Le mélanome cutané est une tumeur maligne développée au niveau des mélanocytes (cellules qui fabriquent la mélanine). Il affecte tous les âges mais reste exceptionnel avant la puberté, il touche avec une plus grande fréquence la femme que l’homme.
On estime son incidence en France, comme dans la plupart des pays d’Europe, à 5 à 10 nouveaux cas pour 100 000 habitants, soit environ 7 200 cas par an en France. Cette incidence augmente de 10 % chaque année, ce qui serait lié à l’augmentation de l’exposition au soleil pendant l’enfance et l’adolescence et peut-être aussi à l’amélioration de la précocité du diagnostic. La mortalité, environ 1 300 décès en France par an, augmente nettement moins que l’incidence. À noter que l’incidence du mélanome est majeure chez les blancs vivant en Australie et qu’elle est très faible pour les sujets noirs ou jaunes. Facilement curable quand il est pris en charge à un stade précoce, le mélanome devient particulièrement redoutable au stade métastatique. Même si les nouvelles thérapies ciblées ou l’immunothérapie ouvrent des perspectives inespérées dans ce domaine.
DÉPISTER TÔT
Identifier les personnes à risques
Le risque de développer un mélanome est le résultat d’une conjonction de facteurs génétiques (prédisposition familiale, phototype, nævus…) et environnementaux (expositions UV brutales et intermittentes). Ceci implique de rechercher ces facteurs de risque à l’interrogatoire (antécédents familiaux, exposition solaire, brûlures solaires, …).
=› Avoir un antécédent personnel de mélanome augmente le risque d’avoir un deuxième mélanome : environ 8 % des patients ayant eu un mélanome en développeront un deuxième.
=› En cas d’antécédent familial de mélanome, le risque de développer un mélanome est doublé.
=› La sensibilité de la peau au soleil est définie par le phototype. Les individus de phototype clair I et II (peau claire ne bronzant pas, yeux bleus, cheveux blonds ou roux, éphélides) sont plus à risque de mélanome.
=› Un nombre élevé de nævus communs ( › 50)
=› La présence de plus de 5 nævus atypiques (bords mal définis, diamètre de 5 mm ou plus, couleur multiple)
=› Les patients atteints du syndrome des nævus atypiques ont un risque d’environ 10 % de développer un mélanome.
=› Le rôle de l’exposition solaire dans l’enfance est primordial. Il a été bien prouvé par l’étude des migrations en Australie (le risque de développer un mélanome à l’âge adulte diminue quand l’âge lors de l’immigration est plus élevé).
=› Ces facteurs de risque s’additionnent.
=› L’excision prophylactique n’est pas justifiée, 70 à 80 % des mélanomes se développent de novo sur peau saine sans lésion préexistante.
Prévoir pour ces personnes une consultation « dédiée » et renouvelable,
L’examen de tout le tégument est long et peut difficilement s’intégrer dans une consultation normale. L’ensemble du revêtement cutané doit être examiné sans oublier les zones cachées : cuir chevelu, oreilles, plantes des pieds, espaces interdigitaux, muqueuses,… Lors d’une consultation pour un tout autre motif, si un facteur de risque a été découvert pour un patient, il faut, sans hésiter, lui demander de revenir pour une consultation « dédiée ». Cette consultation peut être faite par le dermatologue ou par le généraliste « en s’aidant - surtout pour les patients ayant de nombreux nævus ou des nævus atypiques- de photos prises avec un appareil numérique qui permet d’une fois sur l’autre de comparer, en plaçant le patient à côté de l’écran de son ordinateur. Déceler une évolutivité des lésions ou l’apparition de novo est nettement facilitée par la photosurveillance. »
Les personnes à haut risque (antécédent de mélanome, syndrome des nævus atypiques, ...) doivent avoir un suivi spécialisé par un dermatologue qui aura souvent recours à la dermoscopie qui augmente la performance (sensibilité de 89 %, au lieu de 70% pour l’œil nu averti).
À noter qu’un nævus se modifiant ou apparaissant après l’âge de 50 ans est particulièrement suspect d’être un mélanome.
Motiver ses patients à l’auto examen cutané
Plus le diagnostic est précoce, meilleur est le pronostic, aussi il est indispensable de motiver et d’entraîner ses patients à s’examiner. On les incite :
- à pratiquer tous les 3 mois un auto-examen cutané.
- à consulter une fois par an, ou de suite en cas de détection d’une lésion suspecte (nouvelle ou modifiée en taille, couleur, ou forme).
- à adopter des comportements raisonnables vis-à-vis de l’exposition solaire et une photoprotection adaptée
Reconnaître une lésion suspecte : la méthode ABCDE et celle du « vilain petit canard »
Le dépistage du mélanome est uniquement clinique. Deux méthodes à associer sont proposées :
-› La méthode ABCDE. Elle a l’avantage d’être mnémotechnique, relativement complète et assez sensible ; un mélanome présente habituellement les caractères suivants :
- Asymétrie : une lésion susceptible d’être un mélanome est de forme asymétrique.
- Bordure : une lésion susceptible d’être un mélanome a des bords irréguliers, encochés, polycycliques.
- Couleur : une lésion susceptible d’être un mélanome est de couleur inhomogène (brun, noir, rosé, marron, dépigmenté).
- Diamètre : une lésion susceptible d’être un mélanome a généralement une taille supérieure à 6 mm.
- Évolution : une lésion susceptible d’être un mélanome change d’aspect, de taille, de couleur, d’épaisseur.
