'individu. C'est la période du déni des maladies, de l'abandon des traitements de fond, du tabagisme, de risques d'addiction divers (etc.) autant de facteurs d'aggravation de l'asthme. L'adolescent abandonne le traitement de fond et ne prend des médicaments que ponctuellement pour les crises. Le risque de crise grave et de décès est alors maximal (Tableaux 5 et 6).
A cet âge, l’asthme est difficile à traiter ou à équilibrer. « Difficult asthma » est la traduction littérale du terme anglais, désignant les « asthmes difficiles à traiter ou à équilibrer », syndrome très hétérogène dont le socle commun est la persistance de symptômes souvent graves malgré un traitement supposé maximal. Cela concerne environ 5 % des patients.
L’asthme « difficile » est défini par un critère majeur et au moins 2 critères mineurs. Le critère majeur est la nécessité de prendre, soit des doses élevées de corticoïdes inhalés (CI) équivalent à 1200 µg de budésonide ou à 880 µg de propionate de fluticasone, soit une corticothérapie par voie générale. Les critères mineurs sont : I) nécessité d’un traitement par un ß2-stimulant de longue durée d'action (ß2-LA), théophylline ou antileucotriènes (ATL), II) consommation presque quotidienne de ß2-stimulant de courte durée d'action (ß2-CA), III) obstruction bronchique permanente (VEMS <80 % de la valeur théorique), IV) variations du débit expiratoire de pointe (DEP) › 20 %.
Avant d’affirmer qu’un asthme est difficile, il faut écarter les maladies autres que l’asthme : obstructions des voies aériennes supérieures (stridor, laryngomalacie, trachéomalacie), obstructions des voies aériennes basses (kyste bronchogénique de la carène, corps étranger bronchique méconnu), dysfonctionnement laryngé épisodique, séquelles des viroses respiratoires, dysplasie broncho-pulmonaire, etc.
Il faut ensuite rechercher et éliminer les facteurs dont le contrôle rendrait cet asthme maîtrisable par un traitement adapté :
1) exposition persistante aux allergènes,
2) affections ORL ignorées ou mal traitées (obstruction nasale, sinusite, polypes),
3) tabagisme passif ou actif,
4) drogues (cannabis),
5) reflux gastro-œsophagien,
6) AA associée (arachide et fruits à coque),
7) facteurs émotionnels (agressivité de l’adolescent) .
Ceci réalisé, l’asthme est alors réellement difficile : l’équilibration (et la surveillance) sont rigoureusement du domaine du spécialiste (pédiatre – pneumologue)
ÉVOLUTION DES CONCEPTS : LE CONTRÔLE DE L’ASTHME
La notion de sévérité tend à être remplacée par celle de contrôle, défini par la présence ou l’absence de certains critères, essentiellement cliniques, qui apprécie l'activité de la maladie sur 1 semaine à 3 mois précédant la consultation. Il est recommandé de centrer le suivi des asthmatiques sur le contrôle de l’asthme et de l’évaluer à chaque consultation de suivi (environ tous les 3 mois). Selon l’ANAES (HAS), le contrôle peut être « optimal », « acceptable » et « inacceptable ». Les paramètres qui définissent un contrôle acceptable sont indiqués sur le Tableau 7.
Mise au point
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