-› La méthode du « vilain petit canard », plus intuitive, elle permet de repérer une lésion à part des autres. Chez un sujet donné, les grains de beauté se ressemblent entre eux, ont un « air de famille », une lésion différente des autres dans sa forme, sa couleur ou son épaisseur doit être considérée comme suspecte.
Le dépistage clinique nécessite un certain apprentissage ; s’entraîner en regardant des photographies de lésions bénignes et de mélanomes permet d’améliorer ses performances diagnostiques.
L’HISTOLOGIE FAIT LE DIAGNOSTIC ET LE PRONOSTIC
Toute lésion suspecte de mélanome doit être excisée de façon complète (sauf dans le cas très particulier des lésions de grande taille où des biopsies sont possibles) avec une exérèse allant jusqu’à l’hypoderme. Cet examen permet d’affirmer la nature mélanocytaire de la tumeur, sa malignité, le niveau d’invasion en profondeur et de mesurer son épaisseur et permet la classification de la tumeur :
- le niveau d’invasion en profondeur correspond au niveau de Clark,
- l’épaisseur tumorale maximale donne l’indice de Breslow qui détermine en grande partie la prise en charge et le pronostic,
- présence ou non d’une ulcération,
- évaluation de l’index mitotique.
Ces éléments morphologiques représentent les facteurs pronostiques de la classification AJCC (American Joint Committee on Cancer) (Balch, JCO 2009) et sont utilisés pour guider la prise en charge thérapeutique.
-› En résumé :
Stade I et II : mélanomes localisés.
Stade III : mélanomes avec métastases locorégionales cutanées ou ganglionnaires.
Stade IV : mélanomes avec métastases à distance.
LA PRISE EN CHARGE DU MÉLANOME CUTAN
Tout va dépendre du stade de classification du mélanome. Dans plus de 90 % des cas, il est diagnostiqué au stade de tumeur primitive, sans métastases. La survie à 10 ans varie alors entre 75 et 85 %. En pratique, tout diagnostic de mélanome est actuellement discuté en RCP (réunion de concertation pluridisciplinaire). C’est là que s’analyse notamment la nécessité d’avoir ou non recours à une exérèse du ganglion sentinelle et celle de l’intérêt de l’imagerie, et ce d’autant que nombre de patients ayant un mélanome vont entrer dans le cadre d’essais thérapeutiques ou de protocoles d’évaluation.
Stades I et II
Le traitement de référence est la chirurgie : après l’exérèse et le bilan d’extension, est réalisée une reprise chirurgicale pour obtenir des marges de sécurité calculées en fonction de l’indice de Breslow ; plus il est élevé plus les marges sont larges, sans dépasser 3 cm.
Le bilan d’extension est surtout clinique avec examen général complet et palpation de toutes les aires ganglionnaires. Mais en option, suivant les décisions de la RCP, une échographie locorégionale de la zone de drainage peut être faite aux stades II complétée pour le stade IIC d’une TDM abdominopelvienne, thoracique et cérébrale.
Stade III
Le stade III correspond au stade d’atteinte métastatique locorégionale ganglionnaire ou cutanée.
Le bilan d’extension est toujours complet. Le traitement est chirurgical quand il est possible.
Aucun traitement adjuvant n’est indiqué pour les patients porteurs d’un mélanome avec un Breslow ≤ 1,5 mm et N0 clinique.
Pour les patients porteurs d’un mélanome avec un Breslow › 1,5 mm et/ou N+ histologique, 3 options thérapeutiques peuvent être envisagées :
- l’absence de traitement adjuvant,
- l’interféron alpha à faible dose pendant 18 mois pour les patients sans envahissement ganglionnaire histologique,
- l’interféron alpha à haute dose pendant 1 an pour les patients présentant un envahissement ganglionnaire histologique.
Cependant l’efficacité de l’interféron en termes de survie globale est contestée, c’est pourquoi ce traitement n’est considéré que comme une option. De plus en plus d’essais thérapeutiques sont proposés aux patients avec envahissement ganglionnaire.
Stade IV
Dans la prise en charge du mélanome au stade métastatique, il n’y a pas de traitement standard. Elle se fait au cas par cas, utilisant chirurgie carcinologique, chimiothérapie (darcarbazine, cisplatine, fostemustine, temozolomide), radiochirugie stéréotaxique, soins palliatifs… Récemment, de nombreux espoirs existent avec l’utilisation de l’anticorps monoclonal anti-CTLA-4, l’ipilimumab (favorisant l’immunité anti-tumorale), ou encore avec les thérapeutiques ciblées tels que les inhibiteurs de BRAF.
UN SUIVI A VIE
=› Pour les patients atteints d’un mélanome de stade I : examen clinique complet tous les 6 mois pendant 5 ans puis tous les ans à vie.
=› Pour les patients atteints d’un mélanome de stade IIA et IIB : examen clinique complet tous les 3 mois pendant 5 ans puis tous les ans à vie ; une échographie de la zone loco-régionale de drainage peut être proposée tous les 3 à 6 mois pendant 5 ans.
=› Pour les patients atteints d’un mélanome de stade IIC et III : examen clinique complet tous les 3 mois pendant 5 ans puis tous les ans à vie ; une échographie de la zone loco-régionale de drainage peut être proposée tous les 3 à 6 mois pendant 5 ans, ainsi que d’autres examens d’imagerie (TEP-FDG, TDM abdominopelvienne, thoracique et cérébrale).
